Qu’est-il arrivé au péché mortel ? - France Catholique
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Qu’est-il arrivé au péché mortel ?

Traduit par Myriam

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Le psychologue Karl Menninger a publié dans les années 1970 Qu’est-il advenu du péché ?, une réflexion sur le glissement très certain mais largement ignoré des comportements moraux au milieu du vingtième siècle. En suivant la trace de la disparition du péché, il s’est penché sur un domaine qui avait jadis inquiété, mais qui a graduellement disparu des consciences, comptant un nombre incroyable de ramifications : le « trouble » ou « péché » de la masturbation.

La masturbation, le vice solitaire, le PECHE de jeunesse, semblait soudain ne plus être si honteux, et peut-être même plus un péché du tout : pas si dangereux, pas du tout même, moins un vice qu’une certaine expérience procurant du plaisir, saine et normale ! Cette métamorphose soudaine en un comportement social presque universel est plus significative du changement de tempérament, de philosophie et de moralité du vingtième siècle que n’importe quel autre phénomène qui peut nous venir à l’esprit. Il n’est pas difficile de voir pourquoi TOUS les péchés autres que le « crime » semblaient, pour beaucoup, avoir disparu avec celui-ci… Tous les péchés peuvent-ils être répudiés ainsi sous prétexte qu’un comportement jadis considéré comme étant mauvais n’est plus condamné ? Il est plus facile de le supposer au sujet du « péché » sexuel (autre que la masturbation) qu’au sujet de « péchés » tels que, par exemple, le vol ou le mensonge, bien qu’il y ait un lien psychologique entre eux tous, et qui est depuis longtemps admis.

Menninger, évidemment, ne parle pas ici en tant que moraliste, mais en tant qu’observateur scientifique retraçant une altération significative des mœurs qui lui étaient alors contemporaines : la corrélation des changements de comportements vis-à-vis de la masturbation avec d’autres évolutions des jugements moraux. Le reste de son livre est consacré à la mise en lumière de types de vols, de jalousies, de cruautés, de mensonges, etc., qui sont aujourd’hui tolérés et auxquels on a trouvé des justifications, voire qu’on a acceptés, mais que l’on devrait énergiquement rappeler que ce sont des « péchés. »

Mais en ce qui concerne le péché mortel, celle qui fut le porte-parole principal dans les années 1970, et aussi une moraliste, est Elizabeth Ascombe, la philosophe de Cambridge, qui surprit ses collègues en publiant Contraception et Chasteté, une défense de la position de l’Eglise Catholique concernant la contraception. En tant que membre de l’école « analytique » de philosophie, elle tire les conclusions logiques/éthiques qui découlent inévitablement d’une acceptation de la contraception :
Si les rapports contraceptifs sont tolérables, alors quelle objection pourrait-on, après tout, avoir contre la masturbation mutuelle, ou la copulation in vase indebito, la sodomie, lorsque copuler normalement est impossible ou déconseillé (ou en tout cas, cela dépend des goûts) ?… Mais si de telles choses ne posent aucun problème, il devient absolument impossible de voir quoique ce soit de mauvais dans les relations homosexuelles, par exemple. Je ne dis pas que si vous penser que la contraception ne pose pas de problème, vous allez faire toutes ces choses, pas du tout. L’habitude de la respectabilité persiste et les vieux préjugés ont la vie dure. Mais ce que je dis, c’est que vous n’aurez aucune bonne raison d’être contre toutes ces choses. Vous n’aurez rien à répondre à quelqu’un qui proclame, comme beaucoup le font, que ces choses sont aussi bonnes. Vous ne pourrez pas attirer l’attention sur le fait que le christianisme a tiré les gens du monde païen, en disant toujours non à toutes ces choses. Car, si vous défendez la contraception, vous aurez rejeté la tradition chrétienne… De fait, lors d’une relation contraceptive, vous tentez d’avoir un rapport sexuel que, s’il a une chance d’être fertile, vous rendez infertile. Ainsi, quelle que soit votre intention, ce que vous faites est intrinsèquement détourné du renouvellement des générations.

En d’autres termes, une fois que le principe d’acceptabilité de rapports sexuels intentionnellement non-procréatifs est admis, un tas d’activités sexuelles non-procréatives sont à leur tour admises. Et comme le pape Jean-Paul II l’a fait remarquer dans Evangelicum Vitae, ce « droit » d’être non-procréatif mène à l’acceptation de l’avortement, dans les cas où la contraception aurait échoué. D’autres effets secondaires comprennent, et ont compris, les efforts bien intentionnés des gouvernements pour faciliter ou autoriser la contraception, voire l’avortement, afin de maintenir la population à un nombre gérable.

Les sondages nous apprennent que la majorité des catholiques a ignoré l’enseignement du Catéchisme de l’Eglise Catholique selon lequel la contraception est « intrinsèquement mauvaise », et a régulièrement recours à la pilule ou d’autres moyens de contraception. Il est possible que, aux vues des files relativement courtes devant les confessionnaux dans la plupart des paroisses, combinées à près de 100% de communiants à la messe dominicale, la plupart des catholiques ne perçoit pas la contraception comme un péché mortel – ni, sans doute, les autres activités sexuelles qu’Ascombe décrit comme des péchés mortels. Ce changement de mentalité est peut-être aussi responsable du fait que beaucoup de prêtres et d’évêques semblent attendre patiemment que « l’esprit de Vatican II » « fasse effet » sous l’autorité d’un nouveau pape, et de ne jamais avoir à parler de contraception dans leurs homélies et autres forums publics.

Il faut reconnaitre, cependant, que le Catéchisme de l’Eglise Catholique n’utilise pas exactement le terme de « péché mortel » en ce qui concerne la contraception. Il qualifie de « péchés mortels » les péchés spécifiques de l’envie, du mensonge et de la colère. Mais cette terminologie n’est pas utilisée lorsqu’il s’agit des péchés contre la chasteté. Au paragraphe #2396, il est dit que « parmi les péchés gravement contraires à la chasteté, il faut citer la masturbation, la fornication, la pornographie et les pratiques homosexuelles. » Puis, au paragraphe #2399, en ce qui concerne la contraception, le CEC utilise la terminologie « moralement irrecevables » plutôt que « gravement contraire à » : « La régulation des naissances représente un des aspects de la paternité et de la maternité responsables. La légitimité des intentions des époux ne justifie pas le recours à des moyens moralement irrecevables (par exemple la stérilisation directe ou la contraception). » Est-ce que quelque chose de « moralement irrecevable » pourrait n’être qu’un simple péché véniel ?

Le Catéchisme de Baltimore qualifie le manquement à la messe les jours de fête comme « péché mortel. » Mais le Catéchisme de l’Eglise Catholique n’utilise pas cette terminologie, bien qu’à un endroit, il qualifie cette omission de « péché grave. » Je doute que cette apparente multiplication de synonymes soit responsable du fait que, comme je l’avais mentionné dans un de mes précédents articles, la vaste majorité des catholiques de ma région ne semble pas venir à la messe les jours de fête, tels que la Toussaint. Mais « une rose est une rose est une rose. » Un « péché grave » est un « péché mortel » est « intrinsèquement mauvais. »

Quelqu’un pourrait-il réapprendre cela aux Catholiques ?


Howard Kainz est professeur émérite de philosophie à l’Université Marquette. Ses publications les plus récentes sont Natural Law: an Introduction and Reexamination (2004), The Philosophy of Human Nature (2008), et The Existence of God and the Faith-Instinct (2010).


http://www.thecatholicthing.org/columns/2013/whatever-happened-to-mortal-sin.html

Photo : Elizabeth Anscombe.