À première vue, le mot de « sacrifice » peut faire peur à des enfants. Pourtant, acquérir cet esprit de sacrifice dès l’enfance est primordial : « Les enfants raisonnent en fonction d’eux-mêmes, dans une forme d’égocentrisme et même d’hédonisme, constate Vianney Châtillon, directeur de l’Académie musicale de Liesse, qui accueille 120 élèves du CM1 à la Terminale. Le travail de tout éducateur est donc de leur apprendre à se décentrer pour s’ouvrir et s’intéresser aux autres : l’esprit de sacrifice commence là. »
« Le sacrifice, c’est le dépassement de soi, en particulier dans notre société où nous sommes reclus sur nous-mêmes », abonde Aymerick Billot, responsable opérationnel national de la Compagnie secouriste Sainte-Barbe (CSSB), dont la devise est « Sauver ou périr, aimer ou mourir ». Fondée en 1999, cette association chrétienne accompagne chaque année 250 jeunes de 12 à 17 ans dans des activités liées au secourisme. « Notre projet pédagogique, inspiré par l’esprit des pompiers militaires, permet aux jeunes de comprendre que l’on peut aller jusqu’à donner sa vie pour son prochain. », explique Aymerick Billot, devenu lui-même gendarme.
Fidélité à l’engagement
Parmi les différentes façons d’aborder avec des jeunes l’esprit de sacrifice, figure une notion aujourd’hui assez délaissée : le sens du devoir d’état, c’est-à-dire les obligations auxquelles chacun est tenu par son mode de vie. « À Liesse, nous inculquons aux jeunes ce concept en leur demandant d’être fidèles à leur engagement en tant qu’élèves : être à l’heure en classe, faire ses devoirs, chanter les vêpres tous les soirs même s’il fait froid… énumère Vianney Châtillon. Cela les prépare à leur vie d’adulte et à sa part de sacrifice, ne serait-ce que se lever pour aller travailler et nourrir sa famille. »
À côté de ces engagements, l’apprentissage du sacrifice passe aussi tout simplement par la vie commune et ses obligations. « “Mea maxima penitentia, vita communis”, disait saint Jean Berchmans : “Ma plus grande pénitence, c’est la vie commune ! » continue le chef d’établissement. Pour lui, se lever en même temps que tout le monde, rendre service en participant au ménage ou encore en veillant à garder sa chambre rangée par respect pour ses camarades, est une forme de mortification qui conduit les élèves à aborder leur vie d’adulte avec le sens de la ponctualité, de la fidélité et du travail bien fait.
Le modèle du Christ
Le sport est un autre outil possible. « Lors de nos séances sportives, nous demandons à nos jeunes d’aller, pour les plus forts, chercher les plus faibles et, pour les plus faibles, de se mettre au niveau du plus fort, explique Aymerick Billot. Le but est le même : le dépassement de soi. »
Autre piste : donner à contempler de grandes figures et en particulier celle du Christ, modèle d’obéissance et de sens du sacrifice. « Il y a deux ans, lors de la traditionnelle veillée au coin du feu marquant le passage du collège au lycée, nous avons demandé aux jeunes de méditer cette phrase d’Hélie de Saint Marc : “Si rien n’est sacrifié, rien n’est obtenu” », se remémore Vianney Châtillon.
À Liesse comme à la CSSB, on souligne l’attente des parents envers une éducation qui inculque ces valeurs à leurs enfants. Même s’il ne faut pas oublier qu’éduquer les jeunes à l’esprit de sacrifice relève aussi et surtout du devoir d’état des parents eux-mêmes, dont l’Église rappelle qu’ils sont les « premiers éducateurs » de leurs enfants.