De nouvelles certitudes concernant la mission de saint Thomas en Chine - France Catholique
Edit Template
L'amour du travail bien fait avec saint Joseph artisan
Edit Template

De nouvelles certitudes concernant la mission de saint Thomas en Chine

Copier le lien

Le 20 septembre, en la fête des saints martyrs André Kim et ses compagnons, les médias ont été conviés à prendre connaissance d’un événement inattendu qui eut lieu de l’an 65 à l’an 68 ! Pourquoi ce jour ?

Parce que va être présenté, un ouvrage rassemblant les interventions d’une douzaine d’auteurs, sinologues, spécialistes en diverses disciplines, historiens et évêques, ceux-là même qui, vers la fin de l’année 2012, avaient participé au premier colloque, ultra-sérieux, consacré à l’histoire de l’évangélisation par saint Thomas.

Le sujet est déjà connu des lecteurs de la France Catholique 1 mais ignoré de la plupart des Français, qu’ils soient ou non chrétiens : or il est d’importance, au point que l’organe de presse officiel du Parti communiste de Chine, le Quotidien du Peuple, a pu parler d’un véritable « séisme » qui allait secouer la Chine s’il était avéré que l’apôtre Thomas avait bien évangélisé l’Empire du Milieu dans les années soixante de notre ère, appelé par le Prince Ying…

L’histoire de cet apôtre est des plus extraordinaires : il exerçait le métier de bijoutier ambulant quand Jésus l’appela à Le suivre, ce qu’il fit : cela se passa environ en l’an 30, puisque Jésus meurt sur la croix fin mars de l’an 33. Il ressemblait à Jésus, d’où son surnom de Jumeau, c’est-à-dire Thomas. Courageusement, il proposa à ses frères apôtres, quand son Maître décida de se rendre à Jérusalem où chacun savait qu’il y serait arrêté, de Le suivre et de mourir avec Lui. Il douta de la réalité de la résurrection jusqu’au moment où il fut invité à mettre ses doigts dans la plaie du cœur et celles des mains. Enfin il se mit après sa « conversion » à parcourir le monde vers l’Est afin de lui faire connaître son « Sauveur et son Dieu » : ainsi, de 37 à 44, il fait avec Barthélemy deux voyages vers l’Orient, dans l’idée finalement d’aller vers la Chine, Barthélemy par l’Arménie puis le nord, Thomas par le sud. Il traversa donc des pays nombreux et immenses, la Syrie, le monde des Parthes et des Perses avant de parvenir dans le nord des Indes. En 51, il est de retour à Jérusalem mais repart aussitôt pour se retrouve à Ceylan (autrefois Tabropane). En 64, des émissaires de l’empereur de Chine le cherchent et le décident à se rendre en ce « bout du monde ». En 69 il est de retour en Inde où il sera assassiné en 72 d’un coup de lance alors qu’il priait dans sa grotte de Chennai (autrefois Méliapouram). Son tombeau existe toujours à Chennai : la basilique Saint-Thomas conserve la pointe de la lance qui lui avait traversé le dos.

Jusqu’à il y a peu, l’on ne savait rien de plus et l’on pensait d’ailleurs que c’était déjà beaucoup pour un seul homme : encore que nombre d’exégètes pensaient, depuis la fin du XIXe siècle, qu’en fait il ne s’agissait que de légendes et que l’on ne savait rien de lui… Parfois, il me semble que ce sont les exégètes qui sombrent dans le légendaire : je pense ici à ceux qui transformèrent chez Isaïe une « vierge » en « jeune fille », pensant que cette dernière n’était pas « l’intouchée », ruinant la portée de la prophétie.

Mais pendant des siècles une suite de 107 sculptures, dispersées sur une falaise située quasiment vers le centre des côtes chinoises, dans l’enceinte même où se trouvait à l’époque des apôtres l’ancien grand port de la Chine, Kong Wang Chan, furent les gardiennes d’un secret que des archéologues locaux décidèrent d’étudier, mais confronté à une inconnue. En 2007, Pierre Perrier, grand connaisseur de l’Église d’Orient, se trouvait professeur invité à l’université de Nankin : il entendit parler de l’existence de ce vaste ensemble d’œuvres sculptées, rendit visite aux archéologues et fut intégré à l’équipe de recherche.

Impossible de résumer les années de la fructueuse collaboration qui unit l’ensemble de ces chercheurs : dont nous pûmes découvrir l’importance des découvertes réalisées, il y a déjà cinq ans me semble-t-il, par la sortie de « Thomas fonde l’Église en Chine », écrit avec la collaboration du sinologue Xavier Walter. Je ne puis mieux préciser, ayant envoyé dans un lycée du Bénin mon exemplaire du premier ouvrage de P. Perrier sur le sujet. Il y a un an, un second titre du même chercheur est venu enrichir le dossier : « L’apôtre Thomas et le Prince Ying » 2 ! Une iconographie d’environ 300 illustrations permet de saisir l’inouï de cette révélation.

