Que nous dit la science sur l’homme qui a porté la tunique d’Argenteuil ?
Franco Serafini : Grâce aux analyses réalisées par les professeurs français Gérard Lucotte et André Marion et publiées dans Le linceul de Turin et la tunique d’Argenteuil. Le point sur l’enquête, (éd. Presses de la Renaissance), nous savons que l’étude des pollens est compatible avec une origine méditerranéenne, un climat chaud et sec, un terrain plutôt aride et désertique.
Cependant, le fait le plus stimulant scientifiquement concerne la présence abondante de sang humain sur la tunique sans que cela se voie à l’œil nu. En effet, sa couleur rouge brun cache les taches, mais la tunique a l’épaisseur d’un tissu encore imbibé de globules rouges. Certaines fibres de laine sont couvertes de microcaillots, ce qui donne à la relique un toucher caractéristique incroyable. D’autre part, André Marion, qui est physicien nucléaire et ingénieur au CNRS, a étudié la disposition des taches de sang sur le linceul de Turin et sur la tunique d’Argenteuil. Il conclut que le supplicié de la tunique devait porter sur l’épaule gauche un objet compatible avec une croix. Et une reconstruction tridimensionnelle au dos de l’image du linceul de Turin lui a permis de démontrer la superposition presque complète des taches d’Argenteuil avec celles de Turin ! Cet argument, non négligeable, plaide en faveur de l’authenticité des deux reliques, portées par un même homme. Car l’autre enseignement de la tunique d’Argenteuil est que nous avons bien affaire à un homme. Le professeur Lucotte, qui est une autorité incontestée en matière de génétique, et qui a eu accès à la tunique dès 1986, a trouvé une séquence typique du chromosome Y qui démontre que l’individu est de sexe masculin.
La tunique d’Argenteuil permet-elle de dresser un portrait génétique ?
Cela a été fait par ce même professeur Gérard Lucotte et les résultats sont époustouflants : la tunique d’Argenteuil porte un capital génétique exceptionnel, puisqu’il nous indique de façon certaine l’origine ethnique de l’homme supplicié qui l’a portée. Tout d’abord, le chromosome Y trouvé sur la relique appartient à l’haplogroupe – série de mutations présente dans un chromosome – « J2 ». Or cet haplogroupe penche fortement vers une origine moyen-orientale et est tout à fait compatible avec une origine juive pour l’Homme de la tunique : aujourd’hui encore, 40 % des juifs de sexe masculin, tant séfarades qu’ashkénazes, partagent l’haplogroupe « J » et entre 19 % à 25 % le « J2 ». Plus fort encore, en étudiant de précieux échantillons de la tunique d’Argenteuil, le professeur Lucotte a démontré que l’homme était porteur sain de la fièvre méditerranéenne familiale qui affecte aujourd’hui encore des peuples vivant au bord de la Méditerranée.
Que savons-nous du sang trouvé sur la Sainte Tunique ?
Le sang trouvé sur la tunique d’Argenteuil appartient au groupe AB, comme l’a encore expliqué le professeur Lucotte. D’ailleurs, le sang trouvé sur le linceul de Turin, le suaire d’Oviedo et lors des miracles eucharistiques de Lanciano, en Italie au VIIIe siècle, ou de Tixla au Mexique en 2006, est également du groupe AB. Il est absolument extraordinaire de se dire que toutes les investigations scientifiques mènent a priori au même homme ! Le groupe AB est un sang rare qui n’est porté que par 5 % de la population mondiale et qui était très présent en Palestine il y a 2 000 ans.
Il est aussi le seul, parmi les différents groupes sanguins – A, B, O et AB – dont les composantes paternelles et maternelles sont par définition différentes et mutuellement exclusives. Pour le dire autrement, le groupe AB indique un double héritage distinct : si le père est du groupe B, la mère sera du groupe A ou inversement. Ne pourrait-on pas voir, dans le cas d’un sang du Christ qui soit de type AB, le reflet de ses deux natures, humaine et divine ? Mais nous touchons là au mystère de l’Incarnation qui reste insondable d’un point de vue scientifique… Je voudrais tout même vous soumettre une autre réflexion : à l’inverse du groupe O, qui est le groupe des donneurs universels, le groupe AB est celui des receveurs universels. L’homme au sang AB peut être transfusé avec tous les autres groupes sanguins. J’y vois la métaphore du sang du Christ qui accueille tous les autres sangs et qui les lave. Nous pouvons aussi y lire la référence au sang des martyrs que Jésus reçoit pour compléter sa Passion consommée sur le Golgotha. Comme eux, nous pouvons aussi symboliquement nous offrir en offrande pour la rédemption du monde.
