«Il est au Ciel avec Dieu. » Curieusement, le concept le plus utilisé pour expliquer à un enfant ce qu’est devenu un défunt aimé après son trépas, est pourtant l’un des plus complexes à appréhender dès lors que l’on s’attache à en pénétrer le sens. Le Ciel recouvre en effet des réalités et des possibilités multiples que les artistes se sont plu à imaginer des plus diverses et des plus belles des manières, tandis que les philosophes, les théologiens et les exégètes éprouvaient les plus grandes difficultés à en cerner ne serait-ce que le contour.
383 citations dans le Nouveau Testament
Situation paradoxale au regard du nombre d’occurrences du terme dans le texte biblique. Les mots « ciel » et « cieux » y apparaissent en effet respectivement à 374 et 383 reprises, tant dans l’Ancien que dans le Nouveau Testament. On trouve le mot « ciel » dès le premier verset du premier chapitre de la Genèse : « Au commencement, Dieu créa le ciel et la terre ». Et on le retrouve dans la quatrième et dernière partie de l’Apocalypse, consacrée à la Jérusalem céleste : « Alors j’ai vu un ciel nouveau et une terre nouvelle, car le premier ciel et la première terre s’en étaient allés et, de mer, il n’y en a plus. » Comment ne pas noter aussi que Jésus y fait allusion dès le début de la prière qu’il transmet à l’humanité – « Notre Père, qui êtes aux cieux » –, laquelle est invitée un peu plus loin à accueillir la volonté divine « sur la terre comme au ciel ».
La tradition de l’Église n’est pas avare non plus en la matière, ne serait-ce qu’au travers du Symbole de Nicée qui réaffirme la croyance en Dieu « créateur du ciel et de la terre » et revient sur les perspectives célestes en évoquant le mystère de l’Incarnation – « il descendit du ciel » – et l’Ascension de Jésus – « et il monta au ciel ». La Vierge Marie l’évoque souvent elle aussi, lors de ses apparitions. Si l’on accomplit un grand bond dans le temps, on ne saurait oublier qu’à Fatima, le 13 mai 1917, elle avait répondu « Je suis du ciel » à la petite Lucie qui lui demandait : « D’où venez-vous Madame ? ».
Comment définir le Ciel ?
En dépit de son omniprésence dans l’Écriture sainte et dans la Tradition, la nature du Ciel demeure très difficile à percevoir. Pour des raisons sémantiques tout d’abord, tant ce mot peut être entendu suivant des acceptions très différentes. Dans son Dictionnaire de la Bible, publié en 1865, le pasteur Jean-Augustin Bost en distingue cinq principales. Le Ciel, selon lui, peut désigner l’étendue, c’est-à-dire « l’univers dans ses limites les plus reculées » ; l’atmosphère qui entoure la planète ; le séjour des puissances spirituelles ; la demeure de l’Éternel « où fut préparée et (…) s’achève la Rédemption » et enfin le séjour futur des rachetés. Mais cet hermétisme s’explique surtout parce que nulle part on n’en trouve une description, même sommaire : « Seigneur, nous ne savons pas où tu vas » (Jean 14,5), dit ainsi l’apôtre Thomas à Jésus lorsque celui-ci annonce aux disciples son Ascension future au cours de la Cène. Cette absence de qualificatifs peut s’expliquer par le caractère ineffable de cette promesse.
Une réalité sublime
Comment décrire en effet avec un vocabulaire pauvrement humain une réalité sublime qui échappe aux lois de la matière, du temps et de l’espace ? « Ce mystère (…) dépasse toute compréhension et toute représentation », rappelle le Catéchisme de l’Église catholique (art. 1027). C’est pourquoi, « l’Écriture nous en parle en images : vie, lumière, paix, festin de noces, vin du royaume, maison du Père, Jérusalem céleste, paradis »…
