Ils s'occupent bien de la mort ici - France Catholique
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L'incroyable histoire des chrétiens du Japon
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Ils s’occupent bien de la mort ici

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Il y a plusieurs années, un ami s’est tourné vers moi au cours de funérailles dans une église et m’a dit : « ils s’occupent bien de la mort ici ». Et vraiment, c’était le cas. Tout, depuis la visite au défunt, les condoléances à la famille, le chapelet, jusqu’aux funérailles elles-mêmes se faisait à l’église. Tout était entrepris à proximité de l’autel, du crucifix et du Christ présent dans le tabernacle. Et il y avait un sens profond de la prière et du respect.

Je n’ai jamais compris le concept de « salon funéraire ». Ces endroits effrayants sont la chose la plus éloignée d’un « salon d’habitation » que vous pouvez imaginer. Le mobilier n’est jamais « comme à la maison ». C’est plutôt le style de mobilier de la maison d’une riche et vieille grande dame, des sièges sur lesquels vous n’êtes pas censés vous asseoir, des meubles que vous n’êtes pas censés toucher. L’air est calme, sentant généralement le renfermé, et tout le monde se déplace en chuchotant. Parfois vous remarquez une légère musique à l’arrière plan, presque inaudible mais obsédante une fois que vous l’avez remarquée – la sorte de bruit blanc à côté duquel même le ronronnement de l’ascenseur serait un joyeux répit. Et je n’ai même pas commencé à aborder les problèmes des cercueils métalliques et des corps embaumés.

Nous avons oublié comment enterrer nos morts. Quand une église s’occupe bien de la mort, il y a un sens du souvenir sans entrer dans tous les détails de la vie d’une personne. Il y a un sens clair que la personne appartenait à la communauté, qu’elle en était une part importante, que quelque chose manque maintenant, mais que nous continuons cependant parce que sa vie était consacrée à cette communauté. Alors, quand nous poursuivons ses bonnes œuvres (sans se contenter de vivre notre vie) et que nous consacrons nos vies à la communauté qu’elle a servie, prenant soin de ses enfants et petits-enfants, s’occupant du jardin, développant l’institution dans le même esprit avec la même optique, alors nous demeurons unis à elle et elle à nous.

Ce sentiment d’union est encouragé par (et devrait finalement être enraciné dans) la croyance en la communion des saints. Quand ceux que nous aimons meurent, nous ne les perdons tout simplement pas, nous gagnons une communion plus grande avec eux. La résurrection du Christ et la doctrine de la résurrection générale révèlent que nos actions, nos expériences, nos relations ne sont pas simplement perdues ou remises en cause avec la mort. Elles sont glorifiées. Nous pouvons être présents aux personnes et aux communautés que nous aimons d’une façon plus spectaculaire, n’étant plus limités par le temps et l’espace.

Mais notre résurrection est une résurrection du corps, pas une libération d’un esprit gnostique emprisonné dans un corps. Les juifs orthodoxes et les musulmans partagent avec les chrétiens une croyance en la résurrection du corps. C’est pour cela que les juifs orthodoxes et les musulmans insistent pour enterrer leurs morts. Ils ne brûlent pas les corps pour mettre les cendres dans une boîte sur une étagère et dire ensuite aux visiteurs : « nous n’avons pas franchement décidé quoi en faire jusqu’ici. » Nous avons oublié comment enterrer nos morts. Et ce n’est pas une chose sans importance que de ne pas savoir comment enterrer les morts.

Si l’Eglise veut restaurer sa place dans la communauté, elle devrait une fois encore prendre la responsabilité d’enterrer les morts. Elle devrait être prête à intervenir et simplement prendre soin des choses. Toutes les préoccupations désordonnées et éprouvantes par lesquelles les gens doivent passer pour enterrer leurs proches alors qu’ils sont dans la détresse devraient être prises en main par leur église. Ce qui prend place dans ces effrayants « salons funéraires » devrait se dérouler à l’église : la veillée, le chapelet, les condoléances des proches et probablement même le repas à la fortune du pot.

L’église devrait procurer les services et ensuite procurer l’espace pour enterrer près de l’église. Nous avons besoin de restaurer la pratique, perdue au dix-neuvième siècle, d’enterrer nos morts dans le « jardin de l’église ». Les gens ne devraient pas avoir à faire des kilomètres en des occasions spéciales pour visiter les tombes de leurs proches dans quelque champ de potier au diable vauvert : ils devraient pouvoir passer par le symbole visible de leur présence perpétuelle en se rendant à la messe. Et les membres de la communauté devraient être unis continuellement de cette façon avec leurs prédécesseurs chaque jour. Ils devraient trouver du réconfort dans le fait qu’eux aussi reposeront un jour avec ceux qui les ont précédés.

Je connais un cimetière près d’un campus universitaire où la plupart des membres d’un ordre religieux sont enterrés sous de simples croix. J’ai connu plein de gens, jeunes et vieux, qui visitent régulièrement cet endroit parce qu’ils le trouvent spirituellement réconfortant et profondément fondateur. Cela met les choses en perspective, disent-ils, et leur rappelle ce qui est vraiment important dans la vie.

Les gens disent : « mais nous ne pouvons pas enterrer les corps dans le jardin de l’église parce que les règlements municipaux l’interdisent. » Je sais. Mais les avocats ont combattu avec succès ces règlements dépassés, qui n’avaient de sens que lorsque les villes n’avaient pas de moyens de conserver les corps en décomposition, et vous pouvez, vous aussi, combattre pour le droit de faire ce que les églises ont fait durant des siècles.

Il resterait toujours de l’ouvrage pour les pompes funèbres, évidemment. Les églises n’ont pas besoin d’aller chercher les corps à la morgue, de les embaumer ou de procurer les cercueils – bien qu’il y ait des églises qui procurent des cercueils bon marché en bois aux familles, surtout aux plus pauvres. Et personne n’a vraiment besoin d’être embaumé. (10 000 dollars pour enterrer quelqu’un ? Les gens qui ne sont pas riches n’ont plus les moyens de vivre ni de mourir dans ce pays.)

Si les églises peuvent réapprendre à faire bien cette unique chose, elles gagneront la plus grande gratitude et l’admiration, non seulement de leurs membres, mais même de beaucoup des incroyants les plus endurcis, pour la sollicitude qui leur est montrée durant leurs heures les plus sombres. D’un autre côté, si les églises ne peuvent pas se persuader de faire cette unique chose – être là pour les gens quand ils en ont besoin – alors elles ne devraient pas être surprises de devenir encore moins pertinentes dans la société et vues avec un mépris croissant en raison de leur inaptitude à remplir l’un de leurs devoirs les plus élémentaires.

Randall B. Smith est professeur de théologie (chaire Scanlan) à l’université Saint Thomas de Houston. Il a écrit plusieurs livres.

Source : https://www.thecatholicthing.org/2019/05/30/they-do-death-well-here/