Dans la lumière du Latran - France Catholique
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Padre Pio, ses photos inédites
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Dans la lumière du Latran

Le 11 février à midi, dans le palais apostolique du Latran, furent signés par le cardinal Gasparri, plénipotentiaire du Souverain Pontife Pie XI, et par Benito Mussolini, plénipotentiaire du roi Victor-Emmanuel III, les accords dits du Latran. Depuis 1929, ce jour est un jour férié au Vatican. C’est ce jour et presque cette heure qu’a choisis Benoît XVI pour faire son annonce de renonciation. Oui, on l’a dit avec raison, c’était et c’est toujours la fête de Notre-Dame de Lourdes. Mais je n’ai pas lu beaucoup de commentaires sur la coïncidence avec l’anniversaire des accords du Latran, si ce n’est une seule fois pour montrer combien ce pape était un piètre communicant pour avoir choisi un jour férié où les journalistes n’avaient pas à se rendre à la salle de presse !
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Ce peut être en effet une pure coïncidence. Mais certains détails sont intrigants. Les accords du Latran ont été négociés et signés par le successeur de Benoît XV, Pie XI qui, entre parenthèses, se trouvait être archevêque de Milan à son élection (comme l’actuel papabile Angelo Scola) après avoir été nonce à Varsovie ! Achille Ratti fut élu par le conclave en février 1922, quelques mois avant la marche sur Rome de Mussolini.
Les accords du Latran se composent d’un traité politique, d’une convention financière et d’un concordat. Le traité politique reconnaît la souveraineté du Saint-Siège. Il mettait fin à presque soixante ans d’ « emprisonnement ». Depuis l’entrée des forces italiennes dans la Rome des Papes, par la Porta Pia, le 20 septembre 1870, le Souverain Pontife se considérait comme prisonnier. Pie IX avait en conséquence congédié le concile Vatican I, considérant qu’il ne pouvait plus délibérer librement (il avait de toute façon atteint son objectif premier qui était de proclamer l’infaillibilité pontificale). On sait que Pie XI, après les accords du Latran, ayant recouvré sa souveraineté, pensa réunir un concile général. Latran fut également considéré comme la porte ouverte aux « étrangers ». Seuls des Italiens étaient, pendant cette période, jugés aptes à affronter le gouvernement laïque italien « de combinazione en combinazione ». Cet abcès vidé, de provinciale, l’Église redevenait vraiment universelle. Exclue pendant ces années de toute conférence internationale, dont la conférence de paix de Versailles et la Société des nations, elle redevenait un acteur de plein exercice de la société internationale (avec toutefois à l’Onu le fameux statut d’État observateur dévolu depuis à la Palestine !). Le nombre d’accréditations diplomatiques explosa du jour au lendemain.

Le choix de Benoît XVI de se retirer au sein du petit territoire du Vatican, sans en sortir jamais, se faisant ainsi « prisonnier volontaire » intra muros, est un curieux retour à la condition de ses prédécesseurs d’avant le Latran, notamment Benoît XV pendant la Première Guerre mondiale ! Faut-il en conclure qu’il se resserre pour que l’Église puisse se libérer, politiquement, spirituellement, aux dimensions de la planète ? C’est en tout cas ce que le sens des accords du Latran suggère.

L’un des sens au moins, car la signature de ces accords fut regardée en Italie et hors d’Italie comme un rapprochement, une quasi-alliance entre la Papauté et l’Italie : c’est le sens du Concordat qui constitue l’autre volet des accords du Latran. En échange de la reconnaissance par le Pape du fait accompli de 1870, le gouvernement italien reconnaissait le catholicisme comme « religion d’État » et accordait à l’Église catholique italienne des privilèges exceptionnels.

La France en particulier, qui, sous Napoléon III de 1849 à 1870, avait protégé la Rome des Papes avait mal accueilli ces accords qui affermissaient le pouvoir fasciste. C’était en quelque sorte un mauvais coup diplomatique pour les démocraties occidentales. Plusieurs puissances et quelques papes eux-mêmes avaient envisagé la solution de l’exil, de la sortie de Rome (la question majeure était : pour aller où ? Avignon n’était plus de saison), ou des garanties internationales à la place de celles du seul État italien, surtout sous Mussolini !

Faut-il rouvrir la « question romaine » « définitivement et irrévocablement » close par les accords de Latran ? Par exemple, si un nouveau Concile général devait un jour être réuni, le Vatican ne pourrait sans doute plus matériellement l’accueillir; les préparatifs seraient considérablement allongés comme pour le choix des villes qui accueilleront les prochains Jeux olympiques ; si la Curie romaine devait s’internationaliser encore davantage et s’appuyer sur des administrations en effectifs plus conséquents, elle serait obligée aussi de déborder des limites de l’État du Vatican encore plus qu’aujourd’hui, sans parler de l’hébergement.

« Rome n’est plus dans Rome » de plus en plus s’imposera. Que le prochain pape soit ou non italien est sans doute une question importante pour les Italiens, comme les accords du Latran, dont le souvenir ne semble pas très frais au-delà des Alpes, mais le reste du monde a dépassé ce stade. Benoît XVI nous a néanmoins adressé un signe qu’il nous faut méditer.