C’est pourquoi fut organisé à Paris un colloque au cours duquel divers spécialistes vinrent soutenir l’édifice : ce sont donc ces participations que rassemble cette publication au titre fort clair : « L’Apôtre Thomas et le Christianisme en Asie : Recherches historiques et actualité » 3 ! C’est donc l’ensemble du vaste parcours de saint Thomas qui est ici décrit, avec évidemment une approche privilégiée de son séjour en Chine.

On commença dès lors à entrevoir que le scepticisme qui, en France, avait accueilli le premier titre n’avait plus aucune chance de l’emporter : l’Histoire prenait forme et consistance. C’est ce que permettent de vérifier avec des arguments de poids les textes de cette douzaine d’auteurs.

Dans l’ordre alphabétique : P. Jean Charbonnier, sinologue auteur de l’Histoire des chrétiens de Chine (1992) ; P. Georges Colomb, supérieur général des Missions étrangères depuis 2010 et spécialiste de la Chine ; P. Frédéric Guigain, maronite et spécialiste des traditions orales syro-araméennes, auteur d’Exégèse d’oralité et traducteur des évangiles selon l’araméen (2012-2013) ; P. Anis Hanna, spécialiste des questions islamo-syro-chaldéennes ; M. Xin-Lin He, Universitaire (droit et sciences juridiques) passionné par les mondes antiques gréco-romains et chinois, partie prenante aux recherches ; P. Pierre Humblot, sdv, du diocèse de Téhéran, traducteur de plus de 250 ouvrages en persan ; Don Régis Moreau, docteur en théologie ; Mgr George Palliparambil, évêque du diocèse de Miao (Arunnachal Pradesh, extrême nord-est de l’Inde) ; M. Pierre Perrier, membre correspondant de l’Académie des technologies, fut responsable d’études avancées en aéronautique ; Mme Ilaria Ramelli, spécialiste de référence mondiale en littérature et pensée chrétienne latine classique, auteur de nombreux ouvrages ; M. Maxime Yevadian, auteur de La Christianisation de l’Arménie (2008)… Directeur de la publication : P. Édouard-Marie Gallez.

Le sommaire est trop important pour que je le transcrive ici, mais il suffit d’aller sur le site de l’AED ou d’EEChO pour le découvrir. Ces communications jettent d’abord un regard spécifique sur les régions où saint Thomas a laissé sa trace d’apôtre (quelques 165 pages de textes), avant qu’en seconde partie soient rassemblées des réflexions sur l’actualité du travail apostolique de saint Thomas (60 pages).

Les archéologues chinois font valoir que les sculptures qui couvrent la falaise sont rigoureusement identiques à ce qui se découvre dans l’Empire perse : ce qui exclut une explication interne à leur pays. « La seule hypothèse qui résiste à la critique est celle qui renvoie au récit des trois années que l’apôtre Thomas passa en Chine, avec quelques disciples venue de Parthie via l’Inde. C’est vers cette hypothèse que converge la multitude des données à considérer » 4..

Restera à faire l’inventaire des conséquences à venir.

Nul doute que tout lecteur attentif verra son horizon s’élargir aux dimensions de notre monde et de notre histoire ecclésiale : le seul fait que désormais l’on puisse considérer l’Église chinoise comme étant d’origine apostolique est porteur d’espérance pour l’Église universelle. De plus, il apparaît que cette Église a exercé, dès son implantation, une influence jusqu’ici ignorée, non prise en compte, sur le destin même de la Chine en lui faisant connaître une vertu chrétienne capitale, la compassion, nouveauté jusqu’à nos jours attribuée aux bouddhistes, arrivés en territoire chinois un siècle après Thomas…

  1. Voir les pages 8 à 12 du numéro de la F.C. du 21 juin 2013. Déjà, en 2008, un premier article avait été publié…
  2. Ces deux livres de Pierre Perrier ont été publiés grâce à Jean-Claude Didelot, fondateur en second de l’association des « Enfants du Mékong ». Il fut lié d’une indéfectible amitié avec René Péchard, créateur en 1958 de cette ONG, qui en fit son héritier moral. Il a également fondé les Éditions du Jubilé qu’il dirige ainsi que l’Institut du Fleuve, qui lui permet de venir en aide à des étudiants venus du Viet Nam pour leurs études.

    Éditions du Jubilé, 4 rue Chopin – 92120 Montrouge. – Tél : 01 – 49 – 85 – 85 – 90 – Fax : 01 – 49 – 12 – 55 – 34 – Adel : contact@editionsdujubile.com.

  3. L’édition a été prise en charge par « L’Aide à l’Église en détresse » (AED) et l’association « Enjeux de l’Étude du Christianisme des Origines » (EEChO), site http://eecho.fr.
  4. P. Gallez