La prière du Cardinal Dolan - France Catholique
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Pontificat de François - numéro spécial
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La prière du Cardinal Dolan

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Le Cardinal Dolan a montré cette semaine (30 août) comment adresser aux Puissants une parole de vérité sur la place publique.

Les « Puissants » en l’occurrence étaient les délégués à la convention du Parti républicain qui était sur le point de clore ses travaux lorsque l’archevêque de New York monta à la tribune pour prononcer la bénédiction finale. Plutôt que de gratifier l’assemblée de quelques confortables platitudes, Dolan a dopé son propos avec les enseignements de l’Eglise. Et il l’a fait dans un esprit parfaitement américain.

L’acceptation de l’invitation qui lui était faite de se rendre à Tampa avait suscité des controverses, tout comme sa décision d’inviter les deux candidats au traditionnel dîner de charité en l’honneur d’Al Smith1 en Octobre prochain. Les critiques venaient principalement de la gauche, catholiques et non-catholiques. Ceux-ci furent quelque peu surpris d’apprendre que le cardinal avait également accepté de prononcer la bénédiction finale de la Convention du parti Démocrate cette semaine (6 septembre) à Charlotte.

La différence est qu’à Charlotte, la liste des orateurs inclut la Sœur Simone Campbell, dont les vues sur la doctrine sociale de l’Eglise sont nettement en phase avec la plate-forme électorale du Parti démocrate et qui peut être utilisée comme représentante alternative de la « hiérarchie » catholique par ceux qui souhaitent baptiser un programme progressiste.

Qu’a dit le cardinal à Tampa ? Ses propos ont été tellement déformés qu’il est important de rétablir la vérité.

Dolan a commencé par invoquer « Dieu Tout-Puissant, Père d’Abraham, d’Isaac, de Jacob et de Jésus ». La qualité et l’autorité de « Père » de la Première Personne de la Trinité sont régulièrement mentionnées dans le Catéchisme. Certes il n’est pas « Père » de la même manière s’agissant d’Abraham ou de Jésus. Mais il était bon dans le contexte actuel de commencer le propos par une solide référence à la foi catholique au « Père ».

Il étendit sa bénédiction à « ceux qui sont à naître » et à ceux qui sont proches de la mort, un appel clair à protéger la vie à chaque stade. N’ayant pas peur des divergences d’opinion sur l’immigration, le cardinal a appelé la bénédiction sur les familles arrivées depuis plusieurs générations autant que sur celles arrivées récemment « pour construire un avenir meilleur tout en intégrant leurs vies dans la riche tapisserie de la vie américaine ».

Il a fait appel au principe de solidarité envers ceux qui souffrent des catastrophes naturelles et envers les pauvres, sans entrer dans le détail des mesures nécessaires pour mettre en œuvre ce principe.

Dans un passage-clé, il a rappelé que « le seul gouvernement juste est celui qui est au service des citoyens et non au sien propre ». De ce concept, issu des fondements de la philosophie politique catholique, il déduit son message essentiel : « Renouvelez dans chaque citoyen le respect pour la liberté religieuse dans son intégralité, première et plus précieuse des libertés ». Ce bref propos était clairement ciblé. En une seule phrase, il avait dit tout ce qui devait être dit dans le contexte de la Convention.

Il poursuivit en suggérant que, pour être « parfaitement libres, nous attachions la liberté à la vérité et que nous l’ordonnions au Bien ». Cet ancrage de la liberté dans la vérité et ce positionnement de la liberté dans l’économie générale du Bien sont les antidotes au nihilisme qui tire son origine du relativisme moral.

Que la liberté doive être utilisée pour parvenir à mener une bonne vie, est une vérité que j’imagine, dans l’histoire des Conventions, la nombreuse assistance bien attifée des porteurs de pancartes n’a pas l’habitude d’entendre : que les vertus de foi, d’espérance, de charité, de prudence, de justice, de tempérance et de force doivent guider notre recherche du bien-être et d’une vie libre.

Dolan a ensuite cité les termes de la Déclaration d’Indépendance : « que nous puissions accéder à la connaissance de la vérité de votre création, en respectant les lois de nature et le Dieu de nature… » Si l’on compte peu de Catholiques parmi les Pères fondateurs, ceci nous rappelle qu’il existait un consensus pour admettre qu’une portion de loi naturelle était essentielle à la nature et à l’esprit de la République. C’est ce que voulait dire Jefferson lorsque, quelque 49 ans après la rédaction de la Déclaration, il caractérisait le document non comme l’invention de nouveaux principes mais la confirmation d’anciennes vérités telles qu’elles étaient comprises par l’esprit américain.

Et le cardinal Dolan d’ajouter que nous ne saurions « chercher à substituer (à la vérité de la création et de la loi naturelle) des idoles de notre invention ». Cet avertissement vise le projet de remplacer Dieu et la Vérité par nos propres idées sur le progrès du monde qui est au cœur de nombre de nos divisions politiques et personnelles aujourd’hui comme toujours dans l’Histoire. Nous devons acquérir « le bon sens de ne pas abolir les limites de la vie morale ».

Le cardinal a appelé la bénédiction divine sur « tous ceux partout dans le monde qui cherchent à mener une vie libre ». C’était donc une prière universelle et pas purement américaine. Toutefois il termina son propos en bon américain, citoyen d’ « une nation unie en Dieu, et en Dieu nous croyons ».

On se pose toujours la question du rôle que la hiérarchie catholique doit jouer dans la vie politique. Cette année a démontré que ces questions sont plus sensibles que jamais dans l’histoire de notre pays. Il est nécessaire de réexaminer soigneusement les conditions dans lesquelles les évêques doivent confronter les dirigeants politiques. Les appels rituels au dialogue et à la modération ne suffiront pas pour guider l’Eglise dans les circonstances présentes où sa propre liberté de fonctionnement est remise en cause.

Autant que la responsabilité capitale des évêques qui est d’annoncer la vérité était concernée, cette semaine fut une bonne semaine.


Source : http://www.thecatholicthing.org/columns/2012/the-cardinal-prays.html

  1. Ndt : le premier candidat catholique à la présidence des Etats-Unis en 1928