Les réseaux sociaux : un lieu de tentations et de grâce - France Catholique
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Les réseaux sociaux : un lieu de tentations et de grâce

Le Frère Paul-Adrien, véritable star sur les réseaux sociaux avec 96 000 abonnés sur YouTube, et la société de production SAJE organisent une soirée pour les influenceurs catholiques le 23 septembre. Entretien.

Frère Paul-Adrien

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Comment vous êtes-vous lancé sur les réseaux sociaux ?

Je me suis mis sur les réseaux sociaux un peu par hasard. C’est la providence je dirais. Au départ, je ne savais même pas que ça existait ! Je comptais faire de la prédication de rue et puis un jour je me suis lancé dans les vidéos, et il se trouve que j’avais manifestement plus de talent pour ce format que pour la guitare dans la rue. J’ai ensuite remarqué qu’Internet correspondait bien à mon charisme de prédicateur de frère dominicain. Le confinement a permis de me faire bien plus connaître et au vu des fruits qu’apportent les réseaux sociaux je pense que j’ai fait le bon choix.

Pourquoi cela vous semble important que les catholiques s’emparent des réseaux sociaux et soient présents Internet ?

C’est l’un des principaux lieux d’évangélisation. Vous avez les paroisses, les systèmes traditionnels etc. Mais il n’est pas rare de voir des personnes qui se convertissent grâce à l’action de catholiques sur les réseaux sociaux. Aujourd’hui, les gens ont comme premier réflexe d’aller chercher des réponses sur YouTube ou sur les réseaux sociaux lorsqu’ils se posent des questions. Donc il y a quelque chose de l’ordre du témoignage et de l’évangélisation dans ce domaine, comme pour marquer notre présence. Si ce ne sont pas nous, catholiques, qui sommes là, d’autres seront à notre place. Si nous ne sommes pas présents, l’Évangile que nous prêchons ne le sera pas non plus.

Vous parlez de conversions. En avez-vous eu grâce à votre chaîne ?

Pendant le carême, qui était une période phare, j’avais deux demandes par jour de conversion. Ce sont des demandes sur Internet donc ce n’est pas la même chose que quelqu’un qui vient vous voir physiquement pour dire « je vais devenir chrétien ». Mais cela veut dire que deux personnes par jour souhaitaient en savoir plus sur Jésus, le christianisme, l’Église catholique etc.

Les enjoignez-vous à rejoindre une paroisse près de chez eux ?

C’est un peu trop rapide d’envoyer des gens vers des paroisses. Je pourrais leur faire peur, sachant que le tissu paroissial est en train de s’effondrer donc je ne peux pas les envoyer n’importe où. C’est une autre grande question de l’évangélisation. Nous avons notre fonctionnement. J’ai fait une vidéo YouTube de sept minutes où je donne mes conseils pour le chemin de conversion. Ceux qui sont motivés, qui ont besoin de réponses à leurs questions, rejoignent la communauté sur la plateforme Discord. Un parrain ou une marraine assure ensuite le suivi. C’est comme si Discord faisait office de filet où les plus motivés sont finalement amenés à rejoindre une paroisse.

En tant que Dominicain, comment gère-t-on cette vie virtuelle ?

C’est sûr que c’est très encombrant, mais la vie dominicaine est faite pour ça. C’est un ordre apostolique consacré à la prédication, donc le temps que je passe sur les écrans à répondre est considéré comme faisant partie intégrante de ma vie religieuse. Pour moi, c’est une discipline et une ascèse. À force d’être tout le temps sur les écrans on finit avoir une attention fracturée, ce qui rend la concentration parfois difficile lorsque je prie. C’est le principal problème. On est toujours à gauche et à droite donc il faut arriver à prendre du temps pour soi et pour les Frères, qui me font confiance. C’est un charisme particulier de la vie dominicaine, qui est un ordre de prêcheurs. Je pense que je peux dire que je suis plus dominicain qu’avant, depuis que je suis sur les réseaux sociaux. C’est à dire que là j’ai vraiment l’impression d’être en plein dans mon charisme.

Donc pour vous les réseaux sociaux ne sont pas une œuvre du démon…

C’est tout simplement le monde dans lequel on vit. Les étudiants ou les jeunes pros passent plusieurs heures par jour sur les réseaux sociaux donc c’est comme tout : quand on en abuse, il y a des mauvaises choses, c’est-à-dire des tentations et de l’addiction. Mais par exemple, quand je fais un chapelet en ligne sur Instagram, il arrive des miracles, et quand je fais des vidéos pour parler de Jésus, des gens se convertissent. Ce n’est pas diabolique : c’est juste la vie. Il y a un vrai combat spirituel, peut-être même un combat religieux sur Internet. C’est un lieu de tentation et aussi un lieu de grâce, un peu comme le désert est un lieu démoniaque mais aussi celui où le Christ est venu. Faire de la prédication, ça ne s’improvise pas, c’est une discipline. Personnellement, j’ai déjà huit ans de pastorale scolaire dans les pattes, donc j’ai fait mes classes en enseignant le catéchisme, en faisant mon noviciat etc. Donc il y a aussi un moment donné où il faut se jeter à l’eau parce que normalement on est censé être formé à ce genre d’exercice.

Vous parlez de miracles. Pouvez-vous nous en dire plus ?

J’ai eu par exemple une mère de famille qui m’a demandé de prier pour son enfant, qui a guéri le lendemain. C’était une maladie très grave. La grâce de Dieu passe par les réseaux sociaux. On a même des gens qui nous contactent parce qu’ils sont dans un pays arabe et qu’ils ne savent pas vers qui se tourner. Il faut croire que pour eux c’est un lieu de liberté, et un lieu où certaines personnes en froid avec l’Église peuvent garder un contact avec elle. C’est comme une paroisse virtuelle où il est plus facile de vaincre sa timidité, ses peurs. On a tendance à sous-estimer l’impact des réseaux sociaux. D’ailleurs, on a une grande différence avec la télévision, où vous n’êtes pas maître de ce que vous dites puisqu’on peut vous couper au montage. Sur Internet, vous êtes maître de votre image. L’Église a une chance de pouvoir à nouveau maîtriser l’image qu’elle veut donner sur Internet.

On a vu sur les réseaux sociaux un problème d’image de l’Église, notamment avec le Père Matthieu qui ne respectait pas certains enseignements de l’Église…

Toute la difficulté qu’il y a derrière c’est qu’il faut surveiller sans surveiller, c’est-à-dire laisser les gens libres pour qu’ils puissent exprimer leur originalité propre et leur créativité propre. Il faut que votre communauté puisse se retrouver dans ce que vous dites. Par exemple, toutes les vidéos que je fais, à priori je suis capable de les montrer à mes frères. Ils vont être d’accord ou pas mais je fais toujours très attention. L’avantage qu’on a, c’est que dans la vie religieuse, tout se fait de manière naturelle. Si jamais je fais des vidéos où je dénature le message de l’Évangile, ce qui est toujours un risque, parce qu’il peut y avoir des maladresses, je sais que ça va finir par se savoir. Le problème du Père Matthieu vient plus du côté du clergé diocésain qui, peut-être, n’est pas très regardant.