Au revoir, Christophe Colomb ! - France Catholique
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Au revoir, Christophe Colomb !

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Joyeux jour de Chistophe Colomb ! Vous l’avez peut-être manqué, mais le 12 octobre 1492 est le jour ou Christophe Colomb est censé avoir débarqué aux Amériques.

Célébrer le jour de Christophe Colomb était habituellement une grande chose aux Etats-Unis. Il y avait des défilés. C’est toujours un jour de congé national dans certains états. Mais comme on a fait porter le chapeau à Christophe Colomb pour tous les maux de la colonisation européenne qui a suivi, son culte a quelque peu périclité.

Il était considéré comme un héros. Maintenant il est un scélérat encore plus grand. La vérité est peut-être qu’il n’était pas le si grand héros que les gens ont dépeint ni le si grand scélérat qu’ils dépeignent actuellement.

Je n’ai jamais été un chaud partisan de Christophe Colomb, mais comme à peu près tous les enfants des écoles publiques, quand j’ai grandi, on m’a enseigné qu’il était courageux pour avoir osé voguer à travers l’océan quand tout le monde pensait qu’il naviguerait au-delà de la limite d’une Terre plate. Ce qui est un mythe ridicule, qui est encore communément propagé. Les Grecs avaient correctement calculé la circonférence de la Terre des centaines d’années auparavant. Toutes les personnes instruites savaient que les mats d’un navire disparaissaient à l’horizon parce que la surface de la Terre est courbe. Le mythe de Christophe Colomb et de la Terre plate a été propagé par deux anti-catholiques sectaires du dix-neuvième siècle, John William Draper et Andrew Dickson White. (pour les détails, reportez-vous au livre de Jeffrey Burton Russell : La légende de la Terre plate : Christophe Colomb et les historiens modernes.) Ils voulaient couronner Colomb comme le héraut précurseur des Lumières, qui avait audacieusement secoué les superstitions non scientifiques du Moyen-Age catholique. Mais pour ce faire, ils devaient propager le mythe de la « Terre plate ».

La vérité, c’est que Christophe Colomb était imprudent mais chanceux. Confiant dans les théories de ceux qui avaient prodigieusement sous-estimé la circonférence du globe, il pensait qu’il pouvait naviguer vers l’ouest un certain nombre de jours et atteindre ainsi les Indes. Aucune personne instruite ne pensait qu’il tomberait de la Terre. C’est idiot. Ils prévoyaient, assez raisonnablement, qu’il tomberait probablement à court de nourriture au milieu d’un vaste océan bien avant d’atteindre les Indes.

Et c’est ce qui se serait passé, si ce n’est qu’il y avait un autre continent entre l’Europe et les Indes, suffisamment grand pour qu’il l’atteigne avant que son équipage et lui ne meurent de faim. Il avait tort mais il a fini par « découvrir l’Amérique », même si plein de gens y vivaient déjà. Donc le statut de Colomb en saint précurseur des Lumières est clairement immérité. Tout au plus pourrait-il être le saint patron des idiots chanceux.

Mais pouvons nous réellement le charger des crimes et souffrances des cinq cents ans qui ont suivi ? N’est-ce pas précisément la sorte de bouc émissaire décrite par le philosophe René Girard ? Un société a des tensions et des conflits non résolus. Alors les gens mettent le poids de leur culpabilité collective sur une créature isolée et la bannissent dans un geste symbolique signifiant l’expiation de leurs péchés.

Que cette unique créature soit responsable de la culpabilité de tous ou puisse peut-être porter la culpabilité de tous n’est pas le problème. Le sacrifice n’est pas dans le bouc, le taureau ou l’homme donné. Ce qui est important, c’est que nous nous débarrassons symboliquement de l’impureté et que nous résolvons les tensions non résolues qui nous rongent. Pauvre Christophe Colomb. Il aurait peut-être mieux valu pour lui qu’il ait sombré au milieu du vaste océan que tout le monde prévoyait à cet endroit.

Il y a plusieurs semaines, j’ai publié un article basé sur une formule que l’ancien président de Notre-Dame (NDT : l’université catholique américaine, pas la cathédrale de Paris), le père John Cavanaugh, avait coutume d’employer : « je sais deux choses : qu’il y a un Dieu et que je ne suis pas Lui ». L’article n’avait pas Notre-Dame comme sujet, mais il paru sous une photo du « dôme doré » de Notre-Dame. Dans cet illustre bâtiment, il y a une série de peintures murales de grande taille qui retracent la saga de Christophe Colomb. Elles ont été peintes dans les années 1880 par l’artiste italien Luigi Gregori. Ces peintures sont controversées ces jours-ci, et des pétitions circulent régulièrement pour les faire enlever.

Je n’ai rien de plus à ajouter à ce débat. Je ne suis pas, je l’ai dit, un fervent partisan de Christophe Colomb. Pour moi, la chose la plus remarquable en ce qui concerne ces peintures murales et que, lors de leur restauration dans les années 1990, l’un des restaurateurs, alors qu’il peignait une bordure autour d’une des œuvres, a inclus une petite image à peine discernable de Kermit la Grenouille dans les rinceaux. Je me demande parfois si cette petite grenouille cachée est la seule chose qui préserve ces peintures.

Mais il y a autre chose à propos de ces peintures méritant d’être noté, je pense. Quelque chose qui n’a pas grand chose à voir avec Christophe Colomb lui-même mais davantage avec le « mythe de Christophe Colomb » tel qu’il était célébré à la fin du dix-neuvième siècle. Pourquoi les catholiques de Notre-Dame se seraient-ils intéressé à des peintures sur Christophe Colomb plutôt qu’à d’autres sur, disons, Saint François d’Assise l’Italien, Saint Patrick l’Irlandais ou le martyr français Saint Isaac Gogues ?

C’est peut-être parce que ces peintures étaient conçues comme un message des immigrants catholiques à un ordre social américain protestant qui avait rejeté les catholiques comme « non-américains », pour leur rappeler que leur grand héros était (horreur) un catholique, et pis encore, le premier immigrant catholique. C’était peut-être un plaidoyer pour que l’ordre social protestant américain n’oublie pas l’héritage catholique du pays ni n’oublie ses racines de migrants ?

J’ignore tout à fait si les peintures doivent rester ou partir. Si elles étaient parties, Kermit me manquerait. Mais si elles partent, peut-être qu’elles devraient être remplacé par quelque chose qui rappelle à tous ceux arpentant ces couloirs l’intolérance et les préjugés dont ont eu à souffrir des générations de catholiques. Et pour nous rappeler à tous que les endroits comme l’université Notre-Dame n’ont pas grandi jusqu’au monumental à cause de la générosité et du bon vouloir de la Ivy League, mais parce qu’ils ont rendu possible les rêves des enfants d’immigrants pauvres venus dans ce pays avec guère plus que leur désir de travailler dur et leur foi catholique.

Randall B. Smith est professeur de théologie (chaire Scanlan) à l’université Saint Thomas de Houston.

Source : https://www.thecatholicthing.org/2018/10/13/meanwhile-some-other-catholic-things/

Illustration : « La mort de Christophe Colomb » par Luigi Gregori, 1884 [université de Notre-Dame]