Avec la nouvelle année civile qui arrive, nous avons, pour certains, besoin de nous rafraîchir la mémoire à propos des engagements que nous avons pris. Comme vous le savez, Jésus disait de lui-même qu’il était « la voie, la vérité et la vie. » Et il ajoutait : « Personne ne vient au Père si ce n’est par moi. » (Jean 14, 6). Par conséquent, sa personne même est la Voie.
La manière qu’il avait d’utiliser son intellect et sa volonté, la manière dont ses capacités physiques étaient ordonnées à ses capacités spirituelles, voilà ce qui est devenu possible pour nous en lui. Quand les premiers Chrétiens étaient persécutés, ceux qui les persécutaient recherchaient « des hommes et des femmes adeptes de la Voie. » (Actes 9, 2) Le Pape émérite Benoît a commenté ce point, à savoir que le Catholicisme est donc une voie et non une religion, ce qui veut dire qu’on ne peut le réduire à une simple liste de choses à faire.
Le catholicisme est au contraire le mode de vie (chemin de vie – way of life) intégral incarné dans le Christ, celui qui vit chaque jour en suivant la volonté du Père. À l’opposé, dans une religion, on a accompli tous ses devoirs envers Dieu une fois que le dernier élément de la liste a été coché. Une religion permet d’avoir du temps libre par rapport à la religion ! J’ai du temps pour les activités profanes, comme s’il existait quelque chose de vraiment profane.
Les gens qui se font absorber par des « religions » en ont en général une ou deux : par exemple, avoir recours au Catholicisme dans les moments difficiles, être obsédé par le shopping, être fasciné par le sexe, faire une fixation sur une équipe de base-ball ou un parti politique, dépendre de tel cercle social, être préoccupé de sa réussite professionnelle. En ce sens, être religieux fait que la vie consiste à sauter d’une religion à une autre.
Par contre, être en chemin, c’est être humblement soumis à des situations parce qu’elles sont données par Dieu. Ainsi, par exemple, « un Samaritain, qui était en voyage, arriva près de l’homme (battu) ; il le vit et fut saisi de pitié. Il s’approcha, pansa ses plaies en y versant de l’huile et du vin ; puis il le chargea sur sa propre monture, le conduisit dans une auberge et prit soin de lui. » (Luc 10, 33-34) C’est cela le don désintéressé de soi à l’autre en amour. C’est le cœur de la Voie.
Poursuivons un peu plus loin cette idée : le mariage peut soit être un mariage « religieux » ou un mariage « en chemin ». Dans un mariage « religieux », au sens où nous l’entendons ici, je vois une liste de devoirs qui constituent le « mariage » et une fois que ces éléments ont été cochés, alors j’ai fait ce que j’avais dans ma liste. Il est bien évident que si en complétant la liste, je ne suis pas heureux, alors j’ai la possibilité de divorcer puisque j’ai fait tout ce que je m’étais promis de faire. Remarquez combien de fois apparait le « je ». Ce mariage, c’est ma propre construction, pas la manière dont Dieu voit les choses. Ce « mariage », c’est MON projet et il est fermé à l’autre ou à Dieu.
Cependant si je suis dans un mariage « en chemin », alors mon épouse et moi-même allons passer chaque seconde à apprendre le don désintéressé en amour. (Ici amour est compris comme travailler pour le bien de l’autre personne.) Nous apprenons comment avec le Christ qui nous accompagne. Nous découvrirons ce que cela veut dire à vingt-cinq ans, et puis davantage à cinquante ans et encore plus à soixante-dix ans. Le mariage entre le Christ et son église est le fondement et la source de vie pour le mariage entre mon épouse et moi.
La vie en chemin vers Dieu ne comporte pas de limites imaginées que l’on s’impose à soi-même. Nous sommes en chemin vers l’infinité de Dieu et de ce fait nous ne pouvons même pas commencer à imaginer ce que c’est qu’aimer, ce qu’il peut advenir de mon amour pour mon épouse ou ce qui m’arrivera. Si je le fais, je donne des limites à Dieu et je m’en tiens à une quelconque idéologie d’origine humaine ayant cours dans la culture du moment.
Etant marié « en chemin », je suis ouvert à devenir bien plus que ce que j’arrive à imaginer. En tant qu’époux et épouse, nous découvrons le sens de la vie au fur et à mesure. Lorsque l’amour parvient à ce point-là, alors c’est vraiment un amour désintéressé. C’est la raison pour laquelle le mariage est pour la vie. C’est la raison pour laquelle le mariage est salvifique : nous nous entraidons, nous et nos enfants, à aller vers Dieu.
Ecoutez ce que veut dire le mariage en chemin sous la plume de Tertullien :
Où la chair est une, l’esprit est un. Ils prient ensemble, ils se prosternent ensemble, ils jeûnent ensemble, s’enseignant l’un l’autre, s’encourageant l’un l’autre, se supportant l’un l’autre. (On les rencontre) de compagnie à l’église, de compagnie au banquet divin. Ils partagent également la pauvreté et l’abondance, la fureur des persécutions ou les rafraîchissements de la paix. Ils ne se cachent rien, ne se dérobent pas l’un à l’autre, ne se causent pas de difficultés. Ils visitent les malades et assistent les indigents en toute liberté. leur aumône est sans disputes, leurs sacrifices sans scrupules, leurs saintes pratiques de tous les jours sans entraves : point de soupirs furtifs, point de timides félicitations, point de muettes actions de grâces. De leurs bouches s’élancent des hymnes et des cantiques. Leur unique rivalité, c’est à qui célébrera le mieux les louanges du Seigneur. Voilà ce qui réjouit les yeux et les oreilles de Jésus-Christ. 1
C’est cela, le mariage en chemin vers Dieu !
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Frère Bevil Bramwell, est Oblat de Marie Immaculée; il est en retraite et était auparavant doyen du premier cycle à la Catholic Distance University. Il a publié Les Laïcs : Beaux, Bons et Vrais e et Le Monde des Sacrements.
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Source : http://www.thecatholicthing.org/columns/2013/catholic-marriage-on-the-way.html