La mort de Claude Duneton - France Catholique
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L'Église dans l'attente
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La mort de Claude Duneton

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La mort de Claude Duneton le 21 mars à Lille est vécue par ses amis et lecteurs comme un vrai chagrin. S’ils sont atteints, touchés ; si les articles des journaux (La Croix, Le Figaro) ont un ton chaleureux inhabituel… Ce n’est pas parce que Duneton était un savant, un érudit, un maître romancier, un observateur lucide des difficultés de l’école, ce n’est pas parce qu’il était sans doute le meilleur écrivain de sa génération, ce n’est pas davantage parce qu’il était comédien reconnu et l’éditeur qui, avec Nicole Vimard, découvrit Pierre Desproges et Howard Buten. Si ceux qui l’ont lu ceux qui l’ont connu sont dans la peine c’est que notre Duneton était aimable, accueillant, affable, disponible, il était bon d’une bonté de bon aloi , directe, simple, sans manière ; il était bon comme le bon pain.Il ne se prenait pas pour Duneton-du-Figaro-Littéraire. Dès le premier contact c’était évident. Avec ses cheveux en bataille, sa barbe de quelques jours, ses yeux bleus et son sourire gentiment moqueur, (« mouquandier » en patois limousin), sa bonté éclatait. Notre Claude était beau. Plus le temps passait plus il était beau.

Nous nous connaissions depuis toujours. Les jours de foire à Meyssac, chef-lieu du canton, les gens de Lagleygeole, sa commune, descendaient à l’auberge de mes parents. C’était leur maison. Dans « Le monument » chef d’œuvre où il fait revivre les vingt-huit jeunes garçons de la commune tués pendant la Grande Guerre, il évoque cette auberge. C’est là que les nouvelles circulaient.

Les Duneton étaient pauvres et Claude est né handicapé. Dans «  Le diable sans porte » il raconte que, quand il a commencé à marcher,
il se dandinait comme un canard. Les parents trouvèrent ça amusant jusqu’à ce que le docteur découvre qu’il soufrait d’une double luxation des hanches. Mère et fils partirent à Paris pour des opérations et de longs séjours dans les hôpitaux. C’est là qu’il apprit à parler. C’est pourquoi ce pur sujet de la Vicomté de Turenne parlait avec un fond d’accent parisien.

De la fin de sa scolarité primaire à la reprise de ses études vers quinze ans, Duneton vécut une période particulièrement noire et angoissante. Comment avec de mauvaises jambes envisager la vie très dure d’un paysan ? Il m’a confié un jour  qu’il pleurait en ramassant l’herbe pour les lapins. C’est là que son courage s’enracine.

Duneton était vraiment chez lui dans son hameau d’Antignac, entouré des voisines et voisins chez qui il allait manger la soupe. En dehors de l’eau et de l’électricité il avait gardé la maison de ses grands parents intacte. Il faisait la cuisine dans la cheminée avec la crémaillère et le trépied. Pour se laver les mains il fut, je crois , le dernier à utiliser un ustensile complètement oublié. C’était un petit récipient en zinc prolongé par un tube de plus en plus effilé. Avait-il un nom en français ? En patois, on l’appelait : « la couade ».

Le lendemain de sa mort à Lille son corps fut ramené chez lui à Antignac où ses quatre enfants, ses voisins, ses amis purent le voir et le veiller pendant deux jours.

Son meilleur rôle de comédien de théâtre fut sans doute son interprétation de « La Ferme du Garet » de Raymond Depardon.
Pas de séparation scène /public ; des tables avec des noix et des casse-noix ; au centre un fourneau allumé où du vin chauffait. Pendant que les spectateurs buvaient le vin chaud et mangeaient les noix, Duneton allait de table en table racontant les derniers temps de la ferme du Garet des Depardon et, au delà, la fin des paysans. La fin de son monde.

Nous parlions souvent de religion. Il venait à la messe à Meyssac pour les grandes fêtes. Quand un curé fut accusé de pédophilie , dans d’étranges conditions, il le défendit et adressa au tribunal une lettre courageuse et belle. Son évolution me semble marquée par deux moments de ses romans. Dans « Petit Louis dit XIV », il ironise goguenard sur les messes qui se succédaient autour du lit où la reine accouchait. Alors que dans son dernier, « La femme de l’Argonaute » les visitandines d’Orléans qui accueillent son héroïne et lui apprennent à broder et les prêtres qui la chaperonnent sont tous bons et bienfaisants.

Après un « Apostrophe » difficile Duneton m’avait écrit : « J’ai été mauvais, Ce n’est pas un métier d’être le marchand de soi-même. »

Jean Meyssignac

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http://fr.wikipedia.org/wiki/Claude_Duneton

http://blog.lefigaro.fr/theatre/2012/03/pour-saluer-claude-duneton-hom.html

http://www.lefigaro.fr/livres/2012/03/22/03005-20120322ARTFIG00461-l-ecrivain-claude-duneton-est-mort.php

http://www.sudouest.fr/2012/03/23/claude-duneton-etait-un-habitue-du-terrassonnais-667142-4720.php

http://www.lamontagne.fr/limousin/actualite/departement/correze/2012/03/23/obseques-de-claude-duneton-samedi-24-mars-1125633.html

http://www.lavoixdunord.fr/France_Monde/actualite/Secteur_France_Monde/2012/03/22/article_claude-duneton-chroniqueur-de-la-langue-de-molier.shtml