Funérailles - France Catholique
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L'amour du travail bien fait avec saint Joseph artisan
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Funérailles

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Le cimetière de Cooperstown, N.Y. – cliché Phil Bess

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Tout amateur de films de gangsters, par exemple « Sopranos », vous le dira, le problème N° 1 pour l’assassin est : comment se débarrasser du cadavre? Que faire ? Le balancer dans une rivière ? L’enterrer à la campagne ? Le brûler dans un four ?

Un problème analogue se pose dans notre société américaine actuelle. Que faire des corps de nos défunts ? Le cri d’Oswald dans « Le roi Lear »: « inhumez mon cadavre ! » retentit de plus en plus. La proportion des incinérations aux États-Unis a cru régulièrement au cours des dix dernières années, la moyenne nationale passant de 24 % en 1998 à 37 % en 2009. Dans certains états tels que le Nevada, l’Arizona, la Floride et la Californie, lieux de résidence de prédilection pour les retraités, les taux dépassent largement 50 %.

Que montre cette évolution culturelle ? Tout d’abord, comme les mariages, les funérailles sont devenues trop coûteuses. Mais ce n’est qu’un symptôme d’un malaise plus profond. Pour quelles raisons mariages et funérailles ont-ils atteint des prix prohibitifs ? Que dire d’une culture qui a oublié comment célébrer avec simplicité des événements tels que mariages ou obsèques ? Si ce n’est qu’elle a oublié ce qui est vraiment important et vit dans l’illusion que l’argent et la technique ont réponse à tout.

Mais autre chose peut aussi se présenter à l’esprit. On peut dire bien des vérités sur une société — sur son attitude devant la vie — par son comportement devant la mort. Par exemple, l’incinération a parfaitement sa place dans de nombreuses cultures orientales, pour qui le corps n’est qu’une coquille. Brûler le corps, c’est symboliquement envoyer le défunt vers une autre vie: préparer la « vraie personne intime » à son voyage en vue d’une réincarnation ou peut-être vers le nirvana. Si vous croyez que notre diversité corporelle est toute illusoire, que le but de la vie consiste à la surmonter et à découvrir notre unité intrinsèque dans la structure de l’univers, alors, l’incinération a une signification.

Cependant, le point de vue chrétien est bien différent. Les chrétiens croient en la bonté de la création, à l’Incarnation de notre Seigneur, et à la résurrection des morts. Pour eux, l’incinération n’a aucune signification, son symbolisme est illusoire. Pourquoi effacer ce qui est promis à la gloire? C’est un peu comme si on nous offrait un Giotto, un Titien ou un Greco nécessitant une restauration soignée, et qu’on le jette au feu. Si vous estimez que ces grands artistes sont les représentants d’une culture insupportable, quelque chose comme de l’art nazi, alors, vous pourrez en faire du feu avec joie. Mais si pour vous « c’est le plus merveilleux cadeau que j’aie jamais reçu », alors, le brûler n’a aucun sens.

Permettez que j’ajoute, pour éviter tout malentendu, que l’Église autorise l’incinération, mais ne l’encourage pas. L’Église autorise l’incinération pour les mêmes raisons qu’il n’y a aucun problème pastoral avec les familles perdant un proche dans un incendie ou un bombardement. Dieu sait où se trouve chaque particule de votre être. Dieu peut vous reconstituer depuis le fin fond de la galaxie si besoin. L’incinération ne pose pas de problème métaphysique. Mais en ce qui concerne le message culturel qu’elle pourrait porter, sa popularité croissante est inquiétante.

Cette popularité croissante est partie de notre incapacité à aborder l’inévitable réalité humaine de la mort. Il n’y a guère, tout adolescent américain avait vu la mort: dans la cour de la ferme, pendant une guerre, au chevet d’un proche décédant à la maison. De nos jours presque personne n’a été contraint à voir la mort en face. Nous souffrons de ce que Martin Heidegger a décrit un jour comme « le devoir d’oubli de la mort ».

Je crains que l’incinération, dans notre société, loin d’être une affirmation comme dans certaines cultures orientales, soit une négation. Elle n’affirme pas qu’il y a une vie après la mort, mais récuse la mort elle-même: c’est une tentative pour éloigner de nous la mort — autant que faire se peut. L’incinération est le choix préféré d’une culture du nihilisme. C’est la personnification culturelle de la désincarnation. C’est une façon pour la société de dire: nous ne sommes rien, la vie n’a aucun sens, donc il est normal qu’à la fin on nous efface. N’est-ce pas la signification la plus fréquemment admise de la pratique culturelle de l’incinération ?

Songez à la différence si, au lieu de « Salons funéraires » (y a-t-il plus éloigné de la notion de salon ?), les cérémonies mortuaires se déroulaient à la maison et à l’église. Et si, au lieu de ces coûteuses mises en scène les paroissiens passaient par leurs paroisses puis étaient inhumés dans un cimetière attenant à l’église ? Pensez à ce qui changerait dans la vie des paroissiens si les églises assumaient seules la charge des funérailles en célébrant un enterrement tout simple. Pensez à la leçon reçue chaque dimanche en passant devant les tombeaux sur le chemin de l’église, loin de ces immenses cimetières industriels à des kilomètres de l’église. Serait-ce une façon de se rappeler ce qu’on oublierait volontiers, oubli confortable mais périlleux.

Les églises devraient redevenir le lieu de sépulture de nos chers disparus afin que, comme le propose le poète T.S. Eliot dans « Sauvetages », ils puissent à nouveau enrichir

Près des ifs

La vie de la terre

Oublier la mort n’est pas affirmer la vie; ce serait plutôt le contraire. Une culture ayant oublié comment affronter l’inévitable réalité de la mort est une culture qui a oublié comment vivre.