L’ISF ne connaît pas la crise - France Catholique
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L’ISF ne connaît pas la crise

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Tel est le commentaire du Figaro Economie à propos des résultats de la cuvée 2008 de l’impôt de solidarité sur la fortune. Il faut cependant préciser un point de calendrier : la collecte 2008, dont on connaît maintenant les résultats définitifs, porte donc sur l’ISF payé en 2008, sur la base du patrimoine évalué au 1er janvier 2008. Il est probable que cette année, avec la crise, le rendement sera plus faible : à force de tuer la poule aux œufs d’or, elle finit par ne plus pondre. La crise a fait s’effondrer certains patrimoines, ce qui se répercutera sur l’impôt 2009.

En attendant, la mauvaise indexation de l’ISF, qui ne prend pas en compte l’ampleur de la flambée de l’immobilier jusqu’en 2008, très supérieure au taux moyen d’inflation, a encore entraîné une progression du nombre de foyers redevables. On en est en 2008 à 565 966, contre 527 866, soit 38 100 foyers de plus. Faut-il rappeler qu’en 2003, ce n’est pas si lointain, ils n’étaient que 296 795 ! On constate presque un doublement du nombre de familles concernées, qui ne correspond évidemment pas à l’évolution réelle et durable des patrimoines, mais à un gonflement des prix de l’immobilier et de ceux des valeurs cotées en bourse, deux éléments qui se sont effondrés avec la crise. En 2007, le patrimoine taxable avait progressé de 8,6% (dont 6,6% pour les valeurs mobilières et 12,3% pour les immeubles). De plus en plus de ménages avaient donc dépassé le seuil fatidique d’imposition de 770 000 euros et auront acquitté l’impôt au moment où la valeur d‘une partie de leur patrimoine chutait sensiblement.

En revanche, les contribuables ont en moyenne déboursé moins, l’ISF passant en moyenne de 7 637 euros par foyer à 6 732. C’est la conséquence de la loi TEPA, qui a prévu en particulier que les contribuables peuvent imputer sur leur ISF 75% du montant qu’ils ont directement investi, ou via un holding, dans le capital d’une PME. Certains s’étaient élevés contre cette « scandaleuse mesure d’aide aux plus riches », mais elle a permis d’investir 1,1 milliards de capitaux de plus dans les PME. De plus, on ne voit pas où est le cadeau, puisque cela ne peut concerner que 75% de ce montant investi et que cette imputation ne peut dépasser 50 000 euros. Il est vrai que dans ce cas cela revient à réduire l’ISF, mais il faut rappeler qu’une réduction d’impôts n’est pas un cadeau, mais simplement le fait qu’on rende aux gens une partie de ce qui leur appartenait. Mais cet assouplissement a un peu desserré la contrainte, puisque l’ISF a rapporté en 2008, 3 810 millions d’euros contre 4 031 en 2007. Ce n’est donc qu’un petit ballon d’oxygène.
L’ISF, même ainsi allégé, fait figure d’archaïsme. En effet, la plupart des pays du monde qui avaient mis en place cet impôt l’ont supprimé, à commencer par presque tous les pays européens, Allemagne, Italie, Espagne, Autriche, Finlande, Suède, Irlande, Pays-Bas, Luxembourg, Danemark,…Il n’y a plus dans le monde que quatre autres pays qui l’appliquent, et encore avec des taux moins progressifs que les nôtres.

Inutile de dire que dans un monde globalisé, et plus encore dans l’Union européenne sans frontières, cette spécificité française a été une catastrophe économique, mais aussi fiscale. En moyenne, chaque jour, deux contribuables (par définition parmi les plus gros contributeurs fiscalement) quittent le territoire. Depuis les débuts de l’ISF, on estime ainsi la délocalisation en raison du seul ISF à environ 200 milliards d’euros, ce qui entraîne une perte fiscale de 15,9 milliards : l’Etat est donc au total perdant. Comment s’en étonner, quand on sait que le patrimoine est déjà taxé à l’occasion des mutations (par exemple d’un héritage) et que, s’il a été constitué à partir de revenus, ceux-ci ont déjà subi une des taxations les plus progressives avec l’IRPP.

Certes, année après année, face à ce désastre dans tous les domaines, on a bricolé quelques aménagements : le fameux bouclier fiscal, pour éviter le « syndrome de l’île de Ré », qui limite à 50% l’ensemble des prélèvements ISF, IRPP et impôts locaux ou encore, comme déjà indiqué, la déduction de 75% d’un investissement dans une PME. Il y a là une réaction typiquement française : on a conscience du désastre provoqué, mais, au lieu d‘en supprimer la cause, on bricole quelques aménagements qui ne satisfont personne.

Jean-Yves NAUDET © Acip