L’ENVERS DE L’HISTOIRE CONTEMPORAINE - France Catholique
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L’ENVERS DE L’HISTOIRE CONTEMPORAINE

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Ce recueil de nouvelles de Balzac avait inspiré le titre du livre d’entretiens que j’avais réalisé avec le professeur Emile Poulat en 2003 : « Le christianisme à contre-histoire » (Ed. du Rocher). Les dernières pages en particulier constituaient une sorte d’anticipation de l’élection au pontificat de François Ier. Emile Poulat expliquait qu’il y avait plusieurs formes de mystique dont la moindre n’était certes pas celle de St François : « C’est une mystique où est première l’action au service des pauvres, des petits, des humbles. » Le moment paraissait opportun selon lui pour la réhabiliter, parce que, semble-t-il, elle avait été quelque peu négligée. Et ceci se répercutait sur la figure de Jésus-Christ et de Dieu lui-même. « Sans doute, écrivait Poulat, nous faut-il revenir à un Dieu plus modeste. Et, ici, il ne s’agit pas premièrement d’exégèse, mais de dévotion. » Et Poulat allait même au-delà : il constatait qu’après des reculs, des ratés, cette « petite voie » repartait toujours et il prévoyait que cette fois encore, elle repartirait « selon des modalités nouvelles et imprévues. »

Dans les limites de ce petit ouvrage, alors que nous arrivions à la fin de nos entretiens, nous ne pouvions pas rebondir. La suite va se dérouler désormais sous nos yeux. C’est quand même extraordinaire, me disais-je à part moi, que l’Eglise ait laissé filer sa vocation caritative. On va certes se récrier : dans beaucoup de pays, l’Eglise ou des fondations ou des ordres religieux continuent de gérer des hôpitaux, des centres sociaux, etc. Il y a des associations telles que le Secours Catholique ou Emmaüs, la Caritas internationale. Mais de plus en plus ces activités n’avaient plus rien de religieux : le monde du spectacle en fait presque plus, des restos du cœur aux campagnes du chanteur Bono.

Le retour au « poverello » va également faire grincer des dents avec la faveur nouvelle rencontrée par ce que l’on appelle les tenants de l’Evangile de la Prospérité. La plupart des grandes sectes évangéliques, notamment en Amérique latine, fonctionnent sur ce modèle de l’enrichissement et de la valeur profit. Les Nations Unies ont suivi ce mouvement d’éradication de la pauvreté ou de suppression des pauvres, objectif légué par de brillants économistes (comme Jeffrey Sachs) au Millénium. Or dans ce cas, nous sommes sur le registre de l’Espérance, dans une sorte de messianisme du Progrès, et non sur celui de la Charité. Telle fut aussi l’ambiguïté qui fut fatale à la plupart des théologiens de la Libération ou pour certains, de la Révolution.

Il semble inouï quand on y pense que des trois vertus théologales dont St Paul nous dit que « la plus grande est la charité », car les deux autres passeront, ce soit celle-là avec laquelle aujourd’hui le Saint-Siège, Rome, le Vatican, aient été le plus tenus éloignés. Il y a eu certes d’innombrables gestes symboliques des Papes, compassion envers les victimes du SIDA ou de la faim, les réfugiés ou les opprimés. Il y a eu des encycliques définitives sur la charité. Mais l’Eglise romaine comme telle ne bénéficiait pas comme telle de l’image franciscaine, ou plus proche de la France, de l’image vincentienne (de St Vincent de Paul), une mystique en action.

L’on mesurera combien elle s’en était éloignée comme institution humaine, organisation au sens sociologique – pas comme personne, épouse du Christ, ni au niveau des personnes prises individuellement – quand il faudra prendre les mesures nécessaires pour qu’elle redevienne l’Eglise du Pauvre, l’Eglise pauvre selon les termes mêmes de François Ier. C’est une révolution au sens premier, un retour sur soi.

Certes dans de nombreux pays, la France incluse, l’Eglise aujourd’hui, et ses servants, sont « pauvres », parfois même « misérables » (prêtres âgés). Il y a partout dans le monde des diocèses riches, dont quelques-uns en voie de banqueroute (crise pédophile aux Etats-Unis) ; la plupart sont cependant des diocèses pauvres, mais qui ne font pas pour autant de pauvreté vertu. On ne peut pas exiger des prêtres de passer le plus clair de leur temps à quêter, comme les bonzes birmans ou les étudiants des madrasas, ce qui pourtant est souvent le lot au Sud pour la vie quotidienne et l’autosuffisance des paroisses grâce à des projets de développement à la gestion souvent hasardeuse. Comment Jésus s’y prendrait-il ? C’est la parole que chacun désormais attend du nouveau pape.