Autoritarisme ou impuissance ? - France Catholique

Autoritarisme ou impuissance ?

Autoritarisme ou impuissance ?

Alors que la France traverse une profonde crise sociale et politique, on hésite sur l’analyse de ses ressorts : dérive césariste ou affaissement de l’autorité ? Demeure une certitude : dans ce flou s’engouffrent les ennemis du bien commun.
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Manifestation contre la réforme des retraites, à Paris, le 16 février.

Manifestation contre la réforme des retraites, à Paris, le 16 février.

© Paola Breizh / CC by-sa

«L’essence de la démocratie, c’est le conflit […]. Le rôle du président de la République est de régler les conflits entre le gouvernement et le Parlement. » Interrogé à la télévision en septembre 1958, Michel Debré rappelait en quelques mots – d’une saisissante actualité – l’un des principes fondateurs de la Constitution de la Ve République, dont il est considéré comme l’auteur. Or, dans la crise dans laquelle s’est enfoncée la France depuis le début de l’examen du projet de loi sur la réforme des retraites, le rôle d’Emmanuel Macron semble plus insaisissable que jamais, alors que chacun pressent que le chaos social pourrait bien succéder à la crise politique.

Une crise majeure ?

« Une majorité groggy d’un côté, des protestataires radicalisés de l’autre… Autour du chef de l’État, l’ambiance est à la vigilance extrême. Dès vendredi matin [17 mars, NDLR], le ministre de l’intérieur, Gérald Darmanin, a donné des consignes aux préfets : encadrer les manifestations, éviter la “zadisation” des places, protéger les symboles de la République, être attentifs aux blocages des routes et aux coupures d’électricité… Les forces de l’ordre doivent aussi appeler les parlementaires pour savoir s’ils ont besoin de protection… », résumait ainsi Matthieu Goar dans Le Monde (18/03). La prise de parole du chef de l’État, annoncée pour ce début de semaine, permettra-t-elle d’apaiser la situation, à l’issue de l’examen des motions de censure déposées par l’opposition ?

Autoritarisme, refus du dialogue social, mépris de la « France d’en bas »… Les critiques à l’encontre d’Emmanuel Macron ne manquent pas. « [Il] a trompé son monde en sortant les violons devant ces corps intermédiaires, la société civile ou les élus locaux, si précieux. Il s’agissait alors pour le chef de l’État d’assurer qu’il avait compris que tout président qu’il est, la France ne se réforme pas à coups de trique. Il n’avait en réalité rien compris du tout. Il en paie le prix aujourd’hui », analyse ainsi Paul Quinio dans Libération (19/03).

Il est cependant possible d’adopter une grille de lecture inverse, comme le fait le philosophe Pierre-Henri Tavoillot, dans Le FigaroVox (19/03), selon qui « le cœur de la crise politique […] se situe bien plus dans l’impuissance publique que dans l’excès de pouvoir. C’est cela qui décourage le citoyen d’aller voter : pourquoi participer à des élections qui produisent des élus avouant eux-mêmes leur impotence ? »

Les excès des Insoumis

Sur la forme, difficile de nier que le processus parlementaire, prévu par les institutions, s’est déroulé dans le respect des règles : dépôt du texte de la réforme, explicitement annoncée lors de la dernière campagne électorale, examen par les deux assemblées, dépôt d’amendements (pléthoriques), examen en commission mixte paritaire. Mais le débat a été marqué par tant d’excès – venus en particulier des rangs de la NUPES dont les élus considèrent l’utilisation de l’article 49.3 comme une forme de violence démocratique – qu’il a été dépouillé de la hauteur exigée par l’enjeu, à savoir la pérennisation d’un modèle de solidarité qui remonte aux ordonnances de 1945. Sans compter que ce texte a été porté par Olivier Dussopt, ministre du Travail, du Plein Emploi et de l’Insertion, lequel en 2010, lorsqu’il était député (PS), avait porté le fer contre la réforme Fillon qui fit passer l’âge de la retraite de 60 à 62 ans. « Une réforme doublement injuste », avait-il alors protesté à l’Assemblée nationale…

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