« L'élan missionnaire doit puiser sa source dans le Cœur transpercé du Sauveur » - France Catholique
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« L’élan missionnaire doit puiser sa source dans le Cœur transpercé du Sauveur »

Le 28 mai, le Pape a invité les évêques français à se réapproprier l’héritage spirituel et missionnaire de trois grands saints canonisés il y a 100 ans, dont deux Normands : Thérèse de l’Enfant-Jésus, Jean Eudes et Jean-Marie Vianney.
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Sanctuaire de Douvres-la-Délivrande, où saint Jean Eudes et sainte Thérèse sont venus prier. © Diocèse de Bayeux-Lisieux

La lettre du Saint-Père rappelle que les saints, loin d’appartenir au passé, sont des exemples bien vivants…

Mgr Jacques Habert : Le pape Léon XIV nous dit dans sa lettre que saint Jean-Marie Vianney, sainte Thérèse de l’Enfant-Jésus et saint Jean Eudes sont à la fois des « maîtres à écouter », des « modèles à imiter » et des « soutiens » par leur intercession. Cela veut d’abord dire qu’il ne s’agit pas simplement de les évoquer mais qu’ils ont quelque chose à nous enseigner, encore aujourd’hui. Jean-Paul II a fait de sainte Thérèse un docteur de l’Église et la cause de saint Jean Eudes pour le devenir à son tour est bien avancée ! Ce sont donc des maîtres spirituels que nous devons nous approprier.

Et, plus encore peut-être, nous devons essayer de les imiter, dans la mesure du possible au vu de notre état de vie, de notre époque, du contexte actuel de l’Église… Quand Pie XI a fait du saint Curé d’Ars le patron des curés de l’univers, c’est pour qu’il soit un modèle pour chacun d’eux. Moi-même, au séminaire, j’ai lu plusieurs biographies de saint Jean-Marie Vianney et de Don Bosco : ils ont beaucoup inspiré mon désir de la vie sacerdotale. L’Église canonise justement pour cela : stimuler et inspirer les chrétiens, de toutes les nations, et de toutes les époques. C’est donc à notre tour, à notre manière et humblement, de leur emboîter le pas !

Le pape Léon XIV souhaite que cet héritage nourrisse un nouvel élan missionnaire. Quelle inspiration peut-on puiser chez ces trois saints ?

Le Pape nous donne la réponse : notre mission pour gagner les cœurs au Seigneur consiste à « faire découvrir à chacun l’amour de tendresse et de prédilection que Jésus a pour lui, au point d’en transformer la vie ». Notre mission sera de faire connaître la Miséricorde de Dieu à nos contemporains. C’est pourquoi il fait référence à l’encyclique Dilexit nos du pape François : l’élan missionnaire que souhaite Léon XIV doit puiser sa source dans le Cœur transpercé du Sauveur, signe de son Amour pour chacun de nous. Saint Jean-Marie Vianney en fut un admirable témoin pendant les heures qu’il passa au confessionnal, à pardonner les péchés. Dans sa vie, saint Jean Eudes se dévoua énormément aux jeunes filles abandonnées et aux femmes de mauvaise vie : il les protégea et les ramena à une vie chrétienne. Tous deux portèrent de grands fruits car cette charité ardente, témoin de la Miséricorde du Père, ramène à lui ses enfants prodigues.

Et sainte Thérèse ? Une religieuse cloîtrée missionnaire, n’est-ce pas étonnant ?

Au contraire, Thérèse a justement été faite patronne des missions par Pie XI en 1927, aux côtés de saint François-Xavier ! Elle voulait entrer au Carmel pour sauver des âmes. C’est l’étonnant mystère de la communion des saints, depuis son couvent, la carmélite soutient le prêtre missionnaire. Et, d’ailleurs, cela passe aussi par la Miséricorde. Combien de fois Thérèse parle-t-elle de la Miséricorde dans son Histoire d’une âme ? Elle la vit concrètement comme lorsqu’elle obtient la conversion de Pranzini au pied de l’échafaud. Quand elle voit ce criminel, au lieu de le condamner, elle pense à son Salut et est prête à se sacrifier pour l’obtenir. C’est un vrai témoignage d’amour.

Le Pape insiste aussi sur l’importance de redécouvrir la beauté de la vocation. Que nous apprennent ces trois saints ?

Fondamentalement, ces trois grands saints nous enseignent une chose : à nous donner sans compter à l’Amour du Seigneur. Car c’est en cela que consiste la sainteté. Or la vie consacrée est justement une vie donnée et nécessite, peut-être par excellence, d’en avoir le goût. Saint Jean Eudes dans ses missions et le saint Curé d’Ars dans sa paroisse furent des exemples de don de soi à Dieu, et aux autres. Mais on peut aussi rappeler la phrase de sainte Thérèse qui résume cela en toute simplicité : « Aimer, c’est tout donner et se donner soi-même. »

Sur le sacerdoce en particulier, quel est l’apport de la piété mariale de saint Jean Eudes ?

Il est le premier à développer une doctrine sur l’union des Cœurs de Jésus et Marie car le Cœur de la Vierge est celui qui a partagé le plus parfaitement les dispositions de celui de son Fils. C’est une mystique qui invite à comprendre plus en profondeur l’importance de la Sainte Vierge dans notre foi, particulièrement pour le prêtre. Marie est d’abord la femme du « fiat », qui consent au don total de soi à Dieu. Ce don la mène jusqu’à la Croix où elle offre le sacrifice de son Fils au Père. C’est ce que le prêtre fait à la messe. En ce sens, on peut dire que Marie a un Cœur sacerdotal et nous en enseigne les dispositions. Elle est aussi la Mère des prêtres. Le jour de la Pentecôte, elle est présente et prie avec les Apôtres qui se sont rassemblés autour d’elle. Le prêtre a donc en Marie à la fois une Mère à laquelle se confier et un modèle à imiter. En vertu de ce lien unique, tout prêtre doit avoir une grande dévotion à Notre-Dame.

Le Souverain pontife parle beaucoup de « courage » et mentionne les « vents contraires et parfois hostiles de l’indifférentisme, du matérialisme et de l’individualisme »

Oui, l’espérance surnaturelle ne doit pas exclure un certain réalisme. Certes, nous manquons de vocations et il y a des « vents contraires qui soufflent fort ». C’est justement pour cela que le Saint-Père nous invite à combattre avec courage. Toutes les époques ont été accompagnées de leur lot de difficultés ; les saints avaient aussi leurs faiblesses ! Il ne faut pas l’oublier, même dans le cas des trois grands dont nous parlons ici. Les épreuves sont le lot des chrétiens, le Seigneur nous a prévenus. Alors, il ne faut pas désespérer. Les 17 000 baptêmes de Pâques sont certes modestes mais restent un vrai signe d’espérance. Nous devons être conscients de l’héritage que nous recevons en tant que Français. Le Pape nous le rappelle justement. D’abord, rendons grâce pour ce trésor. Maintenant, c’est à nous d’y être fidèles et d’œuvrer pour que la sainteté refleurisse dans notre pays, avec les moyens dont nous disposons aujourd’hui. Il nous faudra du courage et de la persévérance, mais rien n’est impossible à Dieu.