Comment échapper au bruit du monde ? - France Catholique
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Padre Pio, ses photos inédites
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Comment échapper au bruit du monde ?

« Dieu n’est pas dans le fracas », disait le prophète Élie sur le mont Carmel. Pour cultiver notre âme, il faut fuir le vacarme ambiant et détourner le regard des écrans qui captivent notre intimité.
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Le Christ dans la maison de Marthe et Marie, Vermeer, Galerie nationale d’Écosse, Édimbourg.

On cite souvent cette phrase de Bernanos selon laquelle la civilisation moderne est « une conspiration universelle contre toute espèce de vie intérieure ». Ce que l’on fait moins, c’est décrire les moyens qui sont employés par le monde pour nous arracher à nous-mêmes. Or, il est capital de s’en faire une idée à peu près exacte si l’on veut retrouver notre assiette. La renaissance spirituelle ne se produira pas sans une remise en cause complète de tout ce qui, dans notre vie contemporaine, conspire à nuire à nos âmes.

À son époque, Bernanos avait pour cible le culte de la vitesse, l’invasion de la réclame et la promotion du tourisme – qui étaient encore dans l’enfance. Il n’avait pas tort. Mais que dirait-il aujourd’hui ? Je fais le pari qu’il parlerait des deux fléaux les plus puissants du monde contemporain, qui pulvérisent littéralement la cervelle de nos enfants : le bruit et l’écran. À côté de ce Baal et de ce Moloch, les démons que dénonçait Bernanos font l’effet d’innocents petits caniches.

Impitoyable pilonnage

Parlons d’abord du bruit. Par ce mot – détrompez-vous ! – je n’entends pas le simple vacarme, le brouhaha de la vie urbaine et industrielle qui, somme toute, serait plutôt en recul sous nos latitudes. Non, je veux parler de ce que l’on ose appeler du beau nom de « musique » et qui est précisément tout le contraire. Car ce que l’on appelle « musique » n’est plus, fondamentalement, qu’un bruit rythmique binaire diffusé par des haut-parleurs dans toutes les circonstances de la vie. Restaurants, taxis, hôtels, salles d’attente, boutiques, supermarchés, mais aussi plages, piscines, pistes de ski, cabinets médicaux : progressivement, plus rien ne semble devoir échapper au pilonnage impitoyable de la pop, du rap et de la techno. Où faudra-t-il fuir pour trouver enfin la paix ? Il s’agit là d’une catastrophe, et cela pour deux raisons. D’abord, parce que le son amplifié est le plus invasif des phénomènes physiques : l’oreille n’a pas de paupière ! Et les sons détiennent le pouvoir de fusionner immédiatement avec nos esprits en formant la trame même de notre vie psychique. Les imposer à tous, c’est agir sur nos âmes sans rien nous demander. Une sorte de viol d’intimité.

Occupation des cerveaux

Ensuite, par sa nature, le bruit rythmique binaire est absolument nocif. Alors que la musique mélodique sans battements offre un cours à la vie intérieure, le battement rend très difficile la pensée suivie, la discursivité. Car il hache, sectionne, et met en pièces le fil continu de notre durée intérieure. Les battements, en procurant une trame toute faite à l’intériorité, soulagent les esprits d’avoir à se porter eux-mêmes.

L’occupation musicale des cerveaux offre le moyen de ne pas se fréquenter, de s’éviter soi-même, en se laissant porter par la vague du beat. En présence du battement, l’éveil intellectuel n’est jamais complet, et c’est précisément cette permission de ne jamais être tout à fait éveillé, tout à fait seul avec soi, qui est plébiscitée par la jeunesse. Pourquoi mettre en marche le battement dès qu’on entre dans une pièce, dans une voiture, pourquoi se jeter sur ses écouteurs dès qu’on s’assoit dans le train ? Pour ne pas ressentir la douleur particulière de l’esprit qui se déplie, pour rester toujours en dehors de soi sans être pour autant dérangé par le monde. « Tout le malheur des hommes, disait Pascal, vient d’une seule chose, qui est de ne savoir pas demeurer en repos, dans une chambre. »

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