« La venue du pape à Marseille suscite un fort élan populaire » - France Catholique
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« La venue du pape à Marseille suscite un fort élan populaire »

Le cardinal Jean-Marc Aveline, archevêque de Marseille, accueille le pape à l’occasion des Rencontres méditerranéennes. « Marseille, dit-il, est un lieu d’espérance. »
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© Antoine Mekary / Godong

Historiquement, Marseille a joué un grand rôle dans l’évangélisation de la France. Que cela vous inspire-t-il ? Cardinal Jean-Marc Aveline : Effectivement, Marseille, parce qu’elle est une ville portuaire, a joué un rôle important dans l’arrivée de témoins du Christ dans nos contrées. Une antique et vénérable tradition fait de ceux que l’Évangile désigne comme « les amis » de Jésus, saint Lazare et sainte Marie-Madeleine, les fondateurs de la première communauté chrétienne de notre cité, après avoir débarqué aux Saintes-Maries-de-la-Mer. Encore aujourd’hui, chaque 2 février au matin, pour la fête de la Chandeleur, nous mettons en scène cette arrivée de l’Évangile à Marseille par la mer. Et le peuple sait bien que cette tradition oblige à se souvenir que, non seulement, c’est toujours par d’autres, venus d’ailleurs, que nous recevons l’Évangile, mais aussi que, spécialement à Marseille, nous devons témoigner que l’amitié, celle que Jésus partagea avec ses hôtes à Béthanie, est le meilleur vecteur de l’annonce de l’Évangile, comme l’avait bien vu saint Charles de Foucauld, dans les relations amicales et fraternelles qu’il tissa avec les Touaregs, dont il voulait devenir « l’ami sûr ». Marseille est la première ville du monde consacrée au Sacré-Cœur de Jésus. Comment cela se vit-il de nos jours ? Le 25 mai 1720, un navire marchand, le Grand Saint-Antoine, se présente au large de Marseille. Malgré de forts soupçons de peste à son bord, les règles sanitaires en vigueur ne sont pas respectées : les notables qui ont financé l’expédition font jouer leurs relations pour que la cargaison soit débarquée à temps pour la foire de Beaucaire. Débute alors, pour Marseille et pour la région, un long cauchemar qui va durer deux ans. Dès le 20 juin, dans les vieux quartiers de la ville, une femme meurt en quelques heures. Mais les échevins et les autorités sanitaires misent sur une contagion limitée et refusent de déclarer la ville atteinte de la peste. Il meurt cent personnes chaque jour, puis trois cents, puis mille… Le 24 août, on ferme les églises… À cette époque, depuis 1710, Henri François-Xavier de Belsunce de Castelmoron (1671-1755) est évêque de Marseille. Quand l’épidémie se déclenche, il fait partie des rares autorités à ne pas déserter la ville par peur de la contagion. Ses liens profonds avec la spiritualité de saint François de Sales, évêque de Genève et apôtre de la bonté de Dieu, l’avaient déjà conduit au couvent de la Visitation de Marseille, où il avait rencontré Sœur Anne-Madeleine Rémuzat, qui lui suggère de consacrer la ville et le diocèse au Sacré-Cœur, ce qu’il fit le 1er novembre 1720, sur le cours qui porte aujourd’hui son nom. La peste recula et, lentement, la vie reprit ses droits, au point que le 20 juin 1721, l’évêque célébra, en action de grâces, la première fête du Sacré-Cœur. Mais quand, à partir d’avril 1722, l’épidémie connut ce que l’on appellerait aujourd’hui une « deuxième vague », Mgr de Belsunce entreprit de convaincre les échevins de s’engager par un vœu, le « vœu des échevins », à offrir chaque année un cierge pour placer la ville sous la protection de Dieu. Le premier « vœu des échevins » fut ainsi prononcé le 4 juin 1722. En 2020, nous avions préparé de grandes festivités pour marquer le troisième centenaire de cette consécration. Une autre épidémie a cependant empêché de déployer tout ce que nous avions prévu. Mais le 5 avril, jour des Rameaux, seul sur la colline de Notre-Dame de la Garde, j’ai voulu renouveler solennellement cette consécration et, depuis chez eux, grâce au relais des médias, les Marseillais en très grand nombre ont pu s’associer à cet événement. Puis, en 2022, j’ai invité le cardinal Parolin à venir lui-même présider la célébration du trois centième vœu des échevins. Aujourd’hui encore, à travers maintes congrégations religieuses fondées sur la spiritualité du Sacré-Cœur, Marseille est tout particulièrement sensible à la bonté de Dieu, un Dieu qui est amour et aime chacun « de tout son Cœur », ne demandant qu’à être aimé en retour ! Annoncer l’Évangile à Marseille, c’est inviter à aimer Celui qui « a tant aimé le monde qu’il a donné son Fils unique, […] non pas pour juger le monde, mais pour que par lui le monde soit sauvé » (Jn 3, 16-17). Comment poursuivre aujourd’hui l’œuvre des grands évangélisateurs de Marseille ? Dans son homélie du 13 mai 2007 sur l’esplanade du sanctuaire d’Aparecida, le pape Benoît XVI disait que « l’Église ne fait pas de prosélytisme. Elle se développe plutôt par “attraction” : comme le Christ “attire chacun à lui” par la force de son amour, qui a culminé dans le sacrifice de la Croix, de même, l’Église accomplit sa mission dans la mesure où, associée au Christ, elle accomplit chacune de ses œuvres en conformité spirituelle et concrète avec la