Vers un statut du beau-parent ? - France Catholique

Vers un statut du beau-parent ?

Vers un statut du beau-parent ?

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Comment, dans le cadre d’une famille « recomposée », sau­­vegarder le res­pect des droits du père biologique (plus rarement de la mère) tout en facilitant, pour les actes de la vie quotidienne, la responsabilité assumée par le beau-père (plus rarement la belle-mère) ? On estime qu’en France plus de 1,6 million d’enfants sont élevés dans une telle structure familiale.

Le président de la Répu­blique, dans son discours du 13 fé­vrier, a souligné que s’établissent indéniablement « des liens affectifs » entre enfants et beaux-parents. Ces derniers redoutent toutefois d’entendre la phrase imparable : « Tu n’es pas mon père (ou ma mère) » ? Dur à avaler quand on a lavé le linge sale d’une famille reconstituée, fait les courses pour tous, surveillé les devoirs, tout en étant privé de la gratification de l’amour filial.

Tant bien que mal, les beaux-parents s’en sortent même s’ils marchent parfois sur des œufs. Au point de faire « profil bas ». Ce n’est pas le cas de certaines associations comme le « Club des ma­râtres » de Marie-Luce Iovane-Ches­neau. Cette dernière va jusqu’à envisager la signature d’un contrat de « beau-parentalité » à la mairie. Les associations de pères divorcés s’étranglent, à l’image de SOS papa. Son président, Alain Caze­nave, dénonce régulièrement les brimades dont les pères s’estiment victimes : les décisions judiciaires confient à 90% les enfants à la mère ; trois pères sur dix n’auraient plus aucun contact avec leurs enfants quelques années après le divorce… Et voilà qu’on ajouterait de nouveaux droits à celui qu’ils peuvent voir comme un concurrent !

Mais comment transformer en autorité légalement établie une relation nécessitant beaucoup de délicatesse ? Selon les opposants au statut, quelques situations mises en exergue (autorisation de sortie du ter­­ri­toire, gestion d’un passage éclair à l’hôpital, signature du bulletin de note…) peuvent être réglées sans officialiser une autorité de beau-parent. La sociologue Sylvie Cadolle estime qu’un statut induirait « des effets secondaires et des risques à tous les étages » notamment la confusion des repères dont souffrent déjà nombre d’enfants.

Des groupes de « parents homosexuels » sont au cœur du débat. Ils revendiquent 300 000 enfants « élevés par deux hommes ou deux femmes », alors que l’Ined (Institut national d’études démographiques) les estime à 30 000. Si certains espèrent « ouvrir » une notion de famille dont ils contestent « l’hétérocentrisme », d’autres affichent l’intention de « déconstruire la famille traditionnelle » en « inventant une parentalité » affranchie du biologique voire du couple. C’est contre cette perspective que 60 associations ont déjà rejoint le Collectif pour l’enfant animé par Béatrice Bourges.
En poussant la revendication jusqu’à l’absurde, on peut être saisi de vertige : combien de temps de vie commune entre deux adultes serait nécessaire pour donner au compagnon ou à la compagne un droit sur les enfants biologiques de « l’autre » ? Dans quelle mesure devrait-on rechercher le consentement des mi­neurs concernés par ce type de montage juridique ? Sous quelle forme reconnaître la rupture ou la pérennité du lien établi ? Comment arbitrer un conflit d’autorité entre parent biologique et beau-parent ? Au fil de l’existence, des enfants devraient-ils accumuler les beaux-parents sans limite ?

La presse évoque beaucoup le cas personnel du président de la République pour expliquer son intérêt pour ce sujet. On avance qu’il souffrirait de la rupture des liens avec les filles de sa seconde femme depuis leur divorce… Mais un autre homme partage l’essentiel de la vie de leur jeune fils. Le président de la République ne peut donc ignorer que l’enjeu est à double face.

Derrière le « statut du tiers », étrangement repris à son compte par Dominique Versini, défenseur des enfants, se profile une remise en cause assez radicale de la notion de parent, au profit d’une « parentalité » qu’on voudrait adaptée à toutes sortes de configuration de vie. Comme si c’était à l’enfant de toujours s’ajuster, comme s’il n’était pas temps de reconnaître en lui une victime des errances adultes. En réaction au discours présidentiel, Christine Boutin a mis en garde : « L’éclatement des familles et celui des repères pour les enfants ne doivent pas être accentués ».