La vie contemplative, une colonne pour l’Église - France Catholique
Edit Template
« Les contemplatifs portent le monde »
Edit Template

La vie contemplative, une colonne pour l’Église

L’effloraison des ordres contemplatifs, au long des siècles, s’explique par le zèle des moines et des religieuses à vivre totalement leur amour de Dieu.
Copier le lien

© Fred de Noyelle / Godong

Tous les amoureux des chats connaissent le chartreux qui, davantage encore que ses confrères félins, passe de longues heures en contemplation dans sa robe bleue. Il tire son nom de sa présence médiévale dans les monastères de chartreux. Joachim Du Bellay chantera son chartreux Belaud en ces termes : « Tel fut Belaud, la gente bête,/Qui des pieds jusques à la tête,/De telle beauté fut pourvu,/Que son pareil on n’a point vu » (Épitaphe d’un chat). Toute contemplation est parée de beauté, image de celle, éternelle, qui ravit les élus. Les ordres contemplatifs sont la perle précieuse de la Sainte Église.

La « vie contemplative » est une expression déjà présente chez Platon dans le Gorgias. Si le philosophe aspire à contempler, à plus forte raison le disciple du Christ. Aussi, dès l’origine du christianisme, des hommes furent-ils désireux de se retirer dans la solitude des déserts d’Égypte et de Palestine, souvent comme ermites. Leur zèle était de consacrer toute leur vie à la prière, dans l’ascèse et la mortification, tout en vivant de mendicité ou bien du travail de leurs mains – comme de tresser des corbeilles et des paniers. Ce furent les Pères du désert, dont les Apophtegmes sont des gemmes spirituelles du IVe siècle [Les Apophtegmes des Pères du désert sont un ensemble des préceptes et des maximes des ermites et des moines qui peuplèrent les déserts égyptiens au IVe siècle, NDLR].

Le contemplatif mène un rude combat pour se purifier. Par exemple, Abba Antoine – saint Antoine le Grand, regardé comme le père de la vie monastique – enseigne : « Celui qui demeure au désert et vit dans le recueillement est débarrassé de trois combats, ceux de l’ouïe, du bavardage et de la vue ; il n’a plus affaire qu’à un seul, celui du cœur. » À la même époque, saint Jérôme fondera le premier monastère de femmes à Bethléem, où il s’était retiré pour étudier et prier. L’Occident ne fut pas en reste puisque saint Martin érigea l’abbaye de Ligugé avant que saint Honorat ne s’installât avec ses frères moines à Lérins. Les premières règles pour la vie commune voient le jour, dont celle de saint Colomban au VIe siècle, le rude Irlandais qui couvre rapidement le continent de ses fondations très austères.

Un autre moine apparaît en Italie, saint Benoît, et sa Règle plus douce et équilibrée, va rapidement supplanter celle de son prédécesseur. Elle sera par la suite, au cours des siècles, déclinée de diverses manières, au gré des réformes, par de nombreuses familles et communautés religieuses. La devise est « Ora et labora » : « Prie et travaille ». Ce sont deux piliers essentiels de la vie monastique, reprenant la figure évangélique de Marie et Marthe, complémentaires, et toutes deux à l’écoute du Maître (Évangile selon saint Luc 10, 38-42).

« La Croix demeure »

Malgré tout, certains amoureux de Dieu voulurent se consacrer plus exclusivement à la contemplation pure, tel saint Bruno au XIe siècle, dans le massif de la Chartreuse, puis partout en Europe. La vie y est quasi érémitique pour les prêtres dans leurs cellules et pour les frères chargés des tâches domestiques et matérielles. La devise des chartreux est « Stat Crux dum volvitur orbis » : « La Croix demeure tandis que le monde tourne ». Ces contemplatifs, coupés du monde, consacrent leur temps à prier pour celles et ceux qu’ils ont quittés pour le grand silence.

Robert de Molesme en 1098, puis à sa suite saint Bernard de Clairvaux, voulut mettre en pratique une règle bénédictine plus exigeante, et ce fut la floraison des abbayes cisterciennes. Saint Romuald de Ravenne, en 1012, fonda les camaldules qui allient le travail, la prière au chœur et la solitude, toujours sous l’inspiration de saint Benoît.

La réforme du Carmel

En Terre sainte, au XIIe siècle, des ermites se réunirent sur le mont Carmel. Réfugié ensuite en Europe, cet ordre du Carmel deviendra mendiant pour les hommes, tandis que les femmes mèneront une vie cloîtrée. En 1568, sainte Thérèse d’Avila procédera à sa réforme avec saint Jean de la Croix et renforcera l’aspect contemplatif des couvents. Fidèle à ses origines et au patronage du prophète Élie, cet ordre a choisi comme devise une double référence de l’Ancien Testament : « Zelo zelatus sum pro Domino Deo Exercituum » : « Je suis rempli d’un zèle jaloux pour le Seigneur Sabaoth » – et « Il est vivant le Seigneur devant qui je me tiens » (Ier Livre des Rois 19, 14 et 18, 15).

Au XIIIe siècle, sainte Claire, aidée par saint François d’Assise, réunit autour d’elle les premières clarisses, dans la pauvreté et la contemplation. Plus tard au XVe siècle, sainte Colette redonna tout son feu à cet ordre humble et priant. D’autres ordres contemplatifs virent le jour au XIVe et au XVe siècle, mais dans des secteurs géographiques plus limités, comme les hiéronymites en Espagne et l’ordre de l’Immaculée Conception au Portugal.

En France, au XVIIe siècle, deux ordres d’abord fondés pour une vie à la fois active et cloîtrée, devinrent totalement contemplatifs : les visitandines de sainte Jeanne de Chantal et saint François de Sales, et les sacramentines de la vénérable Jeanne Chézard de Matel. Durant tous ces siècles, d’autres congrégations se rattachèrent aux différentes règles monastiques, tout en menant certaines activités apostoliques, surtout en ce qui regarde les hommes car les femmes consacrées demeurèrent longtemps exclusivement assignées au cloître.

La caractéristique commune à toutes ces diverses communautés se consacrant totalement à la contemplation est la pratique de l’oraison, le passage par les épreuves et les purifications de l’âme. Cette école contemplative est simple, sans fioriture : « Le secret de la contemplation est d’abord de reconnaître et d’accepter notre pauvreté, puis de nous abandonner entre les mains de notre Père » (un chartreux).

Nécessaire humilité

Dès l’origine de l’Église, ceux qui ont voulu devenir disciples ont imité le Maître qui, dans sa vie terrestre, fut toute contemplation, y compris dans l’action. Cela amènera certains ordres actifs à intégrer la contemplation d’une autre manière que dans la vie cloîtrée, tels les dominicains ou les jésuites. Sainte Thérèse d’Avila souligne que toutes les âmes ne sont pas aptes à la contemplation et que l’humilité est nécessaire dans ce domaine. La floraison des ordres contemplatifs tout au long des siècles, malgré les persécutions, les interdictions, les bannissements et les suppressions, est une colonne pour l’Église qui n’a pas fini d’en bénéficier.