Maurice Clavel - France Catholique

Maurice Clavel

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Une fidèle auditrice de Radio Notre-Dame m’écrit pour me rappeler que ce lundi 23 avril est le jour anniversaire de la mort de Maurice Clavel (décédé le 23 avril 1979) et qu’elle aimerait que j’évoque sa mémoire à cette occasion. Il est vrai que cet anniversaire particulier, à la veille du cinquantenaire de l’événement Mai 68, reçoit une signification forte1. Mais qui se souvient encore de cet extraordinaire personnage qu’était Maurice Clavel ?

J’interroge autour de moi et bien au-delà, on me répond qu’il est oublié, y compris dans le monde universitaire, qui devrait être pourtant sensible au rôle intellectuel de premier plan qu’il a joué longtemps. N’avait-il pas accompagné, juste après la guerre, Jean Vilar pour la création du Festival d’Avignon ? Il fut par la suite un brillant journaliste dont les articles dans Combat et Le Nouvel Observateur étaient lus et commentés à la mesure de leur fougue et de son rayonnement.

Au milieu de la décennie 60 il arriva pourtant une épreuve pénible dans la vie de Clavel. Il fut littéralement abattu par une dépression nerveuse, que les médications classiques se révélèrent impuissantes à juguler. En fait, cette épreuve était de nature spirituelle. Il l’expliquera plus tard dans un très grand Ce que je crois. Ce genre de maladie ne se guérit pas à force de bouillons et de tisanes. Un spirituel du XVIIe siècle l’avait déjà dit. En fait, il y avait quelqu’un qui frappait comme un sourd pour demander l’entrée. Ce Dieu était celui qui sonde les reins et les cœurs, celui qui remue les entrailles. Clavel comprit la Bible à la lettre. Et il ne se convertit pas dans une sorte d’effusion mystique mais comme à la suite d’un récurage intérieur impitoyable, qui fait tomber tous les faux-semblants et abolit toutes les idoles.

Quelques années plus tard, Maurice Clavel allait interpréter l’événement Mai 68 à l’image de la crise qu’il avait vécue. Il s’agissait, pour lui, de l’entrée en convulsion d’une société qui avait perdu ses raisons de vivre, avec des idéologies moribondes et des nouvelles générations en rupture d’héritage. Qu’allait-il résulter de cette convulsion ? Ce qui lui était arrivé à lui ? C’était une hypothèse, un souhait, mais pas une certitude. Dieu n’est pas ressuscité en Mai 68, mais toutes les questions qui ont été posées alors demeurent sans réponse. Et la principale concerne le sens de la vie, avec, comme le dit Rémi Brague, la possibilité pour l’homme de défendre sa propre légitimité à exister.

Clavel nous manque terriblement pour nous secouer et nous réveiller de nos torpeurs et de nos inexistences.

Chronique diffusée sur Radio Notre-Dame le 23 avril 2018.

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  1. J’y consacre d’ailleurs une importante partie dans l’essai que je viens de publier Sous les pavés, l’Esprit.