« Léon XIV a un cœur de pasteur » - France Catholique
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Un pèlerinage aux racines de la foi
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« Léon XIV a un cœur de pasteur »

Alors que le Pape s’apprête à effectuer son premier voyage apostolique en Turquie et au Liban, paraît sa première biographie en français. Rencontre avec son auteur, Elise Ann Allen, journaliste pour le média américain Crux.
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Le pape Léon XIV dédicace le livre d’Elise Ann Allen. © Elise Ann Allen

Vous avez rencontré Léon XIV aussi bien quand il était évêque que devenu Pape. Quelle impression vous fait-il ?

Elise Ann Allen : C’est quelqu’un de très impressionnant, d’autant qu’il est très attentif à la personne qui se trouve devant lui. Il sait très bien écouter. Je n’ai jamais eu l’impression qu’il parlait de lui, tant il fait toujours en sorte que la personne avec qui il discute soit la protagoniste de la conversation. C’est ce qui m’a le plus frappée lorsque je l’ai rencontré pour la première fois en tant qu’évêque, et cela m’a encore frappée lors de nos entretiens en tant que Pape : il est vraiment sincère et honnête. Quand vous lui posez une question directe, il veut vous donner une réponse directe. En tant que journaliste, c’est frappant. Vous savez, même dans une conversation officieuse, on peut avoir l’impression que les prélats essayent d’esquiver vos questions… Léon XIV donne l’impression qu’il ne se laisse pas intimider. On sent un cœur de pasteur, très humble.

Votre biographie insiste sur le fait que Léon XIV a toujours été « très contemplatif »… Qu’est-ce que cela implique ?

Étant très contemplatif, Léon XIV est très réfléchi et, par conséquent, très prudent. Il a toujours agi ainsi tout au long de sa carrière : aussi bien en paroisse qu’en tant que prieur général des Augustins, évêque ou encore cardinal. Nous le voyons faire la même chose aujourd’hui. Après son élection au pontificat, il a déclaré vouloir prendre son temps. Regardez comment il laisse tout le monde à son poste pour l’instant. Les changements se feront à un rythme tranquille, car il veut s’assurer que ses décisions sont bien celles qu’il souhaite prendre.

Vous dites qu’il a une « méthode » pour régler les problèmes… Quelle est-elle ?

Il me l’a dit lui-même lors de l’entretien : il aime avant tout consulter. Face à un problème, il se réunit avec ses conseillers ou les différentes parties concernées. Quel que soit le problème, il aime entendre tous les points de vue ! Ensuite, bien sûr, il réfléchit, prie, demande conseil. Ce n’est pas quelqu’un qui aime prendre des décisions de manière unilatérale. Il me semble que Léon XIV sait que la décision ultime ne satisfera peut-être pas tout le monde, mais il cherchera à ce qu’elle soit la plus équitable possible.

Dans quelle mesure la vie de saint Augustin influence-t-elle son pontificat ?

Saint Augustin a vraiment mis l’accent sur la vie en communauté comme un moyen d’atteindre la sainteté. Et c’est quelque chose que nous retrouvons chez Léon XIV : il mesure à quel point les temps sont extrêmement divisés. Nous avons beaucoup évoqué la polarisation du monde lors de notre entretien et l’on sent que cela le préoccupe beaucoup, personnellement. Au cours des congrégations générales, les cardinaux avaient évoqué la nécessité d’un Pape capable de ramener l’unité au sein de l’Église. Il considère donc que c’est en quelque sorte sa mission. Car pour lui, nous ne devons pas nous laisser entraîner dans de petits débats, mais nous concentrer sur l’essentiel, c’est-à-dire l’Évangile et le Christ.

Y a-t-il, dans la vie de Léon XIV, un aspect clé pour le comprendre ?

Il faut absolument prendre en compte ses activités pastorales au Pérou et la manière dont il a accompagné le peuple à travers les crises successives qui ont secoué le pays. Quand il est arrivé, au milieu des années 1980, le Pérou était confronté au terrorisme du Sentier lumineux [guérilla d’extrême gauche, N.D.L.R.], à une crise économique, ainsi qu’à une controverse autour du président d’alors, d’Alberto Fujimori. Robert Francis Prevost n’a jamais cessé d’être avec les fidèles. Par exemple, lorsque les Augustins ont été menacés par le Sentier lumineux et qu’ils ont songé à évacuer, son choix a toujours été de rester avec la population. Idem pendant la crise sanitaire du Covid-19… Si l’on examine son parcours et ses actions, on comprend que la justice sociale va être un sujet très important pour lui. Il n’est pas étonnant qu’il ait choisi le nom de Léon XIV, en hommage à Léon XIII, qui a donné à l’Église son enseignement social !

Vous relevez que c’est au Pérou qu’il embrasse la foi populaire…

Dès son arrivée au Pérou, je pense qu’il était très disposé à s’impliquer dans la culture locale. Il comprenait qu’il était missionnaire. Et il m’a dit lui-même qu’il n’était pas là pour imposer, mais pour recevoir. Il a donc embrassé les gens et leurs traditions. François avait aussi cet instinct, cette dévotion envers la foi populaire, parce qu’il a grandi en Amérique latine. En embrassant la foi populaire, Robert Francis Prevost n’était clairement pas comme les autres « gringos » [Américains présents en Amérique latine, N.D.L.R.] ! Il aurait pu accepter sans s’impliquer mais, par instinct missionnaire, il s’est vraiment investi parce qu’il comprenait que c’est là que la foi des gens s’exprime.

En quoi est-il nord-américain ?

Il est très nord-américain à bien des égards – il est très ponctuel, par exemple – et notamment sur un point : il est très organisé et rigoureux. Malgré tous nos défauts, nous, Américains, sommes très doués pour les systèmes ! Léon XIV va apporter au Vatican, au Saint-Siège, ce sens américain de la structure et de l’organisation systémique.

Léon XIV sera dans quelques jours en Turquie et au Liban. Quels sont les défis de ce premier voyage apostolique ?

Le défi est œcuménique, car de nombreux chefs religieux chrétiens seront présents. Léon XIV n’a pas beaucoup pratiqué l’œcuménisme auparavant, car ses fonctions ne l’ont jamais exigé. Mais il est conscient de son importance. Il s’agira donc de maintenir l’élan œcuménique que le pape François avait instauré. Surtout, son plus grand défi sera de faire passer un message de paix dans cette région du Moyen-Orient, une région qui souhaite, d’une certaine manière, être perpétuellement en guerre. 

Léon XIV, pape missionnaire d’une Église mondialisée, Elise Ann Allen, Éd. Artège, 2025, 320 pages, 19,90 €.