L'aveuglement religieux en Europe – et ses conséquences - France Catholique

L’aveuglement religieux en Europe – et ses conséquences

L’aveuglement religieux en Europe – et ses conséquences

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La dramatique perte de la foi chrétienne en Europe est historiquement sans précédent. Même si certains pays se portent légèrement mieux que les autres, le continent dans son ensemble ne peut plus être décrit comme de civilisation chrétienne. Les causes de cette perte de foi sont nombreuses – et un peu mystérieuses. Les conséquences sont terriblement auto-destructrices.

Même la dernière horreur, la décapitation d’un prêtre de 85 ans en Normandie, et les révélations de tortures cruelles opérées sur les victimes du Bataclan à Paris en novembre (informations qui ont finalement fuité dans la presse 1) ne semblent pas avoir fait beaucoup grandir la compréhension de la nature de la menace.

L’aspect le plus surprenant de de cet effondrement radical du christianisme est peut-être le fait qu’il augmente plutôt que ralentir ou prendre le chemin inverse après deux guerres mondiales d’importance, surtout la seconde, qui ont dévasté nombre des pays européens.

Suite à ces horribles guerres, vous auriez pu attendre l’effet contraire ; qu’ayant vu et expérimenté les conséquences dévastatrices de l’idéologie sans Dieu qui a jeté toute l’Europe dans le conflit, la tendance aurait été de se tourner de nouveau vers Dieu comme la base de la civilisation.

Et pourtant, c’est l’inverse qui s’est produit. L’Europe est maintenant quasi sans Dieu, un continent presque totalement sécularisé, avec une dimension spirituelle réduite ou absente dans les différentes nations qui constituent l’Union Européenne.

Bien sûr, la perte de la foi au sein de ces peuples et la déchristianisation de leur culture et de leur vie publique ont pris naissance bien avant la Première Guerre Mondiale : dès les Lumières et la sécularisation totale des états européens et de la vie publique, qui a commencé avec la Révolution Française et s’est ensuite répandue à travers l’Europe.

Deux siècles d’éducation de plus en plus sécularisée et de déchristianisation ont produit leurs effets délétères antérieurement aux deux grandes guerres du 20e siècle. Ce n’est pas que l’Eglise ait failli à proclamer l’Evangile, c’est plutôt que les effets de cette sécularisation progressive ont fermé les esprits et les cœurs à la parole de Dieu.

Lorsque que le Christ a proclamé l’Evangile pour la première fois, il a rencontré une résistance, surtout parmi les élites : les autorités intellectuelles, religieuses et civiles.A cette époque, c’était dû à une forme intense de piété religieuse extérieure qui avait vidé de nombreuses âmes de leur réceptivité à la parole de Dieu. Jésus avait résumé succinctement le problème : ils regardent mais ne voient pas, ils entendent mais ne comprennent pas.

A notre époque, c’est également vrai, mais la cause est différente. La sécularisation a tué la réceptivité à la parole de Dieu, et même, de façon générale, à la religion.

Ce développement historique est bien plus nocif que la désunion et l’hostilité religieuse qui ont suivi la Réforme Protestante, car il laisse maintenant l’Europe en péril face à une grave menace pour la simple survie de sa culture et de son mode de vie, menace venant d’un ennemi héréditaire, la résurgence d’une forme militante et déterminée d’un Islam extrémiste recherchant avec ardeur la domination de ce continent autrefois chrétien.

Durant les mille ans de l’expansion islamique, le christianisme, et plus particulièrement l’Eglise Catholique, a joué un rôle dominant dans la défense de l’Europe. Avec la défense de Vienne en 1683 (par une armée catholique venue de Pologne), la menace islamique envers l’Europe fut jugulée jusque l’époque moderne. La version ottomane de cet effort millénaire des puissances islamiques pour conquérir l’Europe a effectivement pris fin. Mais cette menace renaît de nos jours sous une nouvelle forme, vaguement tenue ensemble par les moyens de communication moderne bien plus que par un empire bien défini. Mais la menace est très réelle et non moins périlleuse que dans les époques passées.

De fait, dans un sens, la menace est même plus périlleuse de nos jours pour deux raisons. D’abord, un aveuglement très répandu chez les Européens pris individuellement et chez leurs gouvernements quant à la nature précise et à la gravité de cette menace. Cela rappelle une parole de Jésus, « ayant des yeux, ils ne voient pas », et par là ils ne comprennent pas.

Etant devenus presque entièrement irréligieux, ils ne peuvent tout simplement pas comprendre ce qu’ils voient, ils ne peuvent pas comprendre la sorte de motivation religieuse qui se cache derrière les attaques terroristes, une conviction religieuse profonde qui croit à la guerre totale et au caractère inéluctable d’une domination mondiale. Voilà ce qui se trouve au cœur de cette menace existentielle de la civilisation européenne.

Deuxièmement, le plus grand péril découle de la décision des Européens de ne plus se reproduire. Là encore, ils semblent aveugles aux conséquences à venir de cet effondrement démographique. Aucune nation européenne n’atteint le seuil de remplacement, quand les naissances sont au moins égales aux décès. Et beaucoup d’entre elles sont largement en-dessous, et vont rapidement commencer à voir décroître leur population.

Une population qui décroît, avec conjointement les besoins croissants d’une population vieillissante et un état-nounou de la naissance à la tombe, entraîne inévitablement le recours à une immigration de masse pour maintenir les choses en l’état. Cette immigration devra forcément provenir principalement des pays musulmans, qui ont une courbe démographique inverse. Ces nouveaux immigrants continueront d’avoir plus d’enfants, et la conquête rien que par le nombre est inévitable. Le terrorisme actuel n’est que la première salve ; la victoire viendra finalement des urnes.

Les anciens Juifs, qui étaient aveugles à l’Evangile du Christ, n’étaient pas aveugles à la menace contre leur existence même venant d’un ennemi extérieur. Et ils n’étaient pas aveugles au point de décimer leur population en refusant d’avoir suffisamment d’enfants pour perpétuer et défendre leur civilisation. Le terrorisme quasi journalier que nous voyons maintenant est une menace sérieuse. Mais il semble que l’aveuglement des âmes causé par une sécularisation extrême est autrement sérieux.

Il est peut-être malheureusement trop tard pour l’Europe s’il n’est pas remédié rapidement à cet aveuglement religieux et à ces tendances démographiques. Prions et espérons qu’il ne soit pas également trop tard pour nous et que nous apprenions de l’Europe les terribles conséquences du refus de voir l’Evangile.


Le père Mark A. Pilon, prêtre du diocèse d’Arlington (Virginie) a obtenu un doctorat de théologie sacrée à l’université de la Sainte-Croix à Rome. Il a enseigné la théologie systématique au séminaire de Mount St Mary, a été collaborateur de rédaction au magazine Triumph et professeur à l’école supérieure de 3e cycle Notre Dame de Christendom College.

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Illustration : « le roi Jean III Sobieski envoyant un message de victoire au pape après la bataille de Vienne » par Jan Matejko, 1880 [musée national de Cracovie]

source : https://www.thecatholicthing.org/2016/07/27/religious-blindness-and-its-consequences-for-europe/

  1. Ndlt : elles ont été démenties par des proches de l’enquête pour qui les blessures causées par les explosions ont été interprétées à tort comme des actes de torture