Le sang trouvé sur les hosties lors des miracles eucharistiques est lui aussi riche en enseignements…
J’ai étudié les miracles de Lanciano en Italie (VIIIe siècle), Buenos Aires en Argentine (1992-1994-1996), Tixtla au Mexique (2006), et ceux de Sokolka (2008) et Legnica (2013) en Pologne. Non seulement le sang qui a pu être analysé comme à Lanciano et Tixtla est de groupe sanguin AB, mais de surcroît, les coupes histologiques [qui relèvent de l’étude des tissus biologiques, NDLR] ont révélé que, dans tous les miracles eucharistiques, les fibres analysées étaient des fibres du muscle cardiaque. La fragmentation de ces fibres et l’inflammation des globules blancs nous révèlent un cœur terriblement souffrant, en proie à des spasmes atroces. Et, dans le cas de Buenos Aires et Tixtla, d’un cœur encore agonisant au moment du prélèvement histologique !
Nous pouvons lire dans ce bout de chair qui émane d’une hostie consacrée tout le processus d’une cardiomyopathie – un dysfonctionnement cardiaque – induite par un très fort stress physique et émotionnel. Pour le cardiologue catholique que je suis, tout est compatible avec le récit de la Passion de Jésus que nous lisons dans les Évangiles. Mais ce n’est pas tout ! J’ai été contacté en 2023 par deux grands experts mondiaux dans le domaine ultra-spécialisé des lésions par électrochocs : Giovanni Pierini et Tiziana Balbi de l’université de Bologne. Dans les échantillons obtenus à partir des miracles eucharistiques, ils ont décelé des altérations compatibles avec les dommages causés par une électrocution. Or, une sorte de décharge instantanée de très haute énergie est l’une des hypothèses qui permettraient d’expliquer l’impression d’une image non reproductive, comme en relief, sur le linceul de Turin. Ainsi, l’Eucharistie nous présenterait tout à la fois un cœur qui a souffert, qui souffre, qui est mort et qui porte déjà les signes de la Résurrection !
A-t-on trouvé de l’ADN sur la Sainte Tunique ainsi que sur les autres reliques de la Passion et les miracles eucharistiques ?
Chaque cellule vivante, à quelques exceptions près comme les globules rouges, contient dans son noyau tout son matériel génétique nécessaire à son espèce : c’est l’ADN, réparti en 23 paires de chromosomes dans l’espèce humaine. De l’ADN a été reconnu sur la tunique d’Argenteuil, et sur le miracle eucharistique de Legnica. Sur le linceul de Turin c’est plus compliqué car le suaire a connu beaucoup de vicissitudes tout au long de l’Histoire. À chaque fois qu’il y a une trace d’ADN, celle-ci est très dégradée ou incomplète. Peut-être aura-t-on plus de chances avec le prochain miracle eucharistique ?
En attendant, j’aime croire que le silence de l’ADN est en soi un miracle, comme si Dieu voulait rester volontairement caché. Comment appréhenderions-nous la certitude scientifique apportée par l’ADN s’il était prouvé que l’homme de la tunique d’Argenteuil et des autres reliques de la Passion était le même que celui présent dans l’Eucharistie ? Sans doute cette vérité nous est-elle épargnée, par grâce, pour ne pas attenter à notre liberté de croire ou de ne pas croire.
Dans votre ouvrage, vous imaginez la naissance d’une nouvelle discipline : la bio-théologie. De quoi s’agit-il ?
Il s’agit de la possibilité de déduire de données scientifiques des conséquences spirituelles ou mystiques, comme nous commençons à le faire avec les miracles eucharistiques où les fibres cardiaques étudiées témoignent d’une souffrance intense et nous ramènent à la Passion du Christ. Cela fait dix ans que je travaille comme cardiologue sur les miracles eucharistiques, après avoir découvert l’exposition itinérante de Carlo Acutis sur ces miracles. Je pense que les prochains siècles seront caractérisés par une plus grande collaboration entre science et foi. Tout scientifique sincère sait au fond de lui-même que tout ne s’explique pas par le hasard.