PROLOGUE À UNE CÉLÉBRATION - France Catholique
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Van Eyck, l'art de la dévotion. Renouveau de la foi au XVe siècle
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PROLOGUE À UNE CÉLÉBRATION

Chronique n° 446 parue dans F.C. – N ° 2143 – 12 février 1988

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Inlassablement sondés mais toujours insondables Français, mes semblables, mes frères, comme vous êtes extravagants ! En 1981 vous avez massivement « choisi le changement ». Vous l’avez eu. Le changement s’est mis en marche, et aussitôt vous avez commencé de vous récrier, votant et vous exprimant en toute occasion avec horreur contre le changement, ou peut-être pour l’anti-changement, on ne sait trop. Jusqu’en 1986 votre président élu gouvernait : tous vos sondages le mettaient dans le trente-sixième dessous. Puis, vous lui avez envoyé une assemblée adverse, et depuis que le président ne gouverne plus le voilà hissé dans vos faveurs à des sommets vertigineux1. Moins vous connaissez les intentions du sphinx et plus elles vous charment. Finalement, êtes-vous pour ou contre le changement ? Question grossière ! Inconvenante ! Balourde ! Voilà quelques décennies, les hasards de la IVe République portèrent un moment au pouvoir un personnage oublié dénommé Queuille, dont toute la doctrine consistait à parvenir, puis à ne rien faire. Étant, si je me souviens bien, catalogué « radical » et radicalement décidé à détenir le pouvoir pour ne jamais s’en servir, n’aurait-il pas mérité d’être gardé jusqu’au trépas dans un concert de louanges ? Peut-être troublé par son succès, l’imprudent crut avoir découvert votre vraie doctrine et lui donna un nom : l’« immobilisme ». Cela ne traîna pas. Immobilistes, nous ? Au trou, le petit père Queuille, ce galeux2. Un de nos vieux écrivains politiques (Retz ?) crut faire un mot d’esprit en écrivant un jour : « C’est un grand avantage de n’avoir rien fait, mais il ne faut pas en abuser »3. Je crois qu’en France on peut en abuser impunément et aussi longtemps qu’on veut, à condition de tenir les gens en haleine par des discours. Tout est là. « Peuple le plus badaud du monde », dit Rabelais. Et César : « Ils ont la passion de savoir ce qui se passe au loin, mais pour leurs propres affaires sont inconséquents, imprévisibles, capables de tout, sans aucune persévérance. »4 Quel toupet, ce César ! Il ajoutait que les orateurs gaulois avaient une prédilection pour l’énigme et l’ambiguïté. Oser dire cela de M. Mitterrand ! En ce moment on parle beaucoup de la crise de la presse : les journaux à vocation nationale ne se vendent plus. Quelques-uns cependant surmontent fort bien le marasme, et regardez lesquels : ceux que ne gonflent pas l’ambition déraisonnable de réfléchir sur le fond des choses, ceux qui s’en tiennent aux mille petits faits et gestes de la Cour, aux cancans et coincoins de la ville, ceux qui recueillent toute allusion à triple tiroir, tout sourire gigogne, petits mots, petites phrases. Ceux-là ne périclitent pas, au contraire. Ils plaisent5. J’écoute très souvent l’émission Vendredi soir, sur France Inter, où s’affrontent quatre confrères représentant les quatre principaux courants politiques6. Et voyez comme on se trahit : ce qui m’amuse et me retient dans cette émission, ce ne sont pas les idées, qui, lorsqu’elles font un moment surface, me font bâiller d’ennui – je les connais depuis Hérode, ces idées, ou du moins me le semble-t-il, ce qui revient au même – c’est l’art de les retourner comme des crêpes. Quand une crêpe habilement lancée est encore plus habilement retournée à l’envoyeur, qui sans avoir eu le temps de dire ouf s’en trouve tout emplâtré, alors ma satisfaction est parfaite. C’est ce que le porte-parole communiste est par nature empêché de comprendre : il s’obstine à vouloir caser les idées alléguées de son parti. Mais, camarade, vos idées, plus nous les