« Si Dieu n’existe pas, le sacre de Westminster n’est plus qu’une fresque muette, une vision de musée, un mirage de cinéma. C’est à peine une opération politique. Et la couronne de Saint Edouard n’est qu’un couvre-chef encombrant. » C’est ce qu’on pouvait lire dans « Paris-Match » de juin 1953 : « Sous un dais pudique, Elisabeth II est devenue la servante de Dieu. »
Et le reporter, Michel Clerc, de détailler ce rite de l’onction. Après la reconnaissance et la prestation de serment, qui inclut la promesse « d’user de tout son pouvoir pour maintenir les commandements de Dieu et de l’Evangile, la religion réformée protestante du Royaume uni, l’Eglise d’Angleterre, les droits et privilèges des évêques et du clergé anglican et des églises commises à leur charge », et avant le couronnement, se situe ce rituel si particulier, désormais unique, qui est le rite de l’onction.
La reine est dépouillée de son lourd manteau de pourpre. Elle est tête et bras nus. On tend au-dessus d’elle un dais. L’archevêque de Canterbury verse l’huile consacrée dans une cuiller, y trempe le pouce et en oint la souveraine, en faisant le signe de la croix, sur les paumes des deux mains, la poitrine et le front. On revêt la reine d’un surplis de lin puis d’une tunique, et vient alors et alors seulement le couronnement proprement dit.
De toute cette procédure, le rite de l’onction est le plus mystérieux, le plus incompréhensible dans un acte temporel. La reine n’a pas de pouvoir, mais le rite la rattache à Saül, David et Salomon. Le commentateur de l’époque est frappé de la transfiguration d’Elisabeth à cet instant. Elle est arrivée femme, elle se métamorphose. Elle devient autre, tout autre. Il va jusqu’à dire qu’elle est « entrée dans les ordres ». Reine, elle entre en sacerdoce. Non par son statut de tête de l’Eglise d’Angleterre (et presbytérienne en Ecosse), thème de son serment préalable, mais en vertu de l’onction. Certes, elle n’est pas prêtre, elle n’est pas « ordonnée » mais elle est consacrée. Comme personne, elle est mise à part dans le cercle des humains, séparée à jamais.
C’est un acte de foi, analogue au sacrement de confirmation. L’huile représente le saint chrême, béni le mercredi saint. Nous vivons toujours de cette huile répandue sur nous à notre baptême renouvelé à la confirmation. Cela nous constitue cousins de la reine d’Angleterre, fils et filles de Dieu. Comme elle, nous sommes appelés à faire notre devoir.
Espérons que les célébrations du jubilé feront leur place à son caractère authentiquement religieux, spirituel au plus haut titre, en vue d’un ressourcement de la monarchie anglaise, mais aussi de tout un chacun, de ce que le père de Valéry Giscard d’Estaing a un jour appelé « la monarchie intérieure ».
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