« Contempler la Passion » - France Catholique

« Contempler la Passion »

La Sainte Tunique portée par le Christ durant sa Passion est conservée dans la basilique d’Argenteuil (Val-d’Oise) depuis plus de 1 200 ans, explique l’abbé Guy-Emmanuel Cariot, recteur et exorciste du diocèse de Pontoise.

Sainte Tunique d’Argenteuil

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« Cette tunique nous rappelle que c’est le désir du Salut qui doit animer notre vie spirituelle », explique l’abbé Guy-Emmanuel Cariot.

« Cette tunique nous rappelle que c’est le désir du Salut qui doit animer notre vie spirituelle », explique l’abbé Guy-Emmanuel Cariot.

© Basilique d'Argenteuil

Quel est l’aspect de la Sainte Tunique ?

Abbé Guy-Emmanuel Cariot : Une tunique sans couture, un habit de pauvre, en laine de mouton, de couleur brune, teinte à la garance. C’est le vêtement que Jésus portait au cours de sa Passion, et dont il a été dépouillé avant d’être crucifié au calvaire. On suppose qu’elle a très probablement été tissée par la Sainte Vierge elle-même, comme le faisaient toutes les mères à cette époque. D’ailleurs, à Argenteuil, elle est aussi vénérée comme une relique mariale.

Quelle est son histoire ?

La Tradition de l’Église – et la raison – laissent penser que les apôtres l’ont rachetée au soldat qui l’avait tirée au sort au pied de la Croix (cf. encadré p. 11). Elle a été conservée en Terre sainte jusqu’aux invasions perses ou musulmanes du VIIe siècle, puis envoyée près de Constantinople jusqu’au VIIIe siècle. Elle y a été conservée comme une grande majorité des reliques de Terre sainte n’ayant pas été détruites. Cependant, l’impératrice régnante Irène a un empire très fragilisé, menacé par les razzias musulmanes. Elle appelle donc à l’aide Charlemagne et lui envoie une délégation, lors de son sacre en 800, avec des cadeaux diplomatiques parmi lesquels se trouve la tunique. L’empereur sait très bien de quoi il s’agit : il la confie à sa fille, moniale à Argenteuil. La tunique se trouve donc ici depuis le 13 août 800. Par la suite, elle est devenue la tunique de la Passion pour l’Église en France, dont elle a connu toutes les blessures : invasions des Vikings, guerre de Cent Ans, guerres de Religion… La Révolution a failli lui être fatale : le curé de l’époque l’a découpée puis enterrée en différents endroits pour la protéger. On a retrouvé seulement les plus grosses pièces enterrées dans le jardin du presbytère.

Quel est son degré d’authenticité ?

Je ne fais pas partie de ceux qui pensent que cette question est secondaire ! Il faut un faisceau d’indices, pour croire à l’authenticité, ce qui est le cas : on trouve une avalanche d’éléments plaidant en sa faveur. Outre les témoignages historiques, on a trouvé du sang du même groupe sanguin – AB – que sur le linceul de Turin et le suaire d’Oviedo. Je veux bien qu’il existe des faussaires, mais à l’époque les groupes sanguins n’étaient pas connus ! Les recherches montrent également des traces de terre de Jérusalem et des pollens de cette région, fleurissant en mars-avril, dont certains sont communs avec le linceul. Par ailleurs, je fais confiance à l’Église quand elle propose des reliques à la vénération. D’autant que depuis des siècles, elle est très prudente sur ce sujet. Enfin, il y a de grands miracles de guérisons, de paix, de libération qui y sont associés… On n’insulte pas la raison en venant s’incliner devant la tunique. Nous n’aurons jamais la preuve de son authenticité, cependant ma conviction personnelle est qu’elle est authentique.

Que dit-elle de la Passion ?

Elle est vraiment LE témoin de la Passion. Plus encore que le Saint-Suaire. C’est le vêtement de Jésus vivant, porté pendant toute sa Passion. On n’imagine pas, en effet, qu’il se soit changé au milieu ! S’il a été dépouillé de ses vêtements au pied de la Croix, c’est donc qu’Il les portait depuis la veille, c’est-à-dire, en remontant le temps, pendant le chemin de Croix, devant Pilate, devant le Sanhédrin, lors de l’arrestation et l’agonie à Gethsemani, et lors de la dernière Cène : tous ces événements qui constituent la Passion. C’est l’habit, la relique, le signe de la Passion. Ainsi, en contemplant la Sainte Tunique et le Saint-Suaire, on peut accomplir un vrai triduum contemplatif.

Que dit cette tunique de l’amour de Dieu ?

Il est impossible de montrer combien Dieu nous a aimés. Cependant, en contemplant la tunique, gorgée du sang versé par Jésus au cours de sa Passion, en particulier lors de sa flagellation, nous comprenons mieux jusqu’où est allé son amour… La tunique nous recentre sur l’essentiel. Et nous permet de comprendre que la Croix, c’est déjà la victoire ! Sur la Croix, Jésus a tout révélé de l’identité profonde de Dieu… Dans le film La Passion du Christ, de Mel Gibson (2004), on voit, juste après la mort de Jésus, une larme tomber du ciel : c’est très beau. Et on voit Satan tomber au fond des enfers. La victoire est déjà acquise sur les forces du mal.

Il est bon de vivre douloureusement le chemin de Croix. Mais en même temps, c’est la joie qui doit habiter notre cœur car, à ce moment-là, Jésus est en train de nous sauver. Il ne faut pas le plaindre d’être en train de nous sauver : il est au sommet de son amour ! Cela permet de mieux comprendre le mystère de la Croix. Pour nos propres croix aussi, cela change tout aussi de savoir que la Croix est victorieuse…

Reste que si Jésus n’était pas ressuscité, « notre foi est vaine », dit saint Paul…

Je ne dis pas que la Résurrection est juste un plus ! Mais tout est acquis sur la Croix : Jésus a manifesté ce qu’est l’amour au maximum de ce qu’on pourra jamais voir dans l’histoire humaine… L’infini de l’amour de Dieu se concentre dans le sacrifice du Christ. Tout est donné de l’amour de Dieu : donc la victoire est acquise ! Ensuite, la Résurrection est l’explosion de cette victoire, et sa communication à tous.

Peut-on faire le lien entre la tunique et notre baptême ?

Saint Paul dit qu’être baptisé c’est « revêtir le Christ ». Donc c’est symboliquement revêtir cette tunique portant le sang de Jésus, être touché par ce sang, participer à sa Passion et donc à sa Résurrection. Être baptisé, c’est être protégé, relevé et sauvé de la mort éternelle par ce sang même que nous contemplons sur la tunique. Elle nous rappelle que la chose la plus importante que nous ayons à faire sur cette terre, c’est aller au ciel. Vouloir toucher ce vêtement du Christ, comme l’a fait la femme hémorroïsse, c’est vouloir le Salut, comme elle l’a parfaitement compris : « Si je parviens à toucher seulement son vêtement, je serai sauvée », se dit-elle (Mc 5, 28). Aujourd’hui, on a oublié la notion du Salut. Cette tunique nous rappelle que c’est le désir du Salut qui doit animer notre vie spirituelle, pour nous et nos proches. Voici la prière traditionnelle qui est faite ici par les pèlerins : « Par ta Sainte Tunique, sauve-moi Jésus. »

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