connaissons, moins nous en voulons. C’est, je crois, pourquoi vos trois compères vous laissent sournoisement garder la parole plus que de raison. Expliquez-nous les droits de l’homme, la libre circulation des hommes et des idées, la démocratie ? Que voulez-vous, cela fait rire, lugubrement peut-être, mais celui qui fait rire est perdu. Ils sont ainsi, les Français. Depuis toujours, je me demande pourquoi nous sommes voués, comme disait Péguy, à faire frivolement les choses sérieuses et sérieusement les choses frivoles. C’est ainsi que nous nous apprêtons à célébrer à grands frais le deuxième centenaire de la Révolution en nous congratulant, félicitant et disputant, non sans réserver un triomphe aux livres de Michel Ragon sur le génocide vendéen7. Deux siècles, c’est huit générations, qui ont vu naître nos plus grands historiens. Et cependant existe-t-elle, l’œuvre d’histoire indiscutée sur cet événement ? L’Europe devint-elle alors par notre truchement le guide éclairé d’une planète préhistorique ? Ou bien frappa-t-elle les trois coups de son long suicide toujours en cours ? Force discours contradictoires vont commencer de nous accabler. Quel ennui ! D’autant plus que nous n’avons nullement envie d’être éclairés : « Inconséquents, imprévisibles, capables de tout, mais sans persévérance… » Nous jugerons les beaux discours à leur habileté, tel sera notre bicentenaire, bientôt oublié pour d’autres galéjades. Comment peut-on rester inconséquents, imprévisibles, etc., pendant vingt siècles, ayant changé trois fois de religion, trois ou quatre fois de langue, et Dieu sait combien de fois de système politique ? Notre obstination dans l’inconséquence a quelque chose d’inébranlable. Ils ont bien tort, ceux qui voient dans l’immigration une menace pour notre identité : absorbés les Romains, absorbés les Francs, absorbés les Anglais de la Guerre de Cent ans. On ne naît pas fils de Gaule, on le devient en s’installant entre Rhin et Pyrénées. Comment cela se fait, je l’ignore. Il doit y avoir un je ne sais quoi qui monte de la terre. Les Gaulois eux-mêmes venaient d’Europe centrale : nous sommes tous des immigrés, et tels que César nous a vus. Propos d’un ami anglais interrogé sur la vieille rivalité de nos deux peuples8. « Rivalité… Non, ce n’est pas cela. Les rivaux, ce seraient plutôt les Allemands. Vous, c’est autre chose. Vous êtes… (il cherchait un mot. Long silence british, puis 🙂 vous avez eu votre Grand Siècle. L’Europe vous a admirés, elle s’est mise à parler français, à lire Rousseau, Voltaire, vos prophètes humanitaires et pacifistes. Sur quoi vous êtes devenus les plus forts, et qu’avez-vous fait ? Vous avez conquis l’Europe par les armes, vous avez voulu détruire l’Angleterre, vous avez pris Moscou, vous l’avez regardé brûler, Voltaire et Rousseau dans vos gibecières. Maintenant vous êtes pacifiques, mais supposez que vous soyez devenus le Japon de l’Occident, que vous ayez sa puissance, en useriez-vous avec la même modération ? Le savez-vous vous-mêmes ? Remerciez Dieu de n’avoir pas la puissance japonaise. « France mère des arts, des armes et des lois »9 : nous avons tous appris ce beau poème, il est dans toutes nos anthologies de la poésie française, dans celle de Cambridge. Les lois, les arts, très bien. Mais les armes ? Vous êtes ingénieux, toujours quelqu’idée en tête, on ne s’ennuie pas avec vous. Mais on ne sait jamais ce que vous allez inventer. Alors, nous qui avons la vieille manie de vouloir rester Anglais, nous nous méfions. Le tunnel sous la Manche, je suis contre.10 » Vieilles vérités, hélas. À quoi tout Français pourra bien entendu opposer un tableau de l’impérialisme anglais. Ne nous égarons pas : c’est la Révolution française que l’on va célébrer, sans bien savoir ce qu’on doit penser de ses suites. Dieu seul sait ce qu’eût été l’histoire, différemment orientée. Les physiciens ont un mot pour parler de ce qui ne se passe qu’une fois, c’est-à-dire tout : contrafactualité. Tout fait ne deviendrait réellement compréhensible que comparé au contrefait qui ne s’est pas produit. Dans notre longue histoire, tout et son contraire semble s’être produit, sans rien changer. Et ce n’est pas fini… Aimé MICHEL Chronique n° 446 parue dans F.C. – N ° 2143 – 12 février 1988 Capture_d_e_cran_2014-11-10_a_12-28-10.png
