L'amour désire connaître le bien-aimé. - France Catholique

L’amour désire connaître le bien-aimé.

L’amour désire connaître le bien-aimé.

Copier le lien

J’ai suggéré antérieurement sur ce site que ce que nous croyons — le contenu de la Foi — est important, non parce qu’il faut obtenir un examen de théologie pour gagner le ciel, mais parce que la Foi chrétienne est une réponse à une personne, et que l’amour, de par sa nature même, désire connaître le bien-aimé.

J’en ai eu un exemple instructif l’autre jour. Un ami professeur de philosophie lisait avec sa classe Le commentaire littéral de la Genèse, ouvrage de saint Augustin notoirement complexe, quand un des ses étudiants a demandé (dans le langage habituel aux étudiants) : « mouais, mais qu’est-ce que ça peut bien foutre ? »

A quoi mon ami a répliqué : « — Aimez-vous Dieu ? » « — Oui » a répondu l’étudiant, un peu interloqué. « — Eh bien, écoutez, a dit mon ami. un jour arrivera où vous aurez le bonheur de vous marier. Si ce jour arrive, vous pourriez vous retrouver en discussion avec votre femme, parce qu’elle aurait dit quelque chose et que vous auriez répondu : « Je ne comprends pas ». Alors, elle essaierait de s’expliquer, et vous diriez probablement quelque chose du genre : « Est-ce cela que tu veux dire ? », et elle : « Non, ce n’est pas du tout ce que je voulais dire ».

« Et là, a finalement dit mon ami à son étudiant, là, vous avez un choix à faire. Vous pouvez choisir de dire : « mouais, qu’est-ce que ça peut bien foutre ? » ou vous pouvez choisir de ne pas être idiot. Croyez-moi, c’est important. »

C’est pour des raisons comparables que Saint Augustin a essayé sans relâche -à quatre différentes reprises -d’écrire un bon commentaire littéral de la Genèse. Y parvenir avait vraiment de l’importance pour lui, indubitablement parce qu’il croyait que la Genèse était la Parole de Dieu, et ce que Dieu essayait de dire à travers ces mots faisait toute la différence. »
Ainsi donc, si comme catholiques nous croyons que l’Esprit Saint continue de nous enseigner par les paroles du Magistère de l’Eglise, alors nous devrions prendre garde à comprendre convenablement ces paroles.
Dans mon travail de professeur de théologie, je rencontre plein de gens qui ont ce que j’appelle des « pseudo-réponses » à l’enseignement de l’Eglise. Il y en a de plusieurs types.

Le premier type est fondé sur une ignorance complète. Quelqu’un vous dit : je suis en désaccord complet avec l’enseignement de l’Eglise sur X ! »
« Avez-vous lu l’un ou l’autre des documents traitant de cette question ? »
« Bien sûr que non, puisque je suis sûr d’être en désaccord. »

Vraiment ? Combien de fois avez-vous fait l’expérience de rencontrer quelqu’un qui a seulement entendu parler de vous, par des gens parlant dans votre dos ? « Je n’aime pas ce que vous dites et faites », vous déclarent-ils. Puis, après un bref échange, il apparaît que vous n’avez rien dit ni fait de ce qu’ils s’imaginaient. Ils ont haï une chimère, une illusion.
De même avec l’Eglise. Fréquemment, quand les gens me décrivent un enseignement de l’Eglise qu’ils détestent, j’ai à leur dire que l’Eglise n’enseigne pas ça du tout. J’ai eu des gens qui n’étaient pas catholiques, qui admettaient ne rien connaître du catholicisme, et qui soutenaient mordicus que l’Eglise avait dit X, Y ou Z quand elle n’en avait rien fait. Les préjugés ont la vie dure.

La seconde sorte de pseudo-réponse à l’enseignement de l’Église est basée sur une ignorance partielle et conduit la personne à tordre l’enseignement de l’Église dans une direction donnée.

L’Église enseigne que la propriété privée est un élément important de l’épanouissement humain.Ils entendent : l’Église enseigne que la propriété privée doit être protégée en toute circonstance. Non. L’Église enseigne la destination universelle des ressources nécessaires à l’homme. Oui. Ils comprennent : l’Église dit que les programmes d’état de redistribution des richesses sont une obligation morale. Non. En réalité, l’Église enseigne à la fois la valeur de la propriété privée et la destination universelle des ressources nécessaires à l’homme.

Vous pouvez soit infléchir l’enseignement de l’Église pour le faire cadrer avec vos propres prédispositions, soit essayer de comprendre ce que l’Église essaie réellement de dire. Cela demande un effort. Les préjugés ont la vie dure.

Dans ce pays, si vous êtes conservateur, vous aurez tendance à dire oui à l’enseignement de l’Église en matière de morale sexuelle, et non à l’enseignement de l’Église sur la justice sociale. Si vous êtes libéral, vous direz oui à l’enseignement sur la justice sociale et non à l’enseignement sur la morale sexuelle. Quand le Magistère affirme ce que vous aimez, il est « prophétique ». Quand il enseigne ce que vous n’aimez pas, ce n’est qu’une poignée de vieillards à côté de la plaque.

Les gens demandent : « — Quest-ce qu’une poignée de prêtres peut bien connaître à propos de X » Remplacez l’inconnue par ce qui vous chante : sexe, économie, guerre, politique, science et technologie, comment bombarder une ville, etc. Eh bien, laissez-moi vous dire que leur clairvoyance collective est à l’image de celle de votre mère, bien plus profonde que vous ne l’imaginez. Mais nous ne croyons pas à la claivoyance des évêques per se1 ; nous croyons à la promesse du Christ d’être avec son Eglise jusqu’à la fin des temps et d’envoyer son Esprit-Saint pour la guider et la protéger.

Si vous aimez votre mère, vous vous efforcez de comprendre ce qu’elle vous dit. Et vous êtes attentif à la façon dont elle le dit pour découvrir ses véritables intentions. Si elle insiste sur le fait que quelque chose est vraiment important, vous ne le considérez pas comme un simple conseil, et quand elle dit « ce serait bien », vous n’en faites pas un commandement divin.
De même avec l’Église, si vous êtes réellement à l’écoute, parce que vous vous préoccupez de ce qu’elle enseigne, vous ne considérerez pas l’avortement, par exemple, comme juste un choix de vie parmi d’autres, et ne traiterez pas des énergies renouvelables comme d’un commandement de Dieu. Non plus que, si vous aimez votre mère, n’est-ce pas, et que vous êtes avisé, vous n’allez pas lui tapoter la tête quand elle vous fait part de sa sagesse et lui disant : « Oui, oui, mère, comme vous êtes délicieusement vieux jeu ».

Nous écoutons souvent sélectivement et nous n’entendons que ce que nous avons envie d’entendre. Mais si le Verbe fait toute la différence dans nos vies, alors ce qu’Il nous enseigne doit tout aussi bien devenir important à nos yeux. L’amour désire connaître le bien-aimé.

— –

Randall Smith est professeur de théologie à l’université Saint-Thomas, à Houston.


Source : http://www.thecatholicthing.org/columns/2012/love-desires-to-know-the-beloved.html

  1. (NDT : cette expression latine signifie : par sa propre vertu)