« Ce que signifie être un humain » : une lecture - France Catholique
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« Ce que signifie être un humain » : une lecture

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« Le but de la loi est de protéger et de promouvoir l’épanouissement des personnes. En conséquence, la compréhension la plus riche de la loi est une compréhension anthropologique, obtenue par enquête sur ses prémisses de couverture de l’identité humaine et de l’épanouissement. Pour être pleinement sage, juste et humain, les moyens et les fins de la loi doivent correspondre à la réalité de la vie humaine, vécue humainement. »

C’est ainsi que O. Carter Snead énonce la prémisse de base de son récent livre, What It Means to Be Human (« Ce que signifie être un humain »). Il redéfinit ainsi de manière attrayante ce qui peut sembler être une vision traditionnelle désagréable, selon laquelle « le but du législateur est la vertu de ses citoyens » (Aristote), tout en donnant une tournure classique à la notion de Jefferson de « recherche du bonheur ».

Snead ne peut pas discuter de tout le droit, bien sûr, il se limite donc à la « bioéthique » – l’avortement, la procréation artificielle et le suicide assisté. Certes, les « hypothèses anthropologiques » sont plus faciles à remarquer dans ce domaine. Mais il ne s’occupe pas du mariage – une grave omission pour son projet, comme je l’expliquerai plus tard.

Snead constate que la loi en matière de « bioéthique », principalement les décisions de la Cour Suprême, mais aussi certaines lois d’État, découle de, et promeut, « l’individualisme expressif ». C’est l’idée que nous sommes par essence des esprits et des volontés libres, dont le but est de nous exprimer et de créer le récit d’une vie.

Nos corps sont accessoires à cette tâche. Nous n’avons aucune obligation en dehors de celles que nous avons librement acceptées. Nos relations avec les autres sont purement « instrumentales et transactionnelles ». Surtout, « les données naturelles n’offrent aucune indication pour comprendre ou négocier le monde ».

En somme, il s’agit d’une vision de soi susceptible de plaire aux professeurs, à la classe qui utilise des symboles, aux personnes de haut niveau en affaires, et en particulier aux avocats.

Mais « l’individualisme expressif » est faux, et les lois qui promeuvent une vision correspondante de l’épanouissement humain ne seront ni sages, ni justes, ni humaines. En quoi consiste la vision anthropologique appropriée ? La description en un mot de Snead est la vie humaine en tant qu’« incarnation » : en tant qu’êtres incarnés, nous sommes vulnérables, dépendants et soumis à des limites naturelles. En tant que tels, « nous avons besoin de réseaux solides et étendus de dons non calculés et de réception gracieuse, peuplés de personnes qui font du bien des autres leur propre bien ».

Aux moments clés de son argumentation, Snead donne une litanie de véritables réalités humaines qui ne semblent jamais trouver leur place dans la jurisprudence de la Cour Suprême, à notre appauvrissement croissant : « générosité, hospitalité et accompagnement dans la souffrance (miséricorde), ainsi que gratitude, humilité, ouverture à l’imprévu, tolérance de l’imperfection, solidarité, respect de l’égale dignité intrinsèque, honnêteté et culture de l’imagination morale. »

Nous voulons tous une société imprégnée de ces biens. Ainsi, Snead, avec sa merveilleuse prémisse sur l’objet de la loi, nous donne un moyen de contourner un blocage dans la jurisprudence de la Cour Suprême. Le sens de la Constitution est-il donné par l’intention originale ou par un sens public original, ou la Constitution est-elle un « document vivant » qui devrait être adapté à l’époque ? Dans tous les cas, le but de la loi est de protéger et de promouvoir l’épanouissement des personnes, et nous devons donc veiller à ce que le droit soit basé sur une anthropologie véridique. L’arrêt Roe c. Wade devrait donc être écarté simplement en raison de la vision désastreusement erronée de nous-mêmes qu’il présuppose et continue de favoriser. Mais le principal résultat du livre de Snead, je pense, est de démolir une fausse dichotomie, qui fait de « l’individualisme expressif » la seule alternative à ce que l’on appelait autrefois « l’assujettissement des femmes ».

Si vous voulez voir la dichotomie dans toute sa rigueur malavisée, ne cherchez pas plus loin que la pensée de la juge Ginsberg dans sa dissidence dans Gonzales c. Carhart (2007). L’avortement est nécessaire, dit-elle alors, pour qu’une femme ait un contrôle total sur sa vie reproductive, ce qui est nécessaire si elle veut avoir « l’autonomie pour déterminer le cours de sa vie », ce qui lui est nécessaire pour « jouir d’une égale citoyenneté ».

La seule alternative, pense-t-elle, est de revenir à l’idée que les femmes sont « le centre de la maison et de la vie de famille, avec des responsabilités spéciales qui les excluent… d’un statut juridique complet et indépendant en vertu de la Constitution ». Elle cite une décision de la Cour suprême de 1873 selon laquelle « l’homme est, ou devrait être, le protecteur et le défenseur de la femme. La timidité et la délicatesse naturelles et appropriées qui appartiennent au sexe féminin ne lui conviennent évidemment pas pour beaucoup des occupations de la vie civile… Le destin et la mission primordiaux de la femme sont d’accomplir les fonctions nobles et bienveillantes d’épouse et de mère ».

Retournez voir Gonzales et relisez le témoignage oculaire d’une infirmière assistant à un avortement par naissance partielle, que le juge Kennedy a inclus au début de son avis. Je vais l’omettre ici. C’est trop horrible, même pour un film d’horreur de la semaine d’Halloween. Mais considérez que RBG (Ruth Bader Ginsberg, ndt), et ceux qui sont comme elle, sont tellement sous l’emprise de leur alternative erronée, qu’ils accepteraient l’avortement par naissance partielle plutôt que de retourner, du moins c’est ce qu’ils pensent, à des femmes exclues de la vie civique.

À cette malheureuse paralysie de la volonté et du bon sens, Snead fournit une issue. Pensons au type de société, en général, que nous voulons favoriser, dit-il. Nous pouvons certainement faire de la place à la pleine participation de chacun à la vie de citoyen, tout en n’attaquant pas implicitement la générosité, l’hospitalité, l’ouverture à l’imprévu – « le don non calculé et la réception gracieuse ». « L’individualisme expressif » finira par nous détruire.

La seule lacune du livre est son échec même à mentionner la complémentarité homme-femme en relation avec « l’incarnation ». Pourtant, la « signification nuptiale du corps » semble fondamentale pour l’anthropologie que Snead recommande. Ainsi, par exemple, lorsqu’il insiste sur le fait que le bien de l’enfant doit être l’idéal directeur de la procréation assistée, il parle de « parents, quel que soit leur type » et s’abstient de dire que les enfants sont mieux élevés par une mère et un père. Il n’offre pas non plus de critique de la gestation pour autrui.

La vérité complète a été omise, soupçonne-t-on, dans l’intérêt de la persuasion, mais est-ce que quelque chose de moindre que la vérité tout entière nous aidera à la fin ?