Notes de Jean-Pierre ROSPARS du 23 juillet 2018

 

  1. Cette curieuse relation inversée entre cote de popularité et exercice du pouvoir se trouve bien vérifiée par les deux septennats de François Mitterrand et les deux mandats de Jacques Chirac (et le retour actuel de François Hollande sur la scène médiatique pourrait également l’illustrer). Les trois cohabitations dont ces présidences sont émaillées sont autant de bancs d’essai qui permettent de comparer les périodes de présidence actives et passives d’hommes de bords politiques opposés. Même si les pourcentages suivants, qui proviennent de la Sofres (https://www.tns-sofres.com/cotes-de-popularites), sont à prendre avec prudence, les tendances qu’ils indiquent ne sont guère douteuses. La popularité de F. Mitterrand, avec 74% d’opinions favorables, est exceptionnelle après son élection de mai 1981 mais elle décroit régulièrement par la suite jusqu’à tomber à 36% en janvier 1985. Même si elle remonte à 46% en mars 1986, elle ne lui évite pas une première cohabitation avec J. Chirac. Aussitôt après, sa cote commence à remonter, atteint 60% en octobre 1986 et reste stable à ce niveau jusqu’en mars 1988. Reconduit dans ses fonctions de président, sa cote de confiance demeure alors en moyenne autour de 55%, quoiqu’avec des fluctuations assez amples entre 45 et 65%, avant de chuter irrémédiablement à partir de mai 1991. Elle tombe à 30% en décembre 1991, semble vouloir remonter mais retombe à 30% en mars 1993. C’est le début de la seconde cohabitation avec cette fois Édouard Balladur comme premier ministre. Et le cycle recommence : la confiance envers le président remonte jusque vers 40% en octobre 1993 et s’y maintient jusqu’en mars 1995. Jacques Chirac l’emporte aux présidentielles de juin 1995 soutenu par 64% de l’opinion mais sa cote s’effondre très vite à 35% au début de 1996 et même 32% à la fin de l’année. La dissolution de l’Assemblée Nationale, qu’il décide en avril 1997, est un échec qui le conduit à nommer Lionel Jospin à la tête du gouvernement. Dès le début de cette troisième cohabitation, sa cote remonte régulièrement et atteint même plus de 60% en mai 1999 ! Bien qu’elle amorce alors un lent déclin, elle se maintient tout de même aux environs de 50% jusqu’en mai 2002. Réélu aux élections présidentielles, il atteint un bref pic de popularité à 61% en avril 2003 mais ensuite c’est à nouveau la chute, cette fois rapide et régulière dont le creux est atteint en juillet 2006 avec seulement 16% d’opinion favorable. Sans surprise, il perd les élections de mai 2007 au bénéfice de Nicolas Sarkozy… Un sondage réalisé il y a trois ans indiquait que les deux présidents les plus populaires étaient Jacques Chirac (63% d’opinions positives) et François Mitterrand (61%), loin devant Giscard d’Estaing (57%) et Nicolas Sarkozy (39%).
  2. Le « petit père Queuille » a été de très nombreuses fois ministre et trois fois président du conseil entre 1948 et 1951. Quoi qu’il en soit de sa réputation de mollesse, que d’aucuns disent exagérée, il a été de nouveau question de lui il y a quelques années quand François Hollande l’a présenté comme un modèle à suivre (voir note 4 de la chronique n° 399).
  3. Ce mot, « C’est un terrible avantage… », figure dans le fameux Discours sur l’universalité de la langue française (1784), premier ouvrage important d’Antoine Rivarol. Il valut à son auteur un prix de l’Académie de Berlin qui en avait proposé le sujet. Souvent cité, il est parfois attribué à tort à d’autres personnages célèbres, comme Winston Churchill ou Salvador Dali !
