Jeûner - France Catholique

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Ramadan en août, y a-t-il un « choc de civilisations» plus fort ?
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Alors que la majorité de nos compatriotes vont se délasser et se prélasser, savourer l’absence d’horaires réguliers, notamment pour les repas, non plus commandés par le rythme de travail, mais simplement par le bon plaisir, s’attarder à table, faire des barbecues fumants et odorants, sur la plage ou dans les jardins, environ dix pour cent vont observer le jeûne prescrit par leur religion, du lever au coucher du soleil !

Le soir, tous pourront se retrouver pour la fête. L’une des grandes joies apportées par le Ramadan est la « rupture » du jeûne, le premier repas léger à une heure donnée, fixée par la Loi, à la minute près chaque jour. Les repas d’Iftar (mot qui veut dire rupture), auxquels j’ai été invité dans les pays musulmans, observaient un rituel méticuleux. D’abord la datte, le verre d’eau, les biscuits, avant une première brève prière, puis un repas consistant mais pris à la hâte avant la grande prière, après laquelle tout se passe en famille, entre amis, jusque tard dans la nuit, quelques brèves heures de sommeil encore avant un dernier repas qui s’intercale entre la prière de l’aube et le lever du soleil. Puis plus rien jusqu’au soir. Dans mes expériences, il n’y avait nulle contrainte, mais une réelle communion entre générations. Comme les vacances chez nous, en famille, entre amis, le temps des retrouvailles, un temps d’humanité.

On ne doit pas comparer le jeûne du Ramadan avec le jeûne de l’ascète, de l’ermite ou du mystique qui veut suivre les pas de Jésus au désert pendant quarante jours et quarante nuits (Matthieu, 4,2) ou telle spiritualité d’Asie. Même si l’abstinence de jour est parfois très dure, notamment sous certains climats, tout spécialement en août dans la majorité des pays musulmans, cette prescription, un des cinq piliers de l’Islam (avec la profession de foi, la prière, l’aumône et le pèlerinage), n’a pas valeur de mortification, de souffrance, d’agonie. Elle est au contraire l’image de l’unité de la communauté. Elle n’est pas une démarche ou un choix individuel mais est avant tout sociale.

La question de la compatibilité de l’Islam et de nos sociétés occidentales chrétiennes sécularisées réside largement dans la visibilité des pratiques religieuses sociales de l’Islam. On s’est longtemps étendu sur la question du voile ou de la burqa. On a vu le problème des prières dans les rues. Le jeûne du Ramadan ne semble pas déranger ; apparemment la coexistence des vacanciers et des musulmans, qui n’est pas évidente a priori, ne fait pas difficulté. Or cette pratique, qui montre la religion sous un jour éminemment convivial, est bien plus « mystérieuse », si l’on veut bien y réfléchir. Mais voilà veut-on s’y arrêter et se mettre à réfléchir ?