La Vendée par Soljenitsyne - France Catholique
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La Vendée par Soljenitsyne

Immense opposant au régime communiste d’Union soviétique, Alexandre Soljenitsyne prononça un discours mémorable sur la Révolution en 1993, aux Lucs-sur-Boulogne, lors de l’inauguration du Mémorial de la Vendée. Extraits.
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Armés de fourches, les paysans de la région de Tambov luttèrent contre l’Armée rouge.

Armés de fourches, les paysans de la région de Tambov luttèrent contre l’Armée rouge.

«Longtemps, on a refusé d’entendre et d’accepter ce qui avait été crié par la bouche de ceux qui périssaient, de ceux que l’on brûlait vifs, des paysans d’une contrée laborieuse pour lesquels la Révolution semblait avoir été faite et que cette même révolution opprima et humilia jusqu’à la dernière extrémité. […] C’est le XXe siècle qui a considérablement terni, aux yeux de l’humanité, l’auréole romantique qui entourait la révolution au XVIIIe siècle. De demi-siècles en siècles, les hommes ont fini par se convaincre, à partir de leur propre malheur, de ce que les révolutions détruisent le caractère organique de la société, qu’elles ruinent le cours naturel de la vie, qu’elles annihilent les meilleurs éléments de la population, en donnant libre champ aux pires. Aucune révolution ne peut enrichir un pays, tout juste quelques débrouillards sans scrupule sont causes de mort innombrables, d’une paupérisation étendue et, dans les cas les plus graves, d’une dégradation durable de la population. […] II faut savoir améliorer avec patience ce que nous offre chaque aujourd’hui. II serait bien vain d’espérer que la révolution puisse régénérer la nature humaine. C’est ce que votre révolution, et plus particulièrement la nôtre, la révolution russe, avaient tellement espéré. […]

Jusqu’à l’abîme de la perdition

La révolution russe, elle, n’a pas connu de Thermidor [la chute de Robespierre en juillet 1794, NDLR] qui ait su l’arrêter. Elle a entraîné notre peuple jusqu’au bout, jusqu’au gouffre, jusqu’à l’abîme de la perdition. […] De nombreux procédés cruels de la Révolution française ont été docilement appliqués sur le corps de la Russie par les communistes léniniens et par les socialistes internationalistes. Seuls leur degré d’organisation et leur caractère systématique ont largement dépassé ceux des jacobins.

Nous n’avons pas eu de Thermidor, mais — et nous pouvons en être fiers, en notre âme et conscience — nous avons eu notre Vendée. Et même plus d’une. Ce sont les grands soulèvements paysans, en 1920-1921. J’évoquerai seulement un épisode bien connu : ces foules de paysans, armés de bâtons et de fourches, qui ont marché sur Tambov, au son des cloches des églises avoisinantes, pour être fauchés par des mitrailleuses. Le soulèvement de Tambov s’est maintenu pendant onze mois, bien que les communistes, en le réprimant, aient employé des chars d’assaut, des trains blindés, des avions, aient pris en otages les familles des révoltés et aient été à deux doigts d’utiliser des gaz toxiques. Nous avons connu aussi une résistance farouche au bolchévisme chez les Cosaques de l’Oural, du Don, étouffés dans les torrents de sang. […]

Nous avons traversé ensemble avec vous le XXe siècle. De part en part un siècle de terreur, effroyable couronnement de ce progrès auquel on avait tant rêvé au XVIIIe siècle. Aujourd’hui, je le pense, les Français seront de plus en plus nombreux à mieux comprendre, à mieux estimer, à garder avec fierté dans leur mémoire la résistance et le sacrifice de la Vendée. »