  4. Il s’agit d’une libre interprétation de plusieurs passages de la Guerre des Gaules. Aimé Michel aimait faire référence à ce livre pour illustrer en plaisantant la permanence d’un certain esprit « français » à travers les siècles (voir les chroniques n° 407, 422 et 431). Idée plaisante dira-t-on en pensant à Astérix, mais sans fondement compte tenu des brassages de population et du temps passé depuis lors. Certes, le temps a pu faire son œuvre, mais quid des brassages de population ? Ce second point au moins mérite examen car, depuis quelques années, il fait partie des questions auxquelles on peut tenter de donner des réponses précises. En effet, le génome des hommes actuels conserve la trace des processus qui ont conduit à sa structure présente. Une comparaison soigneuse des génomes humains actuels permet donc de reconstituer, sur des périodes de temps plus ou moins longues, l’histoire des hommes, de leurs migrations et de leurs croisements. Il s’agit d’un domaine de recherche en pleine expansion favorisé par la baisse exponentielle du coût des analyses génomiques. S’intéresser aux Gaulois signifie se restreindre à une zone géographique limitée et à une période relativement récente (2000 ans, soit 1% de la durée de l’espèce humaine). Une étude traitant de cette période pour l’Europe entière publiée en 2013 dans PLoS Biology (11(5): e1001555) illustre bien les perspectives qu’offrent de telles analyses génomiques. Faite par deux chercheurs de l’université de Californie à Davis, elle montre que la plupart des ancêtres que les Français ont en commun avec les autres populations européennes vivaient il y a plus de 2500 ans, qu’il en va de même pour les Italiens et les Ibériques (Espagnols et Portugais) contre seulement 1500 ans pour les Européens du Sud-Est. Pour les auteurs cela signifie que la France, l’Italie et l’Ibérie auraient été les régions d’Europe continentale les moins touchées par les migrations des Slaves et des Huns et que les migrations de tribus germaniques (Goths, Ostrogoths,Vandales, etc.) y auraient entrainé un moindre remplacement de population que celles des Slaves ou des Huns dans le Sud-Est de l’Europe (à moins que les groupes germaniques aient été moins cohérents d’un point de vue généalogique). Une autre étude due à une vingtaine de chercheurs, principalement français (Nantes, Lille, etc.), parue dans l’European Journal of Human Genetics (23, 831-836, 2015), s’est intéressée quant à elle à la structure génétique fine de quinze départements de l’Ouest de la France (Bretagne, Anjou, Poitou, Maine et Basse Normandie). On y apprend qu’on peut discerner une ascendance liée aux Bretons et une autre liée aux Vendéens, que les Bretons ont une proximité génétique plus grande avec les Irlandais et plus faible avec les Espagnols et les Italiens que les autres habitants de l’Ouest, et que les régions du génome les plus spécifiques aux Bretons sont liées au gène de tolérance au lactose sur le chromosome 2 et au complexe HLA sur le chromosome 6 (régions pour lesquelles ils sont très proches des Irlandais). Faute d’indications temporelles (comme dans l’article californien), ces résultats sont difficiles à interpréter historiquement (par exemple, il serait intéressant de préciser l’impact de l’arrivée des Bretons en Armorique au IVe siècle, venus comme on le sait de l’actuelle Grande-Bretagne, ce qu’atteste la proximité linguistique du breton avec le défunt cornique et le gallois), mais suggèrent quand même une notable continuité génétique et culturelle. Revenons aux Gaulois. Désireux d’en savoir plus à leur sujet, j’ai recherché d’autres articles sur la structure génétique de la population française, sans succès, ce qui m’a surpris car on en trouve aisément pour d’autres pays. Les seules autres indications que j’ai trouvées proviennent du blog de Bernard Sécher (http://secher.bernard.free.fr/blog/), qui résume de nombreux travaux scientifiques dans ce domaine, dont celui d’une équipe de chercheurs de Lille, Brest et Bordeaux sur la structure génétique à petite échelle de la population française (leur article annoncé en 2015 n’est toujours pas publié). Cette étude montre l’existence de différences régionales mais la division en sept régions un peu arbitraires et l’absence de données temporelles ne permettent guère d’éclairer l’évolution historique de ces régions. Pourtant, un commentateur anonyme l’affirme sur ce même blog : « la France a toujours été un territoire culturellement assez unifié avec extrêmement peu d’immigration depuis au moins l’époque des Gaulois. (…) L’ethnie française, comme la plupart des autres ethnies européennes, s’est formée pour l’essentiel par une sélection complexe durant les âges des métaux, et n’a plus beaucoup changé depuis, si ce n’est des changements de culture et des modifications d’extension géographique par les événements historiques. » Il ajoute même : « Il y a une allure très française qu’on apprend vite à reconnaitre quand on voyage dans les pays voisins ou qu’on vient d’ailleurs, à partir du moment où on sait observer les gens, il y a comme une douceur des traits chez les Français, une forme particulière de légèreté, déclinée de mille façons, moi qui suis Flamand je perçois très bien la différence par rapport aux Flamands, Néerlandais et Anglais, par exemple. » Remarques intéressantes qu’Aimé Michel n’aurait sans doute pas reniées mais qui restent à confirmer par des méthodes objectives.
