Le Christ et la vie morale - France Catholique
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Chœurs d'enfants : Chanter c'est prier deux fois
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Le Christ et la vie morale

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Une amie m’a raconté que, pendant son adolescence en Amérique latine, lors de sa confirmation avec tout un groupe plein de ferveur de filles de quatorze ans, elle avait eu droit de la part de l’évêque à un discours de quarante minutes sur la justice sociale.

Pas un mot sur Jésus, Son sacrifice sur la croix, Sa glorieuse résurrection d’entre les morts et l’envoi sur terre du Paraclet, présent dans le sacrement qu’elles allaient recevoir. Seulement beaucoup de politique partisane enflammée et de théologie de la libération de deuxième ordre : « Pas étonnant que tant d’habitants de l’Amérique latine, surtout les plus pauvres, se rallient aux églises évangéliques… Au moins, là-bas on leur parle de Jésus. « En ce qui concerne les promesses de « libération » politique », a-t-elle ajouté, « nous avons déjà entendu cette rengaine ».

En fait, j’ai de la sympathie pour cet évêque. J’enseigne la théologie et je comprends la tentation de laisser les arbres vous cacher la forêt. Nous pouvons être sérieusement tentés d’enseigner avec conviction les détails fascinants (pour nous) des sacrements ou la liturgie ou les principes éthiques en oubliant que tous ces discours sont censés nous ramener à Jésus-Christ. Captivés par ces explications, il nous est facile d’oublier que ce qui nous distingue, c’est, comme dit Saint Paul, que « nous, nous prêchons le Christ crucifié ». Telle est l’importance de cette donnée centrale de la foi que, comme insiste Paul « si le Christ n’est pas ressuscité, notre prédication est vaine », tout comme la foi de l’Eglise. En fait, quand les Corinthiens écrivent à Paul en l’implorant de résoudre leurs disputes, il leur répond simplement : « Lorsque je suis allé chez vous, je n’ai pas eu la pensée de savoir parmi vous autre chose que Jésus-Christ, et Jésus-Christ crucifié ».

Le grand prédicateur évangélique britannique du XIXe siècle Charles Spurgeon écrit (dans l’esprit de Saint-Paul) : « La devise de tous les vrais serviteurs de Dieu doit être « Nous prêchons le Christ, et le Christ crucifié ». « Le Christ n’est pas dans votre sermon ? » demande-t-il à de jeunes prêcheurs débutants. « Alors, rentrez chez vous et ne prêchez plus ». « Si quelqu’un peut faire un sermon sans mentionner le nom du Christ, » déclare-t-il ailleurs, « ce sermon devrait être son dernier – certainement le dernier qu’un chrétien doive aller écouter ».

Je soutiens depuis plusieurs mois dans cette rubrique que l’enseignement moral de l’Eglise repose sur « la bonne nouvelle » de l’Evangile du Jésus-Christ, la révélation par son incarnation de l’amour de Dieu, sa mort en sacrifice sur la croix qui nous a tous rachetés et la promesse révélée par Sa glorieuse résurrection d’entre les morts et par la descente du Saint-Esprit sur la Terre. Notre but est « d’avoir la vie et de l’avoir en abondance ». Beaucoup de gens croient à tort que l’argent, le pouvoir, la gloire ou le plaisir sont les conditions de l’épanouissement de l’homme. L’Eglise offre bien mieux, bien davantage.

Les interdits de l’Eglise doivent toujours être appréhendés dans le contexte des préceptes positifs de l’Eglise sur l’épanouissement de l’homme et notre béatitude finale en communion avec le Dieu Trinitaire. Nous devons répéter cette conception positive de l’épanouissement de l’homme de façon à ne pas appuyer le discours des media qui présentent les chrétiens comme des gens qui ont toujours le non à la bouche. Notre tâche c’est de prêcher l’Evangile comme une « Bonne Nouvelle », non comme une mauvaise ».

Quand nous perdons de vue la « Bonne Nouvelle » de Jésus-Christ, nous devenons un groupement politique sectaire de plus. Nous prêchons la « justice sociale » par exemple, mais rien ne nous distingue des autres groupes libéraux parce que nous évitons les « problèmes vitaux ». Ou bien nous prêchons les « valeurs familiales », mais rien ne nous distingue des capitalistes laxistes parce que nous n’énonçons pas les affirmations très claires de l’Eglise sur la primauté du travail et la dignité de la personne humaine.

Les préceptes moraux catholiques devraient être compris dans leur contexte, c’est-à-dire le contexte chrétien. Les catholiques sont invités à « privilégier les pauvres », non pas parce que nous croyons en la lutte qui vise à établir le règne du prolétariat, mais parce que nous croyons en l’infinie dignité de toute personne humaine. Les catholiques sont appelés à travailler dur et à obéir aux lois légitimes de l’Etat, non pas parce que « c’est ce qui fera la grandeur de l’Amérique », mais parce que nous croyons en la dignité et la valeur du travail humain pour le bien commun.

Jean-Paul II a répété dans chacune de ces encycliques cette phrase de la Constitution pastorale Gaudium et Spes : « En réalité, le mystère de l’homme ne s’éclaire que dans le mystère du Verbe incarné… Le Christ, dans la révélation même du mystère du Père et de Son amour, manifeste pleinement l’homme à lui-même et lui découvre la sublimité de sa vocation. Il n’est donc pas surprenant que les vérités ci-dessus trouvent en Lui leur source et atteignent en Lui leur point culminant ». Et c’est le pape Benoît XVI qui a écrit : « chaque tradition est infectée par les forces de l’anti-humain qui entravent l’homme dans ses efforts pour devenir lui-même, » et que, par conséquent « l’Eglise ne connaît qu’une seule tradition salvatrice : la tradition de Jésus ».

Donc, quand nous enseignons ou énonçons des règles, nous devons trouver un moyen de communiquer plus efficacement à nos interlocuteurs que toutes ces règles sont conçues pour notre bien, en vue de notre épanouissement et de notre bonheur en tant qu’êtres humains complets, et pas seulement dans la vie future, mais dans celle-ci également. Le péché détruit la vie ; le Christ nous la rend. Nous devons donc, comme Saint Paul prêcher le Christ d’abord et laisser tout les autres enseignements (dont beaucoup sont absolument cruciaux) en découler.

Source : http://www.thecatholicthing.org/columns/2013/christ-and-the-moral-life.html

Tableau : Saint Paul par le Greco, c. 1612