Les minutes du procès que le lecteur attentif peut méditer comme un livre mystique, et parfois un traité de politique élémentaire, souvent comme un sommet de l’injustice judiciaire, sont aussi une source limpide de la langue française au premier jaillissement de son enfance. Elle sort à peine du latin. Elle s’ébroue comme un jeune agneau qui fait ses premiers pas. François Villon naît l’année où Jeanne est brûlée. Le charme ingénu du commencement ne se reproduit jamais. Les juges de Rouen nous l’ont conservé, intact. « Et me disait l’ange, la grande pitié qui est au royaume de France. »
Les historiens et les philologues se sont interrogés sur le mystère de cette langue si belle et si aisée dans la bouche d’une petite paysanne de Domrémy, qui n’était jamais allée à l’école et qui ne savait ni « A », ni « B ». Ils ont imaginé une filiation occulte et clandestine de princesse. Mais de nombreuses princesses de ce temps et d’autres temps n’ont pas parlé aussi bellement. L’explication est plus simple. Pendant six ans, de treize à dix-neuf ans, Jeanne a parlé avec les saints et les anges, et il lui en est resté ce « français de Christ ». Pour elle, « cette voix est belle, et douce, et humble, et parle langage de France ».
Dans l’année qui vient, où nous célébrerons Jeanne la sainte, la politique et le militaire, il ne faudra pas oublier la place éminente du Verbe. « Allez au texte », disait Péguy.
Le texte est là, enchâssé dans la procédure, comme un diamant dans son écrin.
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Répartie inspiréeL’évêque : « Saint Michel était-il nu ? »Jeanne : « Pensez-vous que Dieu n’ait pas de quoi le vêtir ? »L’évêque : « Avait-il des cheveux ? »Jeanne : « Pourquoi les lui aurait-on coupés ? »Extrait du procès de Jeanne d’Arc en 1431.
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Jacques Trémolet de Villers, Jeanne d’Arc, le procès de Rouen, Tempus, 416 p., 9 €.