La messe au cœur de la réforme - France Catholique
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Van Eyxk, l'art de la dévotion
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La messe au cœur de la réforme

Loin des clichés, le célèbre concile (1545-1563), convoqué par le pape Paul III, s’est appuyé sur trois socles : les séminaires, le bréviaire et la liturgie.

Concile de Trente

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Une session du concile, musée du château du Bon-Conseil, Trente.

Une session du concile, musée du château du Bon-Conseil, Trente.

© laurom / CC by-sa

Beaucoup de caricatures sont associées au concile de Trente, souvent présenté comme une réaction primaire contre les thèses de Luther et un durcissement catholique. Son histoire est elle-même très complexe car inscrite au cœur des guerres entre le royaume de France et l’Empire, notamment entre François Ier et Charles Quint. Ses trois séances s’étalent sur dix-huit ans et sur vingt-cinq sessions, avec des représentations épiscopales parfois très réduites au départ. Pourtant, malgré ces circonstances très compliquées, les fruits furent nombreux et permirent à l’Église de connaître un âge d’or.

L’œuvre des Pères conciliaires fut à la fois dogmatique et disciplinaire. Dogmatique pour répondre aux remises en question et aux déviances de Luther ; disciplinaire pour redonner à l’Église un élan rendu nécessaire aussi par la découverte du Nouveau Monde et l’élargissement de l’évangélisation. Le vœu de ce concile fut d’ailleurs de sauver l’unité chrétienne, mais cela ne put se produire. Aussi l’attention fut-elle focalisée, à partir de Jules III, sur une définition claire des dogmes mis en cause et sur la réforme du clergé.

Le séminaire, création tridentine

Concernant le disciplinaire, trois aspects essentiels sont notamment à retenir : le souci de la formation des prêtres, à la fois intellectuelle et spirituelle, d’où la création des séminaires – une totale nouveauté – ; l’élaboration d’un bréviaire romain commun à tous les prêtres séculiers, ceci facilité par l’imprimerie en pleine expansion ; et, troisième point, la refonte d’un missel romain, lui aussi commun, pour mettre en valeur le sacrifice de la messe. Le disciplinaire est donc là pour soutenir le dogmatique et lui faire porter des fruits au-delà des définitions théologiques.

Certains s’étonnent de découvrir que le séminaire est une création tridentine. Auparavant, la formation des clercs était à plusieurs vitesses : dans les universités pour les plus éléments les plus doués, ou bien auprès de curés ayant de la bouteille et reconnus comme sages pour le « bas » clergé. Les insuffisances théologiques de beaucoup favorisèrent la rapide circulation des hérésies, tant dans le milieu humaniste cultivé que parmi les prêtres moins structurés. Le but fut de réunir sous un même toit des étudiants et des prêtres professeurs, afin de vérifier les étapes de la formation et de donner une ossature ascétique et spirituelle. Les petits séminaires virent aussi rapidement le jour car il fallut d’abord donner les rudiments de latin, de lecture, de rhétorique aux futurs candidats pour le sacerdoce. Saint Charles Borromée, archevêque de Milan, à l’origine du Catéchisme du concile de Trente en 1556, sera le premier à fonder une telle institution en 1564.

La France fut en retard à mettre en application les réformes, à cause des guerres de Religion. Il faut attendre l’élan donné par saint Vincent de Paul en 1633 pour que les premiers séminaires ouvrent sous son impulsion, et celle de Monsieur Jean-Jacques Olier et du cardinal de Bérulle. Face à la liberté intellectuelle et aux disputes de l’Université, le séminaire permit d’instaurer un cadre propice à une formation philosophique et théologique des futurs clercs à l’écart des tempêtes. Une unité plus grande du corps presbytéral fut ainsi construite.

Le bréviaire étendu aux clercs

Si le bréviaire n’est pas une création tridentine, il revient à ce concile de l’avoir étendu à tout le clergé séculier, jusque-là très pauvre pour sa prière personnelle en lien avec celle de l’Église. Apparu au IVe ou au Ve siècle d’abord comme un usage du psautier dans les ordres monastiques, son usage s’étendit ensuite aux ordres mendiants. L’office ne se récita donc plus uniquement en commun et dans des stalles, mais en toute occasion. Saint Pie V publia donc un bréviaire maniable en 1568, non point en inventant ou en demandant à une commission de créer un texte ex nihilo, mais en utilisant ce qui existait déjà, conservant aux bréviaires des ordres religieux vieux de plus de deux cents ans la possibilité d’être utilisés. Cette unification dans une seule manière de prier au sein du clergé séculier, copiée sur le modèle monastique, permit à des générations de prêtres de se nourrir des Saintes Écritures et de louer Dieu d’une voix unanime.

Le Missel de saint Pie V

Élément encore plus essentiel, l’édition du Missel romain par saint Pie V en 1570, redonnera au sacrifice et au culte eucharistiques toute leur profondeur. Il n’est pas juste de parler de « messe de saint Pie V » ou de « messe tridentine », tout simplement parce que, là encore, le Souverain pontife ne se permit pas de créer ou de procéder à de l’archéologisme. Il unifia ce qui existait déjà, pour les principales parties, depuis le Ve siècle, mélange harmonieux de liturgie romaine puis franque. Il révisa et écarta ce qui, dans les multiples pratiques particulières, pouvait être aussi une porte ouverte vers des dérives et des hérésies.

Comme pour le bréviaire, il rendit ce Missel obligatoire pour toutes les Églises qui ne pouvaient pas prouver une ancienneté d’au moins deux siècles, ce qui fait que de nombreux rites propres subsistèrent, même si bien des évêques et des communautés religieuses préférèrent choisir ce Missel romain. En plus des textes liturgiques, les rubriques furent décrites, conduisant à une harmonisation du rite dans toute l’Église et faisant croître aussi la dévotion personnelle des célébrants, ceci pour lutter contre les sacrilèges et les attaques des hérétiques. En reprenant les livres anciens des siècles précédents, il apparaît aussitôt que le souci pontifical fut la continuité et non point la rupture, mais l’unité pour l’harmonie de la foi et de sa pratique.

Ces fruits du concile de Trente furent à l’origine d’une floraison de fondations, de missions, de productions intellectuelles et artistiques car ils inspirèrent et abreuvèrent des générations de baptisés et de clercs. Seule la continuité peut être aussi fertile, tandis que les ruptures sont stériles et sources de divisions.