  5. Le propos n’a rien perdu de son actualité. On vante périodiquement la bonne santé financière, en l’absence de toute publicité, du Canard enchaîné qui contraste avec les difficultés des quotidiens. Sait-on que le quotidien (payant) de plus fort tirage est Ouest-France (671 200 exemplaires en 2017), un journal régional, loin devant Le Figaro (307 900), Le Monde (284 700) et Sud-Ouest (237 400). Cependant, tous les titres régionaux ou presque sont en régression alors que les quatre premiers titres nationaux sont en progression. Et tous sont devancés par les quotidiens gratuits, 20 minutes et Cnews (plus de 900 000 chacun). (Voir le site http://www.acpm.fr/Chiffres/Diffusion/). Aimé Michel avait des admirateurs au Canard (voir aussi à ce propos la note 3 de la chronique n° 148). Je me souviens d’une visite à la librairie internationale des Presses Universitaires de France qui le confirme (cette librairie aujourd’hui disparue, comme bien d’autres, se trouvait, je crois, rue Soufflot près du Panthéon). Lors de cette visite, j’avais commandé l’un des volumes de l’histoire de la philosophie grecque de Guthrie (voir chronique précédente n° 444) en mentionnant qu’il était destiné à Aimé Michel, peut-être à cause du chèque qu’il m’avait confié. « Ah, Aimé Michel ! m’avait dit le vendeur en blouse grise. Avez-vous lu le dernier Canard enchainé ? – Non – Vous devriez ». Il m’avait alors laissé entendre sans me donner aucun détail qu’il contenait un article apparemment élogieux à son égard que je n’ai malheureusement pas eu l’occasion de lire par la suite.
  6. Il est également fait allusion à cette émission dans la chronique n° 427 (décembre 1986). De septembre 1981 à 1988, elle rassemblait chaque vendredi Roland Leroy (1926-), directeur du quotidien l’Humanité, Claude Estier (1925-2016), directeur politique de l’hebdomadaire socialiste l’Unité, Pierre Charpy (1919-1988) de la Lettre de la Nation, et Henri Amouroux (1920-2007), éditorialiste à Rhône-Alpes en alternance avec Jean d’Ormesson (1925-2017), éditorialiste au Figaro Magazine. Autant qu’il m’en souvienne, les réparties les mieux amenées et les plus cinglantes venaient de Jean d’Ormesson.
  7. Michel Ragon, né à Marseille en 1924 dans une famille paysanne d’origine vendéenne, travaille dès l’âge de 14 ans. Libertaire, autodidacte, il devient docteur d’État ès lettres à 50 ans. Il se fait connaître comme critique et historien de l’art et comme romancier ; il signe une trentaine d’ouvrages dans chaque catégorie. En 1984, il fait paraître le premier volume de sa Suite vendéenne : Les Mouchoirs rouges de Cholet, qui obtient de nombreux prix et rencontre un grand succès.
  8. Cet ami anglais est probablement le sinologue et diplomate polyglotte Gordon Creighton (1908-2003) dont il a été brièvement question dans la chronique n° 86 de mai 1972. À l’été 1941, alors qu’il se trouvait à l’ambassade du Royaume-Uni à Chungking, G. Creighton observa un disque blanc émettant au sommet une lumière brillante, bleuâtre et pénétrante, qui traversait le ciel à toute vitesse à l’extrémité ouest de la Chine, près des marches orientales du Tibet. Cette vision le frappa durablement puisque, par la suite, il contribua régulièrement à la Flying Saucer Review. Créée en 1955, cette revue fut pendant plusieurs années, de fin 1964 à fin 1982, sous la direction de Charles Bowen, le principal périodique sur le sujet controversé des ovnis. Pendant cette période G. Creighton traduisit notamment les nombreux articles qu’Aimé Michel publia dans la FSR. Il en devint le Rédacteur-en-chef en janvier 1983 lorsque la maladie força C. Bowen à se retirer. La revue connut ensuite un long déclin qui s’explique par la diminution parallèle du nombre d’observations intrigantes et de la qualité des articles publiés.
