Foi et musique - France Catholique
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Pontificat de François - numéro spécial
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Foi et musique

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Il n’y a guère d’intellectuels de nos jours qui comprennent l’essence de la musique d’une façon plus pénétrante que Benoît XVI. Lui-même est musicien et son frère Georg est un musicien-compositeur. Mais son approche va bien au-delà de la connaissance technique, il l’exprime merveilleusement dans « L’esprit de la liturgie » et « Un chant nouveau pour le Seigneur », ainsi que par ses commentaires à l’occasion de concerts.

Selon notre Pape, l’art a pour objet de rendre perceptible ce qui est transcendant. En 1985 le cardinal Ratzinger écrivait: « À l’église, entendant Bach, ou bien Mozart, dans les deux cas, nous saisissons la signification de « Gloria Dei », la gloire de Dieu. Le mystère d’une infinie beauté nous enveloppe et nous fait sentir la présence de Dieu bien plus réelle et vivace que bien des sermons.»

Que se passe-t-il, comment ? Il poursuit :

« La foi se faisant musique relève du même ordre que le verbe se faisant chair… Quand le verbe devient musique, il s’agit de saisir une illustration concrète, une incarnation, prenant corps, puissance d’une attraction irraisonnée, appel de la résonance créative, la découverte du chant qui est à la base de toutes choses. Ainsi ce qui devient musique est le pivot de tout mouvement, impliquant non seulement le verbe qui devient chair, mais aussi la chair qui devient esprit.»

D’où provient l’inspiration pour créer une musique à un tel niveau d’exaltation ? La réponse de Ratzinger jaillit : « L’Esprit-Saint est amour, c’est Lui qui crée le chant… L’Esprit-Saint nous mène vers le Verbe, nous entraîne vers la musique qui accompagne le Verbe comme signal de « sursum corda », faisons monter le cœur de l’homme.» Il en est tout-à-fait ainsi même si chaque musicien inspiré ne le dirait pas avec les mêmes mots si profonds. Même un artiste aussi vaguement religieux que Sibelius disait : « L’essence de l’homme est dans sa recherche de Dieu… [la composition musicale] prend vie par le Logos, la partie divine de l’art. Elle est seule à avoir une vraie signification.»

Dans une même veine, le Pape explique : « il n’est pas question de penser à quelque chose et de le chanter; non, le chant nous vient des anges, et vous n’avez qu’à élever votre cœur pour l’accorder à la musique qui vient vers lui.» Le compositeur écossais James MacMillan, auteur de la « Messe du Bienheureux John Henry Newman » pour la visite du Pape en Grande Bretagne en 2011, ajoute : « Les grands compositeurs étaient tels des anges descendus sur terre pour nous offrir à tous une vision du paradis.»

Ce point de vue a son importance pour la liturgie : « Mais par-dessus tout, et c’est important, la liturgie n’est pas une création de moines. Elle existait avant eux. Elle s’intègre à la liturgie céleste qui est de toujours. La liturgie terrestre est de la liturgie parce que — et seulement parce que — elle rejoint ce qui est déjà, la plus grande vérité.»

C’est pourquoi la liturgie et la musique l’accompagnant doivent être belles. Autrement, la plus grande vérité que la musique doit refléter en y participant serait défigurée. Benoît XVI a dit que toutes les formes de musique ne sont pas appropriées aux célébrations: « il y a des règles, et la norme est le Logos.»

Quand la musique remplit son office hiératique, elle est source sonore de la foi. Le Pape a décrit un évènement survenu lors d’un « concert Bach », sous la baguette de Leonard Bernstein, après la mort du chef d’orchestre Karl Richter. Il était assis à côté de l’évêque Évangéliste Hanselmann. « les dernières notes d’une des grandes cantates du « Cantor de St. Thomas » s’éteignaient en triomphe — se rappelle-t-il — nous nous sommes regardés et, spontanément, nous sommes dit l’un à l’autre: quiconque a entendu celà sait que la foi est vérité.»

C’est davantage qu’un sentiment pieux. C’est sans doute une explication des nombreuses conversions au christianisme survenues au Japon lorsque le chef d’orchestre Masaaki Suzuki dirigea le Bach Collegium pour une série de cantates de Bach.

Certaines idées du Pape sur la musique peuvent sembler trop platoniques, c’est une erreur. Elles se rattachent à l’incarnation parce que le Logos s’est fait chair: « Ainsi nous touchons au paradoxe selon lequel on peut dire du Christ « qu’il est le plus beau de tous les hommes » même avec son visage défiguré… La véritable beauté jaillit de ce visage défiguré: la beauté de l’amour répandu jusqu’au plus petit, plus fort que les mensonges et que la violence… car, unis, la beauté et l’amour donnent la vraie consolation à ce monde, l’approchant autant que possible du monde de la résurrection.»
Nous devrions être « submergés par la beauté du Christ, perception plus réelle et plus profonde qu’un simple raisonnement… Le mépris ou le refus du choc de la rencontre du cœur avec la beauté comme vrai mode de perception appauvrit la foi et la vide, et vide aussi la théologie, de sa substance. Nous devons retrouver ce cheminement de la perception — c’est un besoin urgent de notre époque.»

Benoît XVI croit que la musique est le plus sûr intermédiaire pour cette rencontre: « le chant avec tout l’univers signifie alors qu’on suit la piste du Logos et qu’on s’approche de Lui. Le véritable art humain nous assimile à l’artiste, au Christ, à la pensée du Créateur.

En réponse à l’attente actuelle, nous devons écouter. Quoi ? Pas nécessairement de la musique religieuse. On peut trouver son bonheur dans des œuvres profanes de Bach, Beethoven, Bruckner, Mozart. Vous y entendrez aussi ce que St. Clément d’Alexandrie appelait « le Nouveau Chant de l’Univers », fondement de toute chose. En l’entendant vous saurez d’où vous venez, où vous allez, et à qui vous appartenez.

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Photo : Joseph Ratzinger, un musicien.

Source : http://www.thecatholicthing.org/columns/2012/the-sound-of-faith.html