« Participer à la Création » - France Catholique
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L'amour du travail bien fait avec saint Joseph artisan
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« Participer à la Création »

L’exemple de saint Joseph et l’enseignement de l’Église permettent-ils de repenser notre rapport au travail ? Rencontre avec le syndicaliste Joseph Thouvenel, de la CFTC.

SAINT JOSEPH, PATRON DES TRAVAILLEURS

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Joseph Thouvenel sur le plateau de l’émission En Quête d’Esprit (tous les dimanches à 13 h et 21 h).

Joseph Thouvenel sur le plateau de l’émission En Quête d’Esprit (tous les dimanches à 13 h et 21 h).

En quoi la vision chrétienne du travail s’oppose-t-elle au matérialisme ?

Travailler, c’est participer à l’œuvre commune : je ne travaille jamais seul, mais avec et pour les autres. Le travail est également un lien social. Il permet d’être autonome, ainsi que de réaliser des projets : fonder une famille, l’élever… Tout cela dépasse la simple logique de la contrepartie financière !

À tel point que l’Église dit que lorsque nous travaillons, nous sommes co-créateurs : c’est-à-dire que nous participons à la Création mise en place par Dieu, quasiment à sa hauteur ! Si mon travail est bien la participation à une œuvre, je m’élève. Et certains voudraient donc empêcher aux gens d’être co-créateurs !

Le modèle des travailleurs, c’est saint Joseph… ?

Saint Joseph était un charpentier, ce qui veut donc dire qu’il travaillait manuellement et intellectuellement. Quand on bâtit une charpente, il faut la réfléchir. En tant que charpentier, saint Joseph touchait du doigt une réalité du monde du travail : il savait très bien qu’il n’était pas maître de tout. Ainsi, pour avoir du bois, il faut des arbres. Saint Joseph est un maillon de la Création : il prend la matière brute et il en fait quelque chose. Cette co-création est concrète !

N’oublions pas qu’il est aussi un père : il a protégé sa famille ! Quand l’ange lui dit : « Lève-toi, prends ta famille et pars en Égypte car on en veut à l’Enfant », il ne se dit pas que l’Égypte est loin, que le trajet sera dangereux… Il prend ses responsabilités et il y va. Il a sauvé sa famille et, par la suite, éduqué son fils.

Vous faites donc un lien direct entre travail et famille ?
La vie est complète : on ne peut séparer les deux. Tout le monde travaille : que cela soit rémunéré ou bénévole. La mère de famille, qui élève ses enfants au sens chrétien du terme, travaille. Elle se réalise, elle participe à une oeuvre, au bien commun. Qui ne travaille pas, si ce n’est ceux en profond désespoir ou qui n’arrivent pas à trouver leur place dans la société ?

Cette dignité que revêt le travail, à la lumière de saint Joseph, paraît contradictoire avec cette idée de « commerces non-essentiels » utilisée durant la crise sanitaire…
Ceux qui emploient ce terme sont ignorants de ce qu’est le travail. Leur vision est matérialiste ! On ne peut pas dire à des gens qu’ils sont non-essentiels, en raison des difficultés que traverse la société, et qu’il serait donc bon qu’ils arrêtent de participer à l’oeuvre commune… Au contraire ! C’est quand on a des difficultés que tout le monde est essentiel.
Je trouve assez invraisemblable qu’à une époque où à peu près tout le monde est d’accord sur le rôle primordial que doivent avoir l’Éducation nationale et la culture, on nous dise que là où je peux apprendre, là où je peux aborder la dimension spirituelle de la vie, comme le théâtre ou le cinéma, que tout cela est « non-essentiel ». Ces gens-là vivent comme des animaux ! Il n’y a que la gamelle qui les intéresse. Alors que l’homme a une supériorité par rapport à l’animal : il a une dimension spirituelle.

Quel piège l’enseignement de l’Église sur le travail permet-il d’éviter ?
Toujours le même : celui du matérialisme, qu’ont dénoncé Léon XIII et tous les autres papes. Un matérialisme qui peut être aussi bien communiste qu’ultralibéral.
Regardons par exemple la question du repos dominical : quand on voit que celui-ci est de moins en moins respecté, c’est-à-dire que l’on considère que notre utilité dans la société est uniquement d’être des producteurs-consommateurs, et qu’il ne doit pas y avoir de temps collectif consacré à la vie familiale, personnelle, associative, spirituelle…
On est toujours dans le même problème du matérialisme, qui est mortel pour le corps et pour les âmes.

Les Joseph qui traversent l’Écriture sainte sont, selon vous, un remède contre la tentation de la lutte des classes…
Il y a tout d’abord, dans l’Ancien Testament, la figure de Joseph fils de Jacob, vendu par ses frères et qui se retrouve aux côtés de Pharaon. Comme saint Joseph, il a été à l’écoute de Dieu et a su conseiller et protéger sa communauté par sa prévoyance lors des sept années de famine en Égypte. Puis il y a eu saint Joseph, qui a été à l’écoute de Dieu et qui a protégé le Christ et la Vierge Marie. Enfin, on oublie souvent Joseph d’Arimathie, un bourgeois bien installé dans la communauté juive de l’époque. Quand tout le monde, ou presque, abandonne le Christ et qu’Il meurt sur la Croix, Joseph d’Arimathie a le courage d’aller voir les autorités et de leur demander qu’on lui rende son corps. Il lui a offert un tombeau, un endroit digne, pour être enseveli. C’est très courageux. Avec ces trois Joseph, nous avons donc : celui qui a protégé un peuple et qui a permis au Christ d’être dans la lignée de David, celui qui a protégé le Christ pendant son enfance, et celui qui l’a protégé après sa mort et avant sa résurrection. Ces hommes sont réunis malgré leur condition sociale : l’un est conseiller de Pharaon, l’autre charpentier, l’autre bourgeois, mais il n’y a aucune opposition. Ce n’est pas la condition sociale qui fait ce que nous sommes, mais ce que nous faisons.

Vous aimez citer l’exemple des bâtisseurs de cathédrales…
Pour les bâtir, il a fallu ceux qui avaient l’argent, des architectes, des concepteurs de vitraux, des tailleurs de pierre, des petites mains qui portaient les sacs de sable… Salariés, chefs d’entreprise, indépendants, paysans, nous ne sommes pas en opposition : notre but est de bâtir, tous ensemble, afin de participer à l’oeuvre de la Création.

Retrouvez l’intégralité notre Grand Angle consacré à Saint Joseph patron des travailleurs dans le magazine.