Critique de « Le plan divin » - France Catholique
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Van Eyck, l'art de la dévotion. Renouveau de la foi au XVe siècle
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Critique de « Le plan divin »

Traduit par Bernadette Cosyn

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En 1970, le dissident russe Andrei Amalrik a publié un court ouvrage intitulé « L’Union Soviétique survivra-t-elle jusqu’en 1984 ? » Un autre dissident, plus célèbre encore, Natan Sharansky, a dit que lorsqu’il était dans une prison soviétique en 1984 et que la prédiction d’Amalrik est venue sur le tapis durant son interrogatoire, ses gardes du KGB s’étaient esclaffé : « Amalrik est mort depuis longtemps, mais nous sommes toujours très présents ! » Amalrik était mort en 1980.

Bon, comme l’histoire le montrerait, Amalrik se trompait, mais seulement de quelques années. Il avait cru que la bureaucratie soviétique avec sa brutalité, la diversité ethnique de l’URSS, sa stagnation économique et l’agitation sociale couvant seraient la mort de la Bête. Très vrai. Et il pensait qu’une guerre avec la Chine était imminente et dévasterait la Russie. Bien sûr, c’était faux, mais substituez l’Afghanistan à la Chine et il apparaît plus prémonitoire.

Comme la plupart des dissidents, Amalrik a été frustré par la politique occidentale de détente. Les présidents Nixon, Ford et Carter ont tous rencontré sans profit le leader soviétique Léonid Brejnev et tous les Russes amoureux de la liberté (et leurs millions d’alliés derrière le Rideau de Fer) savaient qu’il n’y aurait jamais de liberté de parole ou de religion ou de liberté économique tant que le communisme gouvernerait.

Amalrik est mort exactement huit jours après que Ronald Reagan ait été élu 40e président des Etats-Unis, donc il n’a pas vécu pour voir comment une alliance entre Reagan et le pape Jean-Paul II deviendrait – jointe aux autres forces identifiées par Amalrik – la force qui conduirait à l’effondrement de l’Union Soviétique.

L’histoire de cette alliance est superbement racontée dans le nouveau documentaire de Robert Orlando « Le plan divin : Jean-Paul II, Ronald Reagan et la fin dramatique de la Guerre Froide ». Et, en collaboration avec M. Orlando, le professeur Paul Kengor, contributeur occasionnel de « The Catholic Thing », a écrit un livre d’accompagnement incluant des extraits des interviews d’experts qui apparaissent dans le film : les conseillers de Reagan Richard V. Allen et James Rosebuch, les chefs religieux Timothy Dolan et Robert Barron, respectivement cardinal et évêque, tout comme les écrivains et historiens Anne Applebaum, H.W. Brands, Douglas Brinkley, Marek Jan Chodakiewicz ; Monika Jablonska, Stephen Kotkin, John O’Sullivan, Craig Shirley et George Weigel.

M. O’Sullivan a écrit un superbe livre en 2006 : « Le président, le pape et le premier ministre : le trio qui a changé le monde », dans lequel la coalition anti-soviétique est élargie à juste titre pour inclure Margaret Thatcher. Elle joue également un rôle dans « Le plan divin », principalement à travers le commentaire de M. O’Sullivan, mais comme il le fait remarquer, Mme Thatcher, comme méthodiste, était mal à l’aise avec l’idée de participer à une mission ordonnée par Dieu.

Quoi qu’il en soit, c’est la position de messieurs Orlando et Kengor, et c’est probablement la vérité vraie de Dieu. Si ce « probablement » semble une tergiversation, c’est seulement parce que, comme Mme Thatcher, j’ai été élevé dans le méthodisme et je suis réticent à partir du principe que j’ai été témoin de l’intervention de Dieu dans l’histoire contemporaine, bien que je sois d’accord pour dire, comme John L. Allen l’a écrit récemment, que le voyage de retour de Jean-Paul II en Pologne en 1979 « a culbuté les dominos qui conduiraient finalement à la chute de l’empire soviétique. » C’est l’histoire tout court.

