« Les jeunes s’élançaient de toute la France » - France Catholique
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L'Église dans l'attente
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« Les jeunes s’élançaient de toute la France »

Depuis un millénaire, le Mont-Saint-Michel attire des pèlerins venus se confier à l’intercession de l’archange. Entretien avec André Vauchez, médiéviste et membre de l’Institut.
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Dès le XIVe siècle, de nombreux « pèlerinages d’enfants » se rendent au Mont-Saint-Michel. Beaucoup de jeunes marchent aujourd’hui sur leurs traces.

Dès le XIVe siècle, de nombreux « pèlerinages d’enfants » se rendent au Mont-Saint-Michel. Beaucoup de jeunes marchent aujourd’hui sur leurs traces.

© Sebastien Desarmaux / Godong

À partir de quand le Mont-Saint-Michel a-t-il attiré les premiers pèlerins ?

André Vauchez : Les débuts sont obscurs et avant le XIe siècle, nous ne savons pas grand-chose. Nous n’avons pas de documentation de l’époque pour établir s’il y a eu d’emblée un afflux de pèlerins dès le VIIIe siècle. À l’époque, le sanctuaire était géré par des chanoines qui ne semblent pas avoir été des modèles de vertu. L’installation des bénédictins, vers 965, transforme le Mont en un lieu beaucoup plus prestigieux : leur vie religieuse régulière est plus attirante que celle des chanoines ! On commence alors à collecter des récits de miracles – signe de la présence de pèlerins –, de façon croissante tout au long des XIIe et XIIIe siècles.

Le Roman du Mont-Saint-Michel, écrit en vieux normand par le moine Guillaume de Saint-Pair dans la seconde moitié du XIIe siècle, relate ainsi la venue de pèlerins et constitue une source de choix. Ceux qui se rendent au Mont-Saint-Michel n’y vont pas tant pour y demander un miracle de guérison que pour demander pardon pour leurs péchés et prier Dieu par l’intercession de saint Michel, messager céleste par excellence.

Très tôt, l’attirance exercée par le Mont-Saint-Michel revêt un aspect politique…

À partir de 1204, la Normandie est annexée au domaine royal et les rois de France se rendent au Mont pour « occuper le terrain ». Cette démarche politique se doublait d’une démarche religieuse : avant d’aller à la croisade, Saint Louis est venu prier pour le succès de son entreprise. Philippe le Bel s’y est rendu en 1312, en action de grâces pour une victoire sur les Flamands.

Cet aspect se renforce au début du XVe siècle, pendant la guerre de Cent Ans, alors que le Mont résiste pendant vingt ans aux assauts des Anglais, devenant un symbole de l’indépendance et du refus de la France de devenir anglaise ! À partir de Jeanne d’Arc, qui compte dans ses « voix » saint Michel, l’archange devient un saint national symbole de la reconquête. Et à partir de Charles VII, tous les rois de France se rendent au moins une fois dans leur vie au Mont-Saint-Michel !

Le phénomène populaire le plus important est le « pèlerinage d’enfants », nommés « petits Miquelots »…

Il s’agit de la phase la mieux documentée pour le Moyen Âge, entre la seconde moitié du XIVe siècle jusqu’à la fin du XVe siècle. Le phénomène, qui concernait en fait des adolescents, a stupéfié les contemporains, au point de se retrouver dans beaucoup de chroniques de l’époque. Ces jeunes s’élançaient des quatre coins du territoire et même au-delà du royaume de France : à la fin du XVe siècle, beaucoup de pèlerinages d’enfants proviennent de la vallée du Rhin allemande et de la Suisse. Ils partaient en bande, gagnaient trois ou quatre pèlerins à chaque village et arrivaient au Mont-Saint-Michel à 400 ou 500 !

Retrouvez l’entretien complet dans notre numéro spécial.