Au Nom de Jésus - France Catholique
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Au Nom de Jésus

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Dans le septième livre de ses Confessions, Saint Augustin relate une avancée cruciale de son itinerarium in deum intellectuel et spirituel.

Providentiellement, il avait été familiarisé à « plusieurs livres de Platoniciens traduits du grec au latin ».

En les lisant, il a expérimenté une véritable conversion intellectuelle. Il a trouvé des ressources pour surmonter un matérialisme métaphysique subtil et pour affirmer la réalité d’un véritable royaume spirituel. En effet, il a trouvé chez les Platoniciens la prise de conscience que « au commencement était le Verbe », que le Verbe imprégnait l’univers et était l’instrument utilisé par Dieu pour la Création.

Cette reconnaissance intellectuelle a eu un effet libérateur sur la vie spirituelle d’Augustin. Elle lui a permis non seulement de voir l’excellence de la Création mais également d’apprécier la profondeur de son propre être spirituel de créature.

Si importante qu’ait été cette découverte, elle restait pourtant radicalement insuffisante. Augustin présente tout à la fois les mérites et les insuffisances de ces livres platoniciens intellectuellement stimulants en citant l’Evangile de Jean. « J’ai trouvé dans ces livres que le Verbe, Dieu, était ‘ né, non de la chair et du sang, non d’un désir d’homme, non de la volonté de la chair, mais de la volonté de Dieu.’ (Jean 1:13) mais je n’ai pas trouvé que ‘ le Verbe s’était fait chair ‘ (Jean 1:14) »

L’absence du nom salvateur, la réalité de Jésus, l’humble Sauveur, rend finalement les livres des Platoniciens inutiles. Ils signalent un chemin, mais ils ne peuvent pas fournir le Chemin.

Dans un passage dont la ferveur poétique et spirituelle résonne à travers les siècles, Augustin s’écrie :

J’ai recherché un moyen d’acquérir la force nécessaire pour Vous aimer, mais je n’ai pu le faire tant que je n’ai pas embrassé « le médiateur entre Dieu et l’homme, l’homme-Christ Jésus » (1 Timothée 2:5) « qui est au-dessus de toute chose, Dieu béni pour toujours » (Romains 9:5). Il m’a appelé, disant : « Je suis le Chemin, la Vérité, la Vie » (Jean 14:6). Et la nourriture que j’étais trop faible pour recevoir, il l’a mêlée à notre propre chair – car « leVerbe s’est fait chair » – afin que la Sagesse, par laquelle Vous avez créé toute chose, puisse nous fournir le lait pour notre enfance spirituelle. (Confessions VII – xiii)

Ces souvenirs d’Augustin ont été rappelés à ma mémoire par ma préoccupation actuelle envers une « amnésie » christologique qui semble avoir affligé depuis des années certaines universités, organisations et publications catholiques. Elle se manifeste par de mièvres déclarations de mission et des exhortations éditoriales de la même eau. C’est comme si on rougissait de mentionner le Nom, de peur d’être considéré comme bassement triomphaliste ou manquant de sensibilité œcuménique. Il en résulte ce que Mgr Robert Barron a appelé « le catholicisme beige ».

Maintenant, je ne prône pas une simple invocation rhétorique du Nom de Jésus, mais une prise de conscience que « personne ne peut poser aucune fondation autre que celle qui a été posée : cette fondation est Jésus-Christ ». (1 Corinthiens 3:11) Et l’Apôtre avertit : « que chacun prenne garde à la façon dont il bâtit sur cette fondation ».

Une université « catholique » qui fait tout son possible pour seulement singer ses concurrents laïcs en en train de bâtir sur du sable et sera éprouvée par le feu. Une revue « catholique » qui se fait vaguement l’écho du New York Times ne fournit que de la lie spirituelle, aussi habilement camouflé que cela soit. Excepté si le Christ est la fondation infaillible, ils n’ont rien à offrir à une époque sécularisée. Car, comme Vatican II insiste sur ce point :

L’Eglise croit fermement que le Christ, qui est mort et ressuscité pour tous, peut par son Esprit offrir à l’homme la lumière et la force pour être à la hauteur de sa destinée suprême. Il n’y a pas d’autre nom sous le ciel qui puisse être donné à l’homme et par lequel il puisse être sauvé. De même l’Eglise soutient que dans son Seigneur et Maître tant aimable on peut trouver la clé, l’épicentre et le but de l’homme comme de toute l’histoire humaine. (Gaudium et spes, no. 10)

L’exhortation apostolique « Evangelii Gaudium » est à juste titre considérée comme l’allocution inaugurale du pape François. Laquelle fait consciencieusement écho à l’éminente « Evangelii Nuntiandi » de Paul VI. Et les deux documents témoignent passionnément du cœur christique de Vatican II.

Ainsi, au tout début de son exhortation, François convie :

J’invite tous les chrétiens, partout, à tout moment, à une rencontre personnelle renouvelée avec Jésus-Christ, ou tout au moins à une ouverture qui Lui permette de les rencontrer. Je vous demande à tous de faire cela indéfectiblement chaque jour. Personne ne devrait penser que cette invitation ne le concerne pas puisque « personne n’est exclu de la joie apportée par le Seigneur ». Le Seigneur ne déçoit pas ceux qui prennent le risque, chaque fois que nous faisons un pas vers Jésus, nous prenons conscience qu’Il est toujours là, nous attendant avec les bras grand ouverts. (Evangelii Gaudium no.3)

Maintenant, il n’y a guère de raison de penser qu’un pape aussi socialement responsable n’adresserait cette invitation qu’aux seuls individus, comme si la foi catholique n’était qu’une entreprise uniquement privée. Comme élève d’Henri de Lubac, dont le monumental « Catholicisme » avait pour sous-titre original « Les aspects sociaux du dogme », le pape pensait sûrement aussi à une conversion et un engagement institutionnels.

On ne peut estimer que les différentes formes d’injustice soulignées dans l’enseignement social de l’Eglise soient les uniques « péchés sociaux ». Les diverses formes d’apostasie qui déchirent le Corps du Christ doivent être prises en compte également.

Alors, n’est-ce pas un exercice spirituel requis des institutions s’affirmant catholiques que de discerner soigneusement si la vision et la mission inscrites dans leurs initiatives et leurs entreprises reflètent une conversion et un attachement au Christ ? Ou bien doivent-elles, et nous avec, confesser avec honnêteté que « notre premier amour s’est refroidi » (Apocalypse 2:4) ? Cet amour passionné et caractéristique du Nom de Jésus qui nous pousse à devenir ses témoins, à titre individuel comme à titre collectif dans nos institutions.

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Robert Imbelli, prêtre de l’archidiocèse de New York, est professeur émérite de théologie au Boston College.

Illustration : « Augustin d’Hippone » par le Caravage [ musée Dell’Abcazia di Casamari, Lazio, Italie]

Source : https://www.thecatholicthing.org/2018/01/21/at-the-name-of-jesus/

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https://www.france-catholique.fr/Quelques-rendez-vous-a-la-librairie-Gay-Lussac.html