Irrespect et solennité. - France Catholique
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Irrespect et solennité.

Traduit par Pierre

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Par les milliers de liaisons par câble et le flot de diffusions de Netflix, Amazon Prime, et autres répandant leurs propres productions, on dispose ces jours-ci d’à-peu-près autant d’émissions qu’il y en eut jusqu’à présent dans l’univers de la diffusion.

Une telle surabondance implique un « truc spécial » pour échapper à la noyade. Certains producteurs privilégient les célébrités, les concepts haut de gamme, ou des budgets somptueux. D’autres adoptent un style super-criard. La meilleure méthode pour attirer l’attention de la foule consiste à brailler et pousser des jurons. Si vous cherchez à attirer l’attention sur vous, vous avez ainsi de bonnes chances de réussite.

Alors on assiste à une foule de programmes garnis d’horreurs destinées à faire rougir le spectateur, à le recroqueviller, à lui faire dire à l’entourage : « Vous avez vu ! ». Les personnages de la série Difficult People comparent leurs préférences sur la pornographie. Le héros de Scandal présente un avortement. Les réseaux diffusent côte à côte des émissions de réalités et des spectacles présentant polygamie, amours multiples, trans-genre, etc.

Il n’existe pas meilleure publicité pour une comédie que le qualificatif « Irrespectueuse ». Il n’y a pas meilleure façon pour signaler un spectacle que le présenter comme « polémique ». Il n’y a guère plus grande attirance que causée par le massacre des idoles, la démolition des tabous, le coup de poing au sacré.

Et pourtant, ce n’est nullement la première fois au cours de l’histoire que des gens ont tenté d’attirer l’attention en usant de l’irrespect. En fait, toute une école philosophique Grecque en usait déjà.

L’École des Cyniques rejetait l’autorité et les conventions sociales. Les « Cyniques » se livraient fréquemment en public à des manifestations ridicules ou absurdes pour soutenir leurs idées. Le mot « cynique » vient du Grec « tel un chien ». On dispute encore sur l’origine précise de ce titre. Mais cette École adopta fort tôt le titre et se mit à le répandre au point d’aboyer contre les gens qui le contestaient. Le philosophe Diogène de Sinope se présentait comme: « Diogène le Chien. »

De nos jours, on retient le terme « cynique » pour les gens qui considèrent avec scepticisme les actes et motifs d’autrui. Un cynique assume la mauvaise foi, imagine que « chacun est un petit filou » (Citation de l’illustre cynique du XXème siècle Bob Wallace — Bing Crosby dans White Christmas – un Noël blanc). Un cynique méprise et raille ce que les autres considèrent comme sacré.

L’esprit cynique hante actuellement de nombreux domaines au sein de l’Église. On le voit chez certains prêtres qui se croient obligés de dire des blagues en célébrant la Messe — même au cours de la liturgie Eucharistique — au grand dam des gens qui les prennent au sérieux. On constate de même chez certains laïcs des grimaces dans le dos des prêtres qui célèbrent la Messe avec une certaine solennité, faisant des blagues sur « Père Pieux ». J’ai assisté à une scène étrange d’un religieux venant à la paroisse voisine faire provision d’hosties consacrées à emporter à sa résidence (il semble que ces frères préféraient communier « à la maison » plutôt qu’assister à une messe paroissiale). Il annonçait, irrévérencieux : « Je viens faire ma petite récolte de Jésus. »

Problème : on confond souvent solennel et cérémonieux. Processions avec encens, églises chargées d’ornements, vêtements merveilleux — n’est-ce pas un signe ostentatoire de cléricalisme ? Mais, considéré autrement, il ne faut rien voir de mal à cet aspect ostentatoire. Un rappel étymologique : « ostentatoire » a même racine que « montrer ».

Vaut-il mieux employer le terme « manifester » ? Les éléments visuels, sonores, et même olfactifs dans la liturgie, révèlent les vérités ainsi soutenues. Ils mettent en avant les vérités auxquelles nous participons. Ce sont les signes visibles de la grâce invisible qui agit en nous.

Une telle manifestation, une telle solennité ne sont repoussées que parce que nous ne comprenons pas ce qu’est la solennité. Voyons ce que C.S. Lewis en dit dans sa Preface to Paradise Lost « Préface à un Paradis perdu » :

Cette qualité ne sera comprise que par quiconque saisit la signification du mot anglais ancien solempne. Légèrement mais pas vraiment différent du mot actuel solennel. Comme solennel il s’oppose à ce qui est familier, léger, facile, ordinaire. Mais contrairement à solennel, il ne sous-entend pas mélancolie, oppression, austérité. Le bal du premier acte de Roméo et Juliette est un « événement solennel ». La fête au début de Gawain et le Chevalier Vert est pleine de solennité. Une Messe de Mozart ou de Beethoven a autant de solennité dans son Gloria que dans le poignant crucifixus est du Credo. Les fêtes sont, en ce sens, plus solennelles que les jours de jeûne. Pâques a un côté solennel que n’a pas le Vendredi saint. La solennité festive, liée au cérémonial et à ses pompes, semble avoir perdu son sens premier de l’ancienne « solennité ».

L’irrespect n’est pas une qualité acquise par une société qui a rejeté les conventions et superstitions. C’est le signe de la perte du sens du sacré. On ne peut s’en défaire qu’en prenant conscience du sacré, du solennel, et en les respectant. On ne se défait de l’irrespect qu’en prenant conscience du sacré, du solennel, et en s’y attachant. L’irrespect est une lacune, un manque, un vide. On ne peut se satisfaire en les rejetant, comme on ne peut apaiser son appétit en refusant le repas. On a tous besoin d’éprouver de l’amour. L’amour égoïste et le rejet des affections éprouvées par autrui est désastreux. Mieux vaut aimer tout ce qui est véritable, bon, et beau.

22 août 2018

Source : https://www.thecatholicthing.org/2018/08/22/on-irreverence-and-solemnity/

Photo : Solennel ne signifie pas lugubre.

Cette processio eucharistique eut lieu en l’Église Ste-Christine (renommée St.-Martin de Porres) à Cincinnati, Ohio, à une date indéterminée, vers 1950–1960.