Pourtant l’exemple de la main de Dieu mettant en place ces événements et les vies convergentes de Ronald Reagan et Karol Wojtyla est très passionnant. Partis d’humbles commencements, tous deux se sont hissés aux plus importantes responsabilités sur la terre. Ces deux hommes ont failli tomber sous des balles assassines – à quelques mois d’écart.

Kengor et Orlando écrivent que lorsque les historiens gardent leurs distances quant au lien spirituel entre ces deux hommes et leurs destinées jumelles, ils ignorent le fait que  « tant Jean-Paul II que Reagan croyaient fermement au Plan Divin et se sentaient sûrs d’avoir été appelés à y jouer un rôle. »

Mais il y a plus que cela : le président et le pape reconnaissaient mutuellement leurs rôles respectifs dans ce plan. Et « rôle » est certainement le mot-clef, en ce sens que les deux hommes ont commencé leur vie adulte comme acteurs. Et Reagan lui-même faisait référence au « jeu en double » pour décrire ce que le pape et lui étaient en train de réaliser.

Le script du film est principalement la narration hors caméra par l’acteur Peter Reznikoff. Mais la substance du documentaire consiste dans les commentaires d’experts, qui font penser à l’aspect non-fictionnel de « Reds » (1981), la romance imparfaite mais brillante de Warren Beatty à propos des intellectuels communistes à l’aube de l’ère soviétique, excepté que les témoins d’Orlando savent vraiment de quoi ils parlent. Ils s’expriment avec objectivité et non dans la brume rose de souvenirs de 60 ans et des mensonges qui leur sont boulonnés. C’est un contraste fascinant : voici, dans le documentaire d’Orlando, des hommes et des femmes qui parlent de l’action mystique de Dieu dans l’histoire, et pourtant ce sont les gauchistes vieillissants de Beatty qui sont perdus dans un brouillard de mystification. Peut-être bien qu’ils ont fumé le véritable opium des peuples.

Les gauchistes affirment souvent que l’histoire converge vers une finalité « de progrès » – une finalité imaginée par un cadre révolutionnaire. « Le plan divin » nous met au défi de voir l’intervention de Dieu dans les événements et nous rappelle ce que peuvent réaliser des hommes et des femmes de foi qui cherchent courageusement les finalités de Dieu.

Est-ce la foi qui est venue à bout de la Guerre Froide ? Eh bien, considérons que l’URSS, l’un des régimes les plus brutalement despotiques et militarisés de l’histoire, a été conduit à l’effondrement sans qu’un seul coup de feu soit tiré (malgré les « guerres par procuration »). Quatre vingt millions de personnes sont mortes dans la guerre qui a vaincu le Nazisme. Lénine, Staline et leurs adeptes soviétiques ont également tué des millions de personnes entre 1922 et 1991, mais l’Empire du Mal a finalement était défait par une révolution pacifique. (Mikhail Gorbatchev, « l’homme providentiel », mérite également de se voir attribuer du crédit à ce sujet.)

J’ai été stupéfait en regardant « Le plan divin » par la référence que Craig Shirley fait de Reagan comme un « catholique culturel », une déclaration exceptionnelle… que ce soit vrai ou non. Et c’était formidable de voir mon ancien collègue de « National Review », John O’Sullivan, s’émouvoir en citant la remarque de Margaret Thatcher, son ancien chef, aux funérailles de Regan :

« Nous avons un avantage que Ronald Reagan n’a jamais eu : nous avons son exemple. »

On peut en dire autant de Saint Jean-Paul II. Puisse l’exemple de ces deux grands hommes nous inspirer face aux défis qui nous attendent.

Ce documentaire sort le 6 novembre aux Etats-Unis.

Brad Miner est rédacteur en chef de « The Catholic Thing », membre de l’institut Foi & Raison et secrétaire du bureau de l’Aide à l’Eglise en Détresse aux USA. C’est un ancien rédacteur littéraire de « National Review »

Illustration : l’affiche du film, qui contient un lien avec la bande-annonce

Source : https://www.thecatholicthing.org/2019/09/06/the-divine-plan-a-review/