« Cessons de rejouer les batailles de l’époque ! » - France Catholique
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Ces Papes qui ont fait l'histoire
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« Cessons de rejouer les batailles de l’époque ! »

Ex-chrétien de gauche à l’époque du concile Vatican II, le professeur émérite d’histoire contemporaine à l’université de Brest, Yvon Tranvouez, brosse dans L’Ivresse et le vertige (éd. Desclée de Brouwer) un portrait doux-amer de ces années mouvementées. Entretien.
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Affilié à l’extrême gauche durant les années de Vatican II, vous dites avoir été un jour saisi d’un « vertige ». Quand avez-vous déchanté ? Assez vite, au milieu des années 1970. Tous les débats théologiques que nous avions au mensuel d’extrême gauche La Lettre, auquel je collaborais, nous menaient jusqu’à une impasse, celle du matérialisme et de l’aphasie, c’est-à-dire l’incapacité à trouver des mots pour exprimer notre vision du christianisme. Le vertige m’a vraiment saisi quand nous avons commencé à discuter de la Lecture matérialiste de l’Évangile de Marc, un livre de Fernando Bello paru en 1974. J’ai trouvé ça passionnant, mais je me suis dit qu’on n’allait pas réduire l’Évangile à un manuel de lutte des classes ! J’ai senti que le religieux n’allait devenir qu’un élément dans une lutte politique. Certains ont fini par défendre l’idée selon laquelle l’Église n’était qu’un simple appareil idéologique d’État, et que tout ce qu’il restait à faire était donc de la détruire pour favoriser la révolution. Dans les groupes que j’ai fréquentés, il y a ceux qui ont suivi cette ligne et qui ont abandonné le christianisme et ceux qui, dans un réflexe vital, ont repris à leur compte le titre du livre de Maurice Clavel : Dieu est Dieu, nom de Dieu ! À des centaines de kilomètres de l’agitation romaine, comment le paroissien français traverse-t-il les années 1960 ? Le paroissien de base voit certaines choses changer du jour au lendemain : le curé n’a plus de soutane et enfile des habits civils, on ne fait plus maigre le Vendredi saint, la réforme liturgique vient modifier la messe… Il voit des réformes très pratiques dans sa paroisse, mais qui sont très lourdes de conséquences. Il y a, très rapidement, des changements saisissants qui font que l’on ne voit plus la même Église. Justement, quel regard portez-vous sur la réforme liturgique ? J’ai le sentiment qu’il y a eu un énorme problème, non pas avec la réforme elle-même, mais dans son application et sa pédagogie. Certains prêtres n’ont sans doute pas suffisamment expliqué les changements liturgiques. Inversement, il y a eu aussi des offices bavards, surchargés de commentaires et, il faut bien le dire, plus pauvres d’un point de vue esthétique. Derrière cela se trouvait l’idée de faire passer les fidèles de d’une religion héritée – avec son côté automatique, irréfléchi – à une foi authentique. Il s’agit d’une très belle idée sur le papier, mais dans la pratique, les paroissiens ont souvent été déstabilisés. Retrouvez l’intégralité de l’entretien dans le magazine.
—  livresse_et_le_vertige.jpgL’ivresse et le vertige. Vatican II, le moment 68 et la crise catholique (1960-1980), Yvon Tranvouez, éd. Desclée de Brouwer, 2021, 360 pages, 22 €.