La persécution déclenchée par Hérode à Jérusalem contre l’Église, au début des années 40, pousse les fidèles à quitter la ville. Ils se dispersent et, très vite, gagnent l’Asie Mineure, la Galatie, le Pont-Euxin, la Bithynie, la Cappadoce – toutes régions de l’actuelle Turquie. Là prêchera saint Paul, originaire de Tarse, Timothée, son assistant, et saint Jean, installé à Éphèse – province d’Izmir – avec Notre-Dame. Rien n’y est simple : Paul est arrêté lors de son séjour éphésien de 57-58 puis déféré en justice. Jean est exilé à Patmos sous Domitien. Pourtant, l’Évangile s’enracine et s’étend dans ces régions, comme en témoignent les épîtres pauliniennes ou l’envoi aux sept Églises de l’Apocalypse
Une génération instruite par Jean – tel Polycarpe, futur évêque martyr de Smyrne – grandit au contact direct des témoins. À son tour, elle instruit d’autres chrétiens, comme Pothin de Lyon. Élevés par ceux qui ont connu ceux qui ont écouté le Christ, leur parole ne peut être mise en doute. Rien d’étonnant au succès qu’ils rencontrent. Lors de sa prise de fonction comme procurateur de Bithynie en 112, Pline le Jeune découvre une province presque entièrement gagnée au Christ. Réalité gênante puisque, depuis 64 et l’incendie de Rome, il est interdit d’être chrétien sous peine de mort, ce qui dérange l’honnête magistrat qu’est Pline : pourquoi condamner à mort des gens qui ne commettent aucun crime, sinon pratiquer un culte proscrit ? Le rescrit qu’il réclame à Trajan restera dans l’histoire car il décidera du sort des chrétiens de l’Empire pendant plus d’un siècle, interdisant de rechercher des gens coupables de rien… mais ordonnant de les châtier s’ils sont dénoncés et arrêtés ! Arrêt contradictoire, mais qui fera jurisprudence de sorte que des milliers de chrétiens en mourront.
Il serait trop long d’égrener la litanie des martyrs d’Asie Mineure – à commencer, en 155, par le nonagénaire Polycarpe qui se dit trop vieux pour renier celui qui le comble de grâces depuis l’enfance… Aucun supplice ne réussira à décapiter ces communautés, pas plus que l’hérésie montaniste diffusée par un faux prophète. De sorte qu’à la fin du IIIe siècle, quand débute la persécution générale voulue par Dioclétien, Nicomédie, capitale impériale, est peuplée de chrétiens qui ont pignon sur rue et ont même bâti une cathédrale face au palais du persécuteur !
Si elle finit par se calmer en Occident, où Constance Chlore (empereur romain en 305-306) et Constantin, son fils (306-337), ne mettront aucun zèle à réprimer « la secte », la persécution dure en Orient jusque dans les années 320, avec une cruauté inédite. Mais un quart de siècle de supplices ne viendra pas à bout des chrétiens : leur courage et la charité qu’ils témoignent à leurs bourreaux feront beaucoup pour la conversion d’une région majoritairement chrétienne quand, en 325, l’empereur Constantin réunit le premier concile œcuménique pour régler la querelle arienne à Nicée, près de sa nouvelle capitale (cf. FC n° 3904).
Les précieuses reliques du Christ
Consacrée le 11 mai 330, Constantinople devient, avec ses sanctuaires, la première cité résolument chrétienne. L’empereur et sa mère, Hélène, y rassemblent les plus précieuses reliques du Christ, des Apôtres et des martyrs. Celle qui se veut, politiquement puis religieusement, « la nouvelle Rome », va dès lors se poser en protectrice lointaine d’un empire romain déliquescent, de nouveau menacé par la résurgence de l’arianisme rapporté par les envahisseurs barbares.
Ainsi va le pouvoir byzantin, au rythme de ses crises et du caractère de ses détenteurs. Théodose le Grand, qui règne de 379 à 395, interdit le paganisme, fidèle au Credo de Nicée. Mais, en 545, Justinien fait enlever le pape Vigile pour le conduire à Constantinople, afin de le soumettre à ses vues hétérodoxes. En 629, Héraclius arrache la Vraie Croix aux Perses, qui s’en étaient emparés quinze ans plus tôt. Mais combien d’autres basileus – empereurs byzantins – sont plus préoccupés de leurs affaires que de la religion ? En 711, sous la poussée du jeune islam, Léon III interdit le culte des images et déclenche pour un siècle la crise iconoclaste.
Certes, l’empire byzantin regarde encore vers l’ouest, mais c’est vers l’est que Byzance s’étendra en convertissant à la foi de l’Église d’Orient Vladimir de Russie ou Boris de Bulgarie, annonçant la « troisième Rome » que se voudra Moscou. Ce n’est cependant que le 16 juillet 1054, dans des circonstances absurdes provoquées par la maladie du pape Léon IX, les initiatives malencontreuses de ses légats et la sottise du patriarche Michel Cérulaire que Rome fulmine l’excommunication contre sa rivale. Cette mesure, qui ne fut guère prise au sérieux à l’époque, entraînera un schisme, plus politique que religieux, dont nous ne sommes toujours pas sortis…
Le moment était mal choisi, car la menace musulmane se faisait redoutable. Une à une, les provinces byzantines tombaient entre les mains des Seldjoukides. Les croisades ralentirent le mouvement à partir de 1094, mais elles ne purent amener une réconciliation entre les deux moitiés de la chrétienté. Le drame culmina avec le sac de Constantinople par les Vénitiens et les Français en 1204. L’installation d’un bref empire franc sur le Bosphore permit de récupérer nombre de reliques insignes, volées dans le pillage des églises ou achetées par Saint Louis, à l’instar de la Sainte Couronne d’épines.
La chute de Constantinople
La restauration de souverains byzantins ne marquera plus qu’une lente agonie de l’empire grec qui, à bon titre méfiant, s’obstinait à refuser la main tendue des catholiques. Ce n’est qu’en 1439 que Constantinople, en échange d’aide militaire, accepta d’envoyer des ambassadeurs au concile de Florence et signa la promesse de retour dans le giron de l’Église romaine, avec l’appui du basileus Constantin XI. Trop tard. Le 29 mai 1453, le sultan Mehmet II prenait la ville, tandis que Constantin se faisait tuer sur les remparts écroulés.
S’ensuivit un massacre effroyable, jusque dans Sainte-Sophie où s’était réfugiée la population aux abois. On dit que le prêtre, qui célébrait la messe quand les janissaires assaillirent l’autel, fut miraculeusement happé par le mur sud de la basilique et qu’il en ressortira pour finir de célébrer les saints mystères lorsque la Croix sera replantée sur les coupoles de l’église.





