Dans les prisons colombiennes - France Catholique
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Dans les prisons colombiennes

« J'étais en prison, et vous êtes venus me voir... » Le Père Andrés Fernández Pinzón n'a jamais rien fait d'autre. . propos recueillis par Jacques BERSET, agence Apic .
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Père Andrés, quelle est votre fonction au sein de l’Église colombienne?

Je suis, depuis 16 ans, le coordinateur national de la Pastorale pénitentiaire de Colombie. Je travaille dans les prisons depuis 38 ans… L’État nous donne la possibilité d’avoir un aumônier général des prisons, présenté par la Conférence épiscopale.

Vous vous occupez de combien de prisons au plan national, avec combien d’aumôniers ?

La Pastorale pénitentiaire a treize aumôniers sans compter un certain nombre à temps partiel, nommés par les évêques. Cela doit faire une quarantaine en tout, pour 141 prisons, avec 75 000 prisonniers. Cela sans compter les quelque 15 000 Colombiens prisonniers dans divers pays du monde…

Pourquoi y a-t-il tant de Colombiens dans les prisons étrangères ?

Ce sont en général des jeunes gens, et il y a parmi eux des mères de familles. On leur promet de l’argent pour faire passer de la drogue dans vos pays… À Noël, la Pastorale pénitentiaire, après avoir rassemblé les adresses par le biais des ambassades, des consulats, des aumôniers de prison de divers pays, envoie une carte de vœux à tout Colombien détenu dans les prisons partout dans le monde.

La situation carcérale en Colombie est ex­plosive…

Dans nos prisons on trouve divers groupes de prisonniers : ceux qui appartiennent à la guérilla ou aux groupes paramilitaires, ceux qui sont là pour trafic de drogue, et puis tous les autres qui ont commis tous les crimes et délits imagi­nables. Quand la prison est petite, ces gens sont mélangés, mais quand il s’agit d’une grande prison, on les sépare par quartiers. Il y a eu des affrontements par balles et grenades (!) dans les années 1990 à 2000, avec des morts et des blessés. Maintenant, cela s’est calmé…


On voit dans certaines prisons colombiennes des panneaux disant : « interdit de consommer de la drogue le dimanche »…

Cela indique deux choses : la pré­sence de la drogue, et la présence de la religion… La drogue permet aux prisonniers d’ou­blier un peu le véritable entassement qu’ils subissent. Des détenus doivent dormir par terre, dans les couloirs, à côté des toi­lettes et des douches. On peut parler de situations infrahumaines.

À Bogota, nous avons La Picota qui héberge 5300 détenus, La Modelo, qui en a 5500 (alors qu’il n’y a officiellement que 2700 places), la Reclusion de Mujeres Buen Pastor, une prison de femmes où il y a un millier de détenues, la prison de district, etc.

L’Église est présente dans toutes les prisons, avec la « Pastoral Penitenciaria Catolica » (PPC).

Un prêtre, qui est l’aumônier, est accompagné d’une équipe de laïcs volontaires qui développent un certain nombre de services pour les prisonniers: ils interviennent sous forme de « brigades intégrées » de médecins, avocats, dentistes, oculistes, opticiens, voire même de stylistes. Ces volontaires, des professionnels qui ne reçoivent aucun salaire, se dé­placent une fois par mois et, pour les grandes prisons, le travail dure deux jours. Ils demandent congé à leur entreprise. Cela dure déjà depuis 14 ans!
Il faut dire qu’ordinairement dans les prisons, quand les prisonniers ont la chance de pouvoir rencontrer le médecin, il n’a souvent pas de médicaments, et quand il y a un équipement d’odontologie, il n’y a pas de dentiste…

Nous ne sommes certes pas la solution au problème qui est du ressort de l’État. Mais, avec l’aide de donateurs colombiens et étrangers (parmi lesquels ceux de l’A.E.D.) nous essayons de mettre un peu plus d’humanité…