La foi des pieds-noirs - France Catholique

La foi des pieds-noirs

Ce roman historique retrace les origines des pieds-noirs en Algérie. La documentation de base est solide, les personnages vivants, l’ambiance de l'époque bien reconstituée. Pour mieux comprendre une histoire troublée.

Histoire

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Oran (Algérie), vers 1920. Au premier plan, à gauche, tour-clocher (1873) et chapelle de 1851 de Notre-dame du Salut à Santa-Cruz.

Oran (Algérie), vers 1920. Au premier plan, à gauche, tour-clocher (1873) et chapelle de 1851 de Notre-dame du Salut à Santa-Cruz.

CC by-sa : Tmouchentois

Nous sommes en 1848, la France en est Ă  sa troisième rĂ©volution, rĂ©primĂ©e dans le sang. La toute neuve Deuxième RĂ©publique, dont Lamartine se verrait bien prĂ©sident, a Ă©chouĂ© Ă  rĂ©gler le problème du chĂ´mage au moyen des Ateliers nationaux. Germe l’idĂ©e d’utiliser Ă  cette fin le cadeau que Charles X a laissĂ© Ă  la France, quelques mois avant de fuir devant l’émeute : l’AlgĂ©rie Ă  coloniser. « Une belle entourloupe » Au prolĂ©tariat de Paris, très dĂ©christianisĂ© – artisans sans clientèle, fils de paysans attirĂ©s par la grande ville – on fait miroiter une bonne terre, largement vacante, du blĂ©, des bananiers et des orangers faciles Ă  cultiver, de belles maisons Ă  l’ombre des palmiers. Nombreux sont les candidats au dĂ©part, y compris des bourgeois qui espèrent monter des affaires dans ce pays neuf. Inutile de dire que la dĂ©ception est Ă  l’arrivĂ©e. Dans ce roman historique très bien documentĂ© et très vivant, Michèle Perret, nĂ©e en AlgĂ©rie et professeur d’universitĂ© honoraire, a voulu rendre hommage Ă  ces « pauvres bougres » qui ont Ă©tĂ© victimes « d’une belle entourloupe ». Après trois semaines Ă  naviguer sur les canaux et sur le RhĂ´ne, de Paris Ă  Marseille, ils ne trouvent pour les accueillir, dans la rĂ©gion d’Oran, qu’une petite garnison, quelques baraquements et un « village de Saint-Cloud » Ă  construire de leurs mains. Tous sortent d’une sociĂ©tĂ© coupĂ©e en deux oĂą les idĂ©es antireligieuses et anticlĂ©ricales se rĂ©pandent, mais oĂą le sang des martyrs de la grande RĂ©volution a Ă©tĂ© semence de chrĂ©tiens. Les sĂ©minaires sont pleins, et surgit toute une floraison de congrĂ©gations religieuses. La plupart des Ă©migrants ne croient qu’en ce qui peut assurer leur survie, quelques-uns sont anarchistes, « sans Dieu ni maĂ®tre ». Le bourgeois Machicoine ne pense qu’à ses affaires mais sa femme est sincèrement pieuse. Sans le vouloir, ces incroyants apportent avec eux en AlgĂ©rie, non seulement les idĂ©es de la RĂ©publique, mais aussi quelques Ă©lĂ©ments de catholicisme. LĂ©onie, issue du sous-prolĂ©tariat le plus sordide, porte au cou une petite croix d’or. Au cours d’escales de la longue navigation fluviale, elle acquiert de la respectabilitĂ© en accompagnant Ă  la messe quelques-autres femmes qui, un autre jour, sont heureuses de recevoir des mains de religieuses venues accueillir les Ă©migrants, des Ă©lĂ©ments de layette pour leurs enfants. Ă€ l’arrivĂ©e, ils rencontrent de très fervents Espagnols, poussĂ©s comme eux Ă  l’émigration par la misère. On pourvoit d’une Ă©glise le village en construction, un curĂ© y est nommĂ©, et NoĂ«l y est joyeusement fĂŞtĂ©. Lors du premier anniversaire de l’installation des colons, la messe, outre les autres rĂ©jouissances, est de rigueur. Tout n’est pas toujours aussi rose. Peu d’eau, de la chaleur, aucune d’hygiène, le cholĂ©ra sĂ©vit Ă  Oran, et des processions demandent Ă  la Vierge la fin de l’épidĂ©mie. Mais elle gagne pourtant le village de Saint-Cloud, oĂą madame Machicoine se dĂ©voue Ă  soigner les malades, en meurt, et y gagne la rĂ©putation de « sainte ». Avec des « si »… Si le curĂ© avait Ă©tĂ© un autre Père de Foucauld… Si ses ouailles, attentives Ă  ses prĂ©dications et Ă  son exemple, s’étaient sanctifiĂ©es et Ă©taient devenues des modèles et des amis pour les indigènes du douar voisin ! Si la RĂ©publique n’avait pas empĂŞchĂ© les prĂŞtres de faire leur travail (baptĂŞmes de musulmans)…Si LĂ©onie, au lieu de s’enfuir au bras d’un sous-lieutenant, n’avait pas laissĂ© fusiller le malheureux Ahmed qui lui avait sauvĂ© la vie ! Ni la France ni l’AlgĂ©rie n’en seraient peut-ĂŞtre oĂą elles en sont. Mais on ne refait pas l’histoire…
—  premier-convoi.jpgMichèle Perret, Le premier convoi, Montpellier, octobre 2019, Ă©d. Chèvre-feuille Ă©toilĂ©e, 278 p. 15 €.