Mon ami, le regretté frère Richard John Neuhaus, était un pasteur protestant canadien et un grand témoin de la foi chrétienne qui s’est converti au catholicisme. J’ai eu le privilège d’assister à son ordination sacerdotale.
Frère Neuhaus proclamait dans un de ses livres la venue d’un « moment catholique » pour les Etats-Unis. Vu comme les choses tournent, il avait à peu près 25 ans d’avance. Mais peut-être bien que le « moment catholique » actuel n’est pas exactement du genre qu’il prévoyait.
Neuhaus (tout comme George Weigel et Michael Novak) voyait positivement l’expérience américaine et son caractère d’exception par contraste avec la décadence de l’Europe post-chrétienne.
En 1996 cependant, il répondit à la délibération de la Cour Suprême dans l’ignoble affaire opposant Planned Parenthood (l’équivalent du planning familial) et Casey en publiant un essai chez Russell Hittinger dans First Things. Il concluait :
Comme résultat la Cour rend impossible d’avoir autre chose qu’un bien commun procédurier comme but ou motif de l’action politique. Il y a un risque réel que les motivations religieuses ou morales de certains citoyens deviennent non seulement passibles de poursuites de droit public, via des poursuites constitutionnelles contestant la législation qui prend en compte de tels motifs, mais aussi de poursuites de droit privé. A moins que les représentants élus du peuple ne puissent obliger la Cour à s’abstenir d’invalider l’action politique simplement sur la base des motivations religieuses ou morales des citoyens, toute réforme est bloquée. Si cela devait durer, la seule option pour revenir au bon sens serait celle habituellement utilisée contre un règlement despotique : la désobéissance civile.
Bien plus tard, de retour en 2012. Hittinger apparaît justifié, particulièrement au vu de la récente décision de la Cour Suprême de soutenir l’Obamacare, bien que les poursuites judiciaires contre l’infâme HHS Mandate et le résultat des élections de novembre soient encore à venir.
Etant donné le diktat administratif despotique du HHS, les catholiques américains vont s’apercevoir que la liberté religieuse garantie par le Premier Amendement ne s’applique plus à eux ni à leurs institutions. De fait, il est même possible que la simple liberté de pratique religieuse devienne inexistante, de jure ou de facto.
Comme pour les chrétiens soumis à un gouvernement islamique ou pour ceux de l’Empire Romain d’avant l’édit de tolérance de Constantin, il arrivera peut-être un temps où les catholiques américains deviendront au mieux des citoyens de deuxième classe, risquant emprisonnement ou pire selon les caprices des magistrats. Nous devons continuer à prier pour que cela n’arrive pas. Mais il n’est pas impossible que cela arrive. Oui : cela peut arriver, ici, chez nous.
Je dois clarifier de qui je parle quand j’emploie le mot « catholique », car il y a beaucoup de confusion dans ce domaine. Je crois que la meilleure définition – pleinement en accord avec la Foi – est parfaitement résumée dans le parcours d’initiation catéchuménal des adultes, lors de la cérémonie de l’accueil des chrétiens baptisés dans l’Eglise : « Je crois et professe tout ce que croit, enseigne et proclame l’Eglise Catholique comme ayant été révélé par Dieu. »
Le lecteur jugera combien de ceux définis comme catholiques par les sondages le sont réellement, en regard du nombre élevé des divorces et des remariages, de la diminution des naissance et des baptêmes, de la chute vertigineuse de l’assistance à la messe, etc. Mais ils sont certainement beaucoup moins nombreux que les quelque 70 millions habituellement recensés. Il suffit d’extrapoler du vote des catholiques de nom pour des candidats aux opinions clairement opposées à l’enseignement moral catholique (et qui vivent probablement selon ces opinions).
Puissent-ils tous retourner à l’Eglise, aussi improbable que cela puisse paraître aujourd’hui. Actuellement, un Américain sur dix est un catholique qui a renié sa foi. Et chaque année, pour un converti qui rejoint l’Eglise, trois quittent le troupeau.
Mas c’est précisément pour cela que l’évolution est bonne pour l’Eglise aux Etats-Unis. De plus en plus, l’Eglise Catholique y devient la seule option pour des chrétiens fervents. Les dénominations protestantes traditionnelles se réduisent et dans bien des cas les chrétiens évangéliques sont attirés par les sacrements et les enseignements qui font autorité de l’Eglise Catholique. Nous prenons ce qu’ils ont de meilleur, et ils prennent ce que nous avons de pire, nous qui refusons de nous plier à toutes les règles d’une vie chrétienne authentique.
Les séminaires sont maintenant généralement en bonne santé, les vocations progressent et l’épiscopat est principalement constitué d’hommes en phase avec le catholicisme évangélisateur du bienheureux Jean-Paul II et les profonds enseignements liturgiques du pape Benoît.
La radio catholique est de plus en plus présente un peu partout. L’édition catholique continue de croître, en ligne comme sur le papier. Les collèges de la Cardinal Newman Society se développent chaque année et à la longue remplaceront les universités apostates « anciennement catholiques », et n’ayant plus qu’une vague teinture catholique dont nous n’avons que faire.
Les liturgies dans nos paroisses sont maintenant plus traditionnelles – en de nombreux endroits le Seigneur est de nouveau prié de façon plus révérentielle et adoré dans le tabernacle.
Finalement, nous faisons face à des menaces qui bouleversent nos vies dans l’exercice de notre Foi, et paradoxalement, cela a un côté positif. Ce peut être une grande opportunité de porter témoignage, comme le faisaient les premiers chrétiens, et de produire des conversions, même si cela nous mène au martyre.
Alors je dis : qu’il en soit ainsi, si c’est la volonté de Dieu. Pensons seulement à la récompense. De toute façon, ce n’est pas la première fois que nous devons affronter et surmonter de tels défis. Le meilleur est devant nous.
Le frère C.J. McCloskey III est historien de l’Eglise dans sa ville de Washington et membre de l’institut Foi et Raison.
photo : vue de puis le dôme de Saint Pierre
http://www.thecatholicthing.org/columns/2012/the-golden-age-cometh.html