  9. Joachim du Bellay, Les Regrets (1558). Sonnet écrit à Rome, ville qui le déçoit et lui donne le mal du pays. France, mère des arts, des armes et des lois, Tu m’as nourri longtemps du lait de ta mamelle : Ores, comme un agneau qui sa nourrice appelle, Je remplis de ton nom les antres et les bois. Si tu m’as pour enfant avoué quelquefois, Que ne me réponds-tu maintenant, ô cruelle ? France, France, réponds à ma triste querelle. Mais nul, sinon Écho, ne répond à ma voix. Entre les loups cruels j’erre parmi la plaine, Je sens venir l’hiver, de qui la froide haleine D’une tremblante horreur fait hérisser ma peau. Las, tes autres agneaux n’ont faute de pâture, Ils ne craignent le loup, le vent ni la froidure : Si ne suis-je pourtant le pire du troupeau.
  10. Au moment où cette chronique est publiée (février 1988), le forage du tunnel sous la Manche, commencé en décembre 1987 du côté anglais, vient juste de débuter du côté français. Ce chantier, l’un des plus grands et des plus symboliques du XXe siècle, aboutissement de près de deux siècles de réflexions et de tractations, mérite bien un bref éloge au passage. Un premier projet proposé en 1867, approuvé par Alexandre III et la reine Victoria, échoue en 1882 à cause de l’opposition de la Royal Navy après creusement de moins de deux kilomètres de galeries des deux côtés de la Manche. Suite à la levée des obstacles militaires par Churchill en 1955, un nouveau projet voit le jour et les travaux commencent en 1973 mais sont à nouveau abandonnés deux ans plus tard, pour des raisons économiques et politiques cette fois (on est en plein choc pétrolier et le gouvernement travailliste au pouvoir depuis octobre 1974 n’est pas favorable au projet). Le rapprochement du Royaume-Uni de la Communauté Économique Européenne et la forte augmentation du trafic transmanche relancent le projet en 1981. Encouragés par une étude concluant à la rentabilité du projet, les gouvernements britannique et français donnent leur accord en novembre 1984, à condition que sa réalisation soit intégralement à la charge du secteur privé, sans aucune garantie financière des États. Le traité fixant les engagements des deux États ainsi que les droits et devoirs des concessionnaires du futur tunnel est signé en 1987. Dix grandes entreprises de génie civil, cinq britanniques et cinq françaises, de nombreux sous-traitants (surtout pour le matériel ferroviaire) et un consortium international de plus de deux-cents banques interviennent dans la réalisation de l’ouvrage. Le percement des deux galeries principales de part et d’autre du tunnel central de service, de 50 km de long dont 38 sous la mer (ce qui en fait le plus long tunnel sous-marin au monde), est achevé le 28 juin 1991. À ce moment-là, au pic des travaux, 5 600 personnes travaillent sur le chantier. Le 6 mai 1994, la reine Elisabeth II et le président François Mitterrand inaugurent le tunnel. Les trains de marchandises et les navettes transportant les poids-lourds commencent immédiatement à circuler, suivis six mois plus tard par l’Eurostar et les navettes transportant les voitures. Néanmoins les débuts du tunnel sont difficiles : en raison du retard d’un an de la mise en service et d’une facture presque deux fois plus élevées que prévu (88 milliards de francs au lieu de 48), la société Eurotunnel doit gérer une dette de 9 milliards d’euros, soit dix fois son chiffre d’affaires et, en 2005, annonce sa faillite pour 2007 si rien n’est fait. La réduction de moitié de la dette, suite à une renégociation avec les actionnaires, permet à Eurotunnel de renouer avec les bénéfices quelques années plus tard. À cinq reprises entre 1996 et 2015 le trafic doit être interrompu, dont trois en raison d’incendie de poids-lourds, mais les mesures de sécurité prises évitent que ces incidents tournent à la catastrophe. En outre, en 2010, quatre stations de près de 900 m de long chacune sont créées pour éteindre les incendies de navettes transportant les camions, la plus grande partie du trafic de marchandises étant effectué de cette façon.