Les mystères de Tibhirine - France Catholique
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Van Eyxk, l'art de la dévotion
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Les mystères de Tibhirine

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Le film Des hommes et des dieux sort en salle le 8 septembre et tout le monde a déjà entendu parler de cette réalisation de Xavier Beauvois avec, entre autres, Lambert Wilson et Michael Lonsdale, ne serait-ce que parce qu’il a obtenu le Grand Prix du Festival de Cannes cette année. On sait qu’il reprend, avec les libertés qu’autorise le genre, la vie du groupe de cisterciens assassinés en Algérie en 1996 dans des conditions qui demeurent encore entourées de nombreuses incertitudes, notamment en ce qui concerne les responsables de la tragédie.

Le Figaro Magazine du 28 août est revenu sur un sujet qu’il a déjà traité à plusieurs reprises. S’y ajoutent deux ouvrages — en fait des rééditions, dont la première revue — qui aident à saisir la complexité de la situation : Passion pour l’Algérie. Les moines de Tibhirine, de l’historien américain John Kiser, et Tibhirine. Une espérance à perte de vie, du biographe français Jean-Luc Barré. Certes on y trouve parfois une volonté un peu trop appuyée de ne pas en faire des martyrs chrétiens mais de les situer dans la perspective d’une fraternité universelle où on ne chercherait pas à convertir. Mais on sait que, à l’intérieur même de l’Église catholique et jusqu’au sein de l’ordre cistercien, les approches n’ont pas été identiques sur les divers aspects de ce septuple crime.

En réalité, les mystères de Tibhirine ressortent de deux ordres, le religieux et le politique. En ce qui concerne le premier, peut-on savoir si la volonté des moines de rester dans le pays malgré les menaces constantes et les pièges sournois a contribué à faire connaître le christianisme, pratiqué sereinement mais ouvertement, comme une religion d’amour allant au-delà des clivages ? En se rappelant, par ailleurs, que le prieur Christian de Chergé avait été officier dans une section administrative spéciale durant la guerre d’Algérie — c’est-à-dire dans une des 600 zones de pacification rurale mettant l’armée au contact de la population —, on se trouve plus que tenté de répondre oui. Il faut aussi tenir compte du décès du cardinal Duval, « crucifié », selon ses propres termes, par l’annonce de leur assassinat, qui a semblé marquer la fin d’une époque.

Pour ce qui concerne les commanditaires et les exécutants de leur décapitation, on en reste forcément aux hypothèses. Même si le Gia — Groupe islamique armé — l’a revendiquée, il ne faut exclure ni une manipulation par certains services algériens, ni une action récupérée après coup, ni une bavure de l’armée algérienne, sans oublier les interférences françaises. Les demi-révélations qui se succèdent depuis bientôt quinze ans s’ajoutent à la complexité des relations franco-algériennes et à l’instrumentalisation de l’islam par divers responsables politiques et religieux.

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John Kiser, Passion pour l’Algérie. Les moines de Tibhirine, Paris, Nouvelle Cité, 2010 [1re édition : 2006], 480 pages
Jean-Luc Barré, Tibhirine. Une espérance à perte de vie, Paris, Fayard, 2010 [1re édition : Stock, 1997, sous le titre Algérie, l’espoir fraternel], 168 pages