La messe dans Notre-Dame dévastée - France Catholique
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Van Eyxk, l'art de la dévotion
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La messe dans Notre-Dame dévastée

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© Michel Pourny

Donc, deux mois après le terrible incendie du 15 avril, l’archevêque de Paris va pouvoir célébrer une messe dans sa cathédrale dévastée. La date a été choisie en fonction de la fête de la dédicace de Notre-Dame fixée par le calendrier liturgique au 16 juin. Ce choix est hautement significatif, car le grand vaisseau n’a été construit dans sa magnificence que pour accueillir dans son écrin la manifestation sensible, sacramentelle, du mystère chrétien. Depuis le drame, Mgr Aupetit n’a cessé de l’affirmer. Notre-Dame n’a de sens qu’à accueillir le morceau de pain qui devient, par un insigne miracle, le corps du Christ. Sans aucun doute, seule la foi permet d’accéder à sa vérité, à sa réalité. Saint Thomas d’Aquin l’exprimait dans un poème d’une densité inégalable : « Le Verbe fait chair, par son verbe, fait de sa chair le vrai pain ; le sang du Christ devient boisson ; nos sens étant limités, c’est la foi seule qui suffit pour affermir les cœurs sincères. (…) Que la foi vienne suppléer aux faiblesses de nos sens ! »

Sans doute, le même mystère peut-il être célébré dans la plus humble chapelle et même dans une maison particulière ou encore en plein air. Mais à l’encontre d’une forte tentation iconoclaste, le christianisme orthodoxe n’a cessé de susciter un art sacré, qui, de siècle en siècle, a accumulé un trésor de civilisation incomparable. La religion de l’incarnation s’exprime par des signes sensibles, où la beauté rayonne de la gloire qu’elle manifeste. Un grand théologien contemporain en a fait le point de départ de sa réflexion en associant la gloire et la croix. Le père Bernard Bro était dans le même sillage, lorsqu’en reprenant le mot de Dostoïevski « la beauté sauvera le monde », il montrait quelle pédagogie pouvait recéler le témoignage de l’art chrétien.

Célébrer à nouveau la messe à Notre-Dame, c’est signifier la plénitude de ce grand vaisseau dans sa vocation et révéler au monde le véritable secret de son rayonnement. Car il y a aujourd’hui non pas une tentation iconoclaste mais une tentation réductrice et manipulatrice. Je crains les projets qui consistent à transformer l’île de la Cité en une sorte de Disneyland supérieur pour attirer le touriste. Si le touriste est attiré par la cathédrale, tant mieux, mais ce n’est pas le respecter que d’en faire un visiteur inapte à comprendre le secret de Notre-Dame.

Chronique diffusée sur Radio Notre-Dame le 13 juin 2019.