ANALOGIES AVEC LA MORT DE BEN LADEN - France Catholique
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ANALOGIES AVEC LA MORT DE BEN LADEN

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N. T. Wright, ancien évêque anglican de Durham, est l’un des théologiens et exégètes de premier plan dans le monde. Professeur de Nouveau Testament et de Christianisme antique à l’Université St-Andrews, ses écrits sur la doctrine de la Justification, critiqués parmi les protestants évangéliques, sont remarquablement proches des vues catholiques. Pour cette raison, il a été la cause de l’adhésion à l’Eglise Catholique de plusieurs ex-anglicans. Je suis un vieil admirateur de l’évêque et ait beaucoup appris de son impressionnante érudition qui fait autorité.

La semaine passée, le professeur Wright s’est aventuré hors de son champ d’expertise pour traiter de relations internationales. Selon lui, les Etats-Unis ont agi injustement dans la quête et la mort de Ben Laden le 1er Mai au Pakistan. Pour appuyer son point de vue, Wright propose une analogie :

Début de citation

Envisageons le scénario suivant : un groupe de terroristes de l’IRA effectue un raid meurtrier à Londres, causant morts et blessés. Une fois son raid achevé, le groupe se réfugie d’abord en Irlande puis aux Etats-Unis où ils se perdent dans l’intérieur de ce pays sympathisant où des dirigeants de l’IRA ont par le passé été reçus à la Maison Blanche. La Grande-Bretagne ne peut les faire extrader car le traité existant est déficient. Jusque-là nous ne sommes pas loin de la réalité.

Imaginons maintenant que le gouvernement britannique, voyant que les meurtriers vont échapper à la justice, dépêchent un porte-avions (à supposer que l’on en ait encore) qui parvient sur les côtes de la Nouvelle-Ecosse (Canada). De là, des hélicoptères, sans aucun préavis et échappant aux radars, atterrissent dans un faubourg de Boston où les terroristes se cachaient. Le raid audacieux permet de tuer les dirigeants (désarmés) et de retourner sauf à la base. Westminster exulte ; Washington est furieux.
Quelle différence avec ce qui s’est passé au Pakistan ? Réponse : l’exceptionnalisme américain. Ce que l’Amérique peut se permettre, personne d’autre ne le peut. De quel droit ? Qui décide ?

Fin de citation

L’analogie est trompeuse. Bien qu’il soit probable que Washington serait furieux, cela ne veut pas dire que les actions du gouvernement britannique seraient injustes. Aucun gouvernement furieux n’a raison parce qu’il est simplement furieux. Si l’on veut démontrer l’injustice de l’assassinat de Ben Laden — comme y prétend le professeur Wright par cette analogie — il doit prouver qu’il s’agit effectivement d’une injustice. Il est parfaitement raisonnable de penser autrement.

Supposons, pour changer de personnages et élever le niveau de l’analogie, afin de mieux correspondre à la vision qu’ont les Etats-Unis de leur guerre avec Al Qaida et ceux qui le protègent et l’abritent, qu’au lieu de membres du groupe de terroristes locaux de l’IRA, nous ayons affaire à Adolf Hitler, à la tête d’une puissance prétendant à la domination universelle par tous les moyens. A la place des Etats-Unis, c’est en URSS que Hitler se cache. Nous sommes au milieu de la seconde guerre mondiale. Bien que les Allemands aient rompu leur traité avec l’URSS et que celle-ci soit devenue alliée des Etats-Unis, les Américains ne sont pas absolument sûrs, pour diverses raisons, de pouvoir faire confiance aux Soviétiques. Le renseignement américain a découvert que Hitler, sa famille et quelques amis se cachent à Moscou, à quelques pas d’installations militaires soviétiques. Sans prévenir les Russes, les Américains envoient des hélicos de l’Unité de Combat et de Démolition de la Marine (NCDU), l’équivalent dans les années 40 des SEALS, pour capturer ou tuer Hitler. Les NCDU pénètrent dans la maison et, après un bref échange de tirs, découvrent Hitler au troisième étage.

En présence du Führer, plusieurs pensées traversent rapidement le cerveau des Marines : d’abord la pièce est mal éclairée ; secundo Hitler peut être un piège. Au cours de la préparation de leur mission, ils ont été mis en garde par leurs officiers; tertio, à quelques pas de Hitler, des armes automatiques sont sur le sol, bien qu’il ne s’en serve pas ; quatro, Hitler ne se rend pas tout de suite mais reste immobile quelques instants.

Ces pensées vont très vite, quelques fractions de secondes, car les Marines ont reçu un entraînement intensif de milliers d’heures afin de faire face à toutes les éventualités. Bien qu’Hitler soit « techniquement » désarmé, ils ne peuvent prendre aucun risque avec l’architecte de l’Holocauste, combattant ennemi dans une guerre juste. Ils tirent à la tête, tuant le Führer.

Imaginons encore un autre scénario. Il est deux heures, le 6 juillet 1535. Sir Thomas More, catholique, est prisonnier dans sa cellule de la Tour de Londres, attendant l’instant de son exécution pour haute trahison. Il a dénié au Roi la qualité de chef de l’Eglise d’Angleterre. Les Jésuites, dont la création date d’une seule année, avec pour vocation de combattre les progrès de la Réforme, complotent pour le sauver. A trois heures, ils arrivent à la Tour de Londres. Pour parvenir jusqu’à lui, ils doivent tuer plusieurs gardiens. Après cela, ils transportent More dans une maison amie où il demeure plusieurs jours. Le soir du 11 juillet, soigneusement déguisés, ils quittent Londres pour Rome. A son arrivée dans la Ville Eternelle, il est accueilli par Paul III, qui loue More et les courageux Jésuites qui ont risqué leur vie pour empêcher une grave injustice. Rome exulte. Westminster est furieux. Nous savons heureusement que tout gouvernement furieux n’a pas raison pour autant. Je ne doute pas que le professeur Wright soit d’accord.

Source : http://www.thecatholicthing.org/columns/2011/analogies-and-the-death-of-bin-laden.html