Saint Pie V, le Pape du concile - France Catholique
Edit Template
Euthanasie : la fuite en avant
Edit Template

Saint Pie V, le Pape du concile

En six ans, ce pieux dominicain aura changé pour quatre siècles le visage de l’Église en mettant en œuvre les décisions du concile de Trente.
Copier le lien
Saint Pie V vénérant le crucifix, August Kraus.

Saint Pie V vénérant le crucifix, August Kraus.

Lorsque Pie IV disparaît, en 1565, le concile de Trente est achevé depuis deux ans. Son application reste à faire et la tâche paraît surhumaine. Lequel des cardinaux pourra l’assumer ? Le choix se porte sur le dominicain Michele Ghislieri, évêque de Mondovi et… Grand Inquisiteur ! Entré à 14 ans chez les Frères Prêcheurs, ce fils de paysan a été ordonné prêtre en 1528. Très tôt, on a loué son intelligence, ses qualités de thomiste, sa piété. Devenu prieur du couvent d’Alba, il semblait voué à la prédication et à l’enseignement. Dieu en a décidé autrement.

La robe blanche du dominicain

En 1521, lorsque Fra Michele a fait profession, Frère Martin Luther rompait ses vœux en Allemagne. Depuis, sa Réforme arrache au catholicisme des âmes par milliers, conquises par sa critique d’une Église catholique qui, depuis trop longtemps, donne un scandaleux exemple. C’est justement pour arrêter la contagion de l’hérésie qu’en 1550, Ghislieri, devenu inquisiteur, est envoyé à Côme, dont l’évêque est gagné à la Réforme.

Inquisiteur… Ghislieri n’a rien du tortionnaire sadique imaginé par les auteurs romantiques. Ses seules armes sont la parole, la force des arguments, la foi et l’aide de la Vierge Marie. Prêcher la dévotion mariale, celle aux âmes du purgatoire, condamnées par Luther, suffit souvent à ranimer le catholicisme des esprits troublés. Sa réussite est telle que Paul IV l’élève à l’épiscopat puis au cardinalat, au désespoir de l’humble religieux dont la seule exigence est de garder la robe blanche des dominicains.

Incapable de se taire quand les intérêts de l’Église sont en jeu, Ghislieri est disgracié par le pape suivant, Pie IV, dont il a critiqué des choix en rupture avec l’esprit du concile et le népotisme. C’est pourtant l’un des bénéficiaires des pratiques décriées, le cardinal Borromée, qui, le jugeant indispensable, convainc son oncle de le rappeler à Rome, puis le pousse vers le pontificat.

Le don des larmes

Le nouveau Pape a 61 ans. à force de privations, il souffre d’une maladie rénale incurable mais, dévoré de zèle pour la maison de Dieu, il ne s’épargnera pas pour réussir à mettre en œuvre le concile de Trente. Pardonnant à ceux qui l’ont accablé sous Pie IV, il choisit de s’appeler, non Paul V mais Pie V, oubliant les offenses passées, conscient de ne pouvoir réformer l’Église sans donner l’exemple.

Ses proches diront qu’il ne souriait jamais. Il faut admettre que la situation ne prête pas à la plaisanterie et Pie V, qui a le don des larmes, pleure beaucoup sur les péchés de la catholicité, et les siens, convaincu qu’ils l’entravent dans sa mission, à laquelle il se sait inférieur. Cette humilité l’incline à ne compter que sur Dieu pour réussir. Rompant avec les fastes de la cour pontificale, excepté lorsqu’il faut rappeler les privilèges de sa fonction, il est un exemple constant de pénitence et de dépouillement. Il jeûne, se refuse à boire serait-ce un verre d’eau, aggravant ses problèmes rénaux, veille des nuits entières devant le tabernacle, processionne en l’honneur du Saint-Sacrement, pèlerinant à pied d’une basilique à l’autre, chapelet à la main, encourageant la récitation du rosaire.

Pour suivre l’exemple, la Curie se réforme, ou fait semblant. Les évêques sont invités à quitter Rome, en application des décrets conciliaires qui les obligent à résider dans leur diocèse, sauf s’ils veulent tâter les agréments des cachots du château Saint-Ange.

La prière des Quarante-Heures

Les prêtres se voient interdire d’installer des commerces, tripots et autres mauvais lieux dans leurs églises… Quant aux prostituées, on leur demande de se trouver un métier honnête, ou de quitter la Ville, sinon, c’est le Pape qui s’en ira. Comme il ne manque ni de réalisme ni de charité, il veille cependant à leur donner de quoi vivre ou à les doter.

S‘il le pouvait, Pie V interdirait le carnaval, dont les libertés le choquent mais, sachant que les Romains se révolteraient contre pareille sévérité, il instaure la prière des Quarante-Heures, destinée à en expier les excès. Le népotisme, qui faisait de l’Église la chose de quelques grandes familles, n’est plus de mise. Les Ghislieri, qui espéraient beaucoup, sont renvoyés chez eux, à l’exception d’un neveu que le Pape découvre vertueux…

Le clergé repris en mains, le Pape passe aux laïcs et somme les princes catholiques d’appliquer les décrets du concile de Trente sous peine d’excommunication. Il la fulmine contre Elizabeth d’Angleterre, avec pour seul résultat de mettre les catholiques anglais hors la loi et les vouer au martyre. Peu fait pour les jeux diplomatiques, car les nécessités politiques heurtent sa droiture, il se scandalise des palinodies de Catherine de Médicis qui balance sans cesse entre catholiques et protestants, assurant cependant un soutien militaire et financier à Charles IX pour lutter contre les réformés. Face à l’islam, il prépare une audacieuse alliance avec la Russie schismatique d’Ivan le Terrible, qui n’aboutit pas.

Le programme tridentin

S’agissant des affaires de ce monde, Pie V se trompe aussi bien qu’un autre. Et commet des fautes. La ghettoïsation des juifs de Rome lui est encore reprochée.

Mais il ne se trompe pas au plan spirituel. En six ans de pontificat, Pie V parvient à mettre en œuvre l’essentiel du programme tridentin : réforme des mœurs ecclésiastiques, instauration des séminaires qui formeront des prêtres pieux et instruits, publication du missel rénové dit « de saint Pie V », du nouveau bréviaire, du nouveau catéchisme et de la Somme théologique de saint Thomas d’Aquin, armes spirituelles données au clergé et au peuple catholiques.

Des armes, il en fourbit d’autres, tranchantes, quand, en 1570, inquiet de la menace ottomane sur la Méditerranée, il parvient à mettre sur pied une coalition improbable contre le Turc qui débouche, le 7 octobre 1571, sur la triomphale victoire de Lépante. Pie V en accorde le mérite à la Sainte Vierge qu’il a fait prier pour le succès des armes catholiques, et instaure en son honneur la fête de Notre-Dame du Rosaire. Ce sera son ultime joie terrestre. Pie V meurt le 1er mai 1572, au terme de semaines d’agonie, victime d’une crise de néphrite.