DETTE ALLEMANDE : FAUX PLAFOND - France Catholique
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DETTE ALLEMANDE : FAUX PLAFOND

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Chacun peut observer la dérive de la dette publique, en raison des déficits croissants, dette qui risque de nous amener à la banqueroute, qui conduira à l’inflation, comme à la hausse brutale des impôts, qui finira par ruiner la confiance, qui menace les générations à venir et qui devient un risque majeur pour tout l‘équilibre économique. La seule chose qui soit actuellement vainement durable, c’est la dette et ce sont les déficits. Aussi, tout ce qui semble limiter cette dérive va dans la bonne direction.

On pouvait donc spontanément se réjouir en apprenant, notamment grâce aux Echos, que « l‘Allemagne envisage de fixer un plafond constitutionnel à sa dette ». Certains suggéraient d’interdire dans la constitution le déficit budgétaire. Ici, cela revient à une formule plus souple : le déficit est autorisé, mais la dette cumulée ne devrait pas dépasser un certain plafond. La question agite l’Allemagne et en particulier les économistes, au moment où la commission de réforme du fédéralisme vient de proposer de nouvelles règles strictes « au nom des générations futures ». Il est vrai qu’au moment où tout le monde ne parle que de développement durable, ce qui veut dire tenant compte des générations futures, instaurer la dette durable est paradoxal.

Or la relance allemande a détruit tout l’effort de retour à l’équilibre budgétaire. Les responsables de la réforme constitutionnelle proposent donc d’interdire aux Länder d’accroitre leurs dettes… à partir de 2020. Les Länder en déficit important seraient aidés entre 2011 et 2019, le temps de proposer de véritables économies. Un « conseil de stabilité » veillerait au respect des règles du jeu et supprimerait les transferts de compensation si un Länder s’écartait de l’orthodoxie devenue obligatoire.

A partir de 2016, l’Etat fédéral lui-même serait soumis à des règles strictes et ne pourrait plus contracter de nouvelles dettes qu’à hauteur de 0,35% du PIB, sauf, précise Les Echos et c’est là que les choses se gâtent « en cas de catastrophe naturelle majeure ou de récession massive ». Cela revient à introduire des exceptions, donc l’arbitraire et les politiques discrétionnaires.
Certes, les deux partis au pouvoir (CDU et SPD) ont présenté ceci comme une rupture importante et une garantie, au moment où l’Allemagne va encore emprunter 50 milliards d’euros de plus. Mais déjà l’aile gauche des sociaux-démocrates s’agite en demandant pourquoi « on devrait limiter les marges de manœuvre des générations futures ». On peut répondre en disant que le déficit et la dette, comme la monnaie, sont des questions trop importantes pour être laissées dans les mains des hommes politiques. Mais dans ce cas, pourquoi n’appliquer la règle qu’aux générations futures, dans 8 ou 12 ans, et pourquoi les dirigeants actuels ne se l’appliquent-ils pas à eux-mêmes immédiatement ?

Un prix Nobel comme Solow s’en mêle en ne comprenant pas pourquoi fixer une limite en pourcentage du PIB, ce qui signifie qu’on pourrait emprunter plus quand la croissance est forte, plutôt qu’en récession, le contraire de ce qu’il faudrait faire : on voit bien dans cette réflexion le keynésianisme pointer à nouveau son nez. Et on trouve bien entendu les habituels « chercheurs » qui se demandent comment financer les projets essentiels d’infrastructure si on s’interdit trop fortement les déficits. N’est-ce pas mettre la charrue avant les bœufs ? Ne faut-il pas se demander d’abord de quelles recettes on dispose et y ajuster ensuite les dépenses, au lieu de faire l’inverse. C’était déjà le conseil de Turgot à Louis XVI, d’ajuster les dépenses au niveau de la recette.

Il est difficile de se débarrasser des reflexes qui considèrent que toute dépense a un impact positif, même si on n’a aucune recette pour la financer et qu’on ne devrait pas se préoccuper de ces questions, puisque la dépense publique suffit à créer des richesses, quelle que soit la façon dont elle est financée. Dans ce qui se passe en Allemagne, on retiendra d’abord la prudence nécessaire, car à l’approche des élections il sera difficile de proposer un plafond de la dette publique accepté par tous. Mais surtout il faut se méfier des risques d’un faux plafond : pour que le plafond tienne, il faut des attaches, c’est-à-dire des règles, solides et non pas adaptables. Ceci étant, on peut aussi y voir un premier pas vers plus de sagesse.

Jean-Yves Naudet

http://www.france-catholique.fr/Actualite-de-la-doctrine-sociale.html