charité de son Seigneur ». C’est la charité qui a poussé Mgr de Belsunce à braver les périls de la peste pour être proche de son peuple et l’aider ainsi à mieux comprendre l’Évangile de l’amour. C’est le zèle de la charité qui a permis à saint Eugène de Mazenod de conjuguer la direction d’une congrégation missionnaire active sur de nombreux continents – les Oblats de Marie Immaculée – et la rénovation du diocèse de Marseille [FC n° 3825]. Et d’autres évêques, prêtres, religieux et laïcs de Marseille se sont illustrés par cette charité qui est la marque la plus profonde de notre Église diocésaine, de Mgr Gault au bienheureux abbé Fouque, béatifié il y a cinq ans, le 30 septembre 2018. Beaucoup de jeunes perçoivent aujourd’hui que c’est en passant par la porte du service des pauvres qu’ils ont le plus de chance de trouver le chemin du sens de leur vie et peut-être celui de la suite du Christ. Ils sont poussés par la fougue de la jeunesse, par le beau zèle de l’évangélisation et ils font l’expérience de l’amitié, celle-là même que Jésus partagea avec ses hôtes à Béthanie, comme premier vecteur de l’annonce de l’Évangile, parce qu’elle ouvre à la confiance et, comme le disait Benoît XVI, à « l’attraction ». Le pape a dit qu’il venait à Marseille mais pas en France. Comment le comprendre ? Comme le pape le comprend ! S’il vient à Marseille, ce n’est pas pour amorcer, à partir de là, un voyage officiel en France, mais c’est parce que cette ville accueille la troisième édition des « Rencontres méditerranéennes », auxquelles il vient participer, comme il l’avait fait lors de la première édition à Bari en février 2020. Environ soixante-dix évêques et autant de jeunes étudiants et jeunes professionnels sont réunis à Marseille pour travailler ensemble, du 17 au 24 septembre, sur les grands défis de l’espace méditerranéen : défi socio-économique, environnemental, migratoire et géo-politico-religieux. Ils proviennent des cinq rives de la Méditerranée : Afrique du Nord, Proche-Orient, mer Noire, Balkans et Europe latine. Mais puisque Marseille est en France, rien n’empêche la France de venir prier avec le Pape à Marseille ! L’enjeu n’est pas de venir pour regarder le Pape, mais plutôt pour apprendre, avec le Pape, à regarder la Méditerranée, à prendre conscience non seulement des défis de cet espace et des drames qui s’y déroulent, notamment pour les personnes migrantes ou réfugiées, mais aussi des ressources qu’il renferme. La France, par une large part de son histoire, est liée à cette mer. Elle doit prendre, aujourd’hui encore, sa part de responsabilité en faveur de la paix et du bien commun. 57 000 personnes prévues pour la messe célébrée au stade Vélodrome. Qu’est-ce que cela dit de la foi des Marseillais ? L’engouement pour cette messe a été immédiat, si bien que le stade est quasiment plein et qu’il nous a fallu travailler pour permettre le passage du Pape sur l’avenue du Prado et installer des écrans géants pour que tous ceux qui le souhaitent puissent suivre la célébration. Marseille est heureuse d’accueillir le pape ! Lors de la procession aux flambeaux organisée en « lever de rideau » le 16 septembre sur la colline de Notre-Dame-de-la-Garde, je lisais dans les yeux des fidèles la même joie que celle qu’on lit dans les yeux des enfants huit jours avant Noël ! Et l’attente est le meilleur moment pour la joie, parce que tant qu’elle attend, la joie sait qu’elle peut encore grandir. Marseille est heureuse parce que cet événement met en lumière ce qui fait son âme et sa vocation : être un lieu d’espérance pour tant et tant de personnes qui ont échoué chez elle et l’ont peu à peu constituée. Tous les Marseillais savent que, dans leur identité dont ils sont si fiers, il y a toujours une part d’altérité, parce qu’à un moment de l’histoire de leur famille, ils sont venus d’ailleurs. Le mythe fondateur de la ville raconte cette union entre un marin grec de Phocée, Protis, et une jeune fille autochtone, Gyptis. Le grand festival méditerranéen, avec sa centaine de propositions de tous ordres – concerts, conférences, théâtre, découvertes, initiatives solidaires envers les plus pauvres, etc. – est le fruit d’une coopération que l’Église diocésaine a tissée avec plus de cent cinquante associations locales, culturelles, sportives, sociales, etc. En faisant cela à cause du Christ Jésus, l’Église, humblement et « par attraction », continue d’accomplir sa mission. Quels sont pour vous les fruits d’une telle visite ? C’est trop tôt pour le dire ! Mais l’élan populaire est fort à Marseille, et le besoin d’instances ecclésiales de concertation et de communion sur le pourtour méditerranéen est bien réel. Nous allons en discuter et j’espère que des décisions concrètes pourront être prises afin d’accompagner au mieux ce processus. Mais le plus important est ce que l’on ne peut pas mesurer. Dans la prière que j’ai rédigée pour accompagner la grande neuvaine qui a précédé l’ouverture de ces Rencontres, j’ai surtout invité les Marseillais à se rendre disponibles à ce que Dieu voudra donner à son peuple à travers l’événement que nous nous apprêtons à vivre.
—  aveline_mission.jpgJean-Marc, Aveline, Dieu a tant aimé le monde. Petite théologie de la mission, Éditions du Cerf